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LE DOSSIER MÉDICAL DU MOIS
LA RUPTURE D’ANÉVRYSME?
IL FAUT DÉPISTER!
Anévrysme ou anévrysme? Le mot
vient du grec, «aneurisma». Etymolo-
giquement (venant du grec «etumos»),
le upsilon grec s’écrit Y. En anglais, on
écrit d’ailleurs «aneurysm». En fran-
çais, l’Académie de médecine a arrêté
«anévrysme» mais l’usage tend vers
le «i» dans «anévrysme»
QU’EST CE QUE C’EST,
L’ANÉVRYSME?
Un anévrysme, c’est unvaisseau sanguin
qui se dilate et forme un ballon. Lorsque
ce ballon éclate, il provoque un saigne-
ment difficilement contrôlable. Dans
80%descas,lepatientdécèdesuiteàcette
«
rupture d’anévrysme
». Dans la moitié
descas,ledécèssurvienttrèsrapidement,
avant même d’arriver à l’hôpital.
«
L’AAAestunedilatationlocaliséeetirré-
versible de la paroi d’un vaisseau sanguin
artériel, dans 95 % des cas, il est situé sur
l’aorte, en dessous des artères rénales. Le
diamètre normal de l’aorte abdominale
est de 18 à 22 millimètres. Lorsqu’on at-
teint un diamètre de 30 millimètres et
plus, on parle d’une dilatation anévrys-
male. Une intervention chirurgicale est
recommandée lorsque le diamètre est de
55 millimètres ou plus. Mais ce n’est pas
aussi simple : tous les gros anévrysmes
n’évoluent pas vers la rupture alors que
d’autres, plus petits, peuvent se rompre
»
explique lePr.Natzi Sakalihasan, chirur-
gien cardio-vasculaire auCHUde Liège,
chercheur spécialiste des AAA.
Pour lutter contre ce fléau, il n’y a qu’un
triple réponse:
dépistage, prévention e
recherche.
LE DÉPISTAGE
Détecter la présence d’un AAA est
possible avec une simple échographie
abdominale. Il est primordial de réali-
ser cet examen chez les patients de plus
de 65 ans, surtout si unmembre de leur
famille a déjà fait un anévrysme ou s’ils
ont un antécédent de cancer ou de pa-
thologie coronaire sévère.
Le Pr Sakalihasan et l’Aneurysmal
Pathology Fondation ont déjà proposé
un dépistage systématique à la popu-
lation de plus de 65 ans de Chaudfon-
taine:35%despersonnesontréponduà
l’appel. C’est un retour intéressant pour
la Belgique, tout en sachant que, dans
les pays nordiques, le retour à ce type
d’enquête est de 90 %...! «
A Chaudfon-
taine, 40 cas d’anévrysmes ont été dé-
tectés et sont aujourd’hui suivis. Cinq
anévrysmes ont été opérés. On a donc
constaté une prévalence des AAA de 4%
dans la populationmasculine âgée de 65
ans et plus. Sur cette base, alors qu’il y
a 714.000 personnes entre 65 et 84 ans,
il y aurait actuellement plus de 33.000
Belges porteurs d’anévrysmes… sans le
Dessin Pr. Pierre Bonnet
e Pr Natzi Sakalihasan est un spécialiste reconnu de la
recherche sur les AAA: anévrysmes aortiques abdominaux.
33.000 Belges ont cette maladie sans le savoir et plus de
5.000 nécessiteraient une intervention chirurgicale.
L’AAA est aussi appelé le « tueur silencieux»…en cas de rupture,
c’est la mort dans 80%des cas !
savoir. On estime, statistiquement, que
entre 5 et 6.000 d’entre eux nécessitent
une intervention chirurgicale
». Le Pro-
fesseur Sakalihasan poursuivra ce travail
de dépistage cet automne dans les com-
munes d’Esneux et de Sprimont.
LA PRÉVENTION
Les éléments les plus courants qui favo-
risent la création d’un anévrysme dans
la paroi du vaisseau sont l’hypertension
artérielle, la consommation de tabac,
l’hypercholestérolémie et la maladie
héréditaire des tissus conjonctifs.
Une consultationmultidisciplinaire a été
créée au CHU de Liège pour les familles
des patients, afin de dépister l’éventuelle
présence de la maladie dans l’entourage
des patients et améliorer la connaissance
de ces phénomènes génétiques, dans tous
ses aspects. «
Chaque fois que je rencontre
un patient, je commence par dessiner un
arbre généalogique. Une personne dans la
famille a été atteinte d’un anévrysme ? Le
risque est quatre fois plus grandque les en-
fants mâles en soient victimes également.
Pour les frères et sœurs, ce risque estmulti-
plié par 18 pour les hommes et par 5 pour
les femmes. Il faut donc dépister, par une
échographie abdominale
».
LA RECHERCHE
Depuis plus de 25 ans, lePr Sakalihasan,
du service de chirurgie cardio-vascu-
laire et thoracique du Pr. J.O. Defresne
se penche, en collaboration étroite
avec le laboratoire de biologie des tis-
sus conjonctifs du Giga dirigé par le
Pr Alain Colige, sur la résistance phy-
sique et mécanique du tissu conjonctif
des parois des gros vaisseaux sanguins.
Une autre étude porte sur les biomar-
queurs qui circulent dans le sang des
patients et qui traduisent un anévrisme
instable. Une autre recherche, menée
avec le Pr. Eric Rompen et les Dr France
Lambert et Leila Salhi du service de pa-
rodontologie du CHU de Liège, porte
sur les liens entre les infections dentaires
– la paradontite et les AAA.
D’autres recherches, menées avec le ser-
vice de génétique humaine du CHU, ont
porté sur les aspects familial et géné-
tique des AAA. L’objectif est de pouvoir
identifier des marqueurs les plus pré-
coces de la maladie, afin de pouvoir la
prendre en charge le plus tôt possible,
voire avant qu’elle n’apparaisse.
RT