Les TOC, ces "petites manies" irrépressibles

14 XXX| XXX COMITE DE PATIENT | LA CHRONIQUE L’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) : une autre vision? Pour ambigu qu’il soit, le titre proposé ci-dessus n’implique nullement l’objectif visant à faire du patient un «bon» patient. Comme cela a déjà été précisé lors de chroniques antérieures, nous entendons par «ETP» l’ensemble des processus de CO-CONSTRUCTION entre patients et soignants pour la prise en charge chronique en institution. Cette procédure interpelle donc les patients au même titre que les soignants. Il reste néanmoins, dans un cadre tel que l’institution hospitalière, que ce sont les soignants qui bénéficient en priorité des enseignements de l’ETP. Il faut pourtant reconnaitre que le soutien tant participatif qu’informatif d’un patient partenaire ne peut qu’enrichir et approfondir la réflexion des soignants. L’objectif principal de l’ETP tel que retenu par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) peut être résumé dans la vision d’une meilleure autonomie du patient. Celle-ci sera favorisée par une meilleure compréhension de sa maladie et de ses traitements ainsi que par un contrôle plus serein de ses émotions. Les bases de l’ETP s’appuient donc sur le pouvoir du patient de développer ses possibilités d’acquérir et de maintenir par lui-même un maximum de compétences qui l’aideront à mieux gérer la maladie chronique dont il souffre. Historiquement, la pathologie prioritairement concernée par cet objectif général concernait dès le début du 20e siècle le diabète insulino-dépendant. Les procédures développées pour assurer la meilleure autonomie des patients souffrant de cette affection ont fort évolué depuis les années 20 au Canada jusqu’à l’aube de notre 21e siècle. De verticale, autoritaire et passive, la médecine a maintenant privilégié les principes d’une démarche humaniste, active et constructiviste réellement amorcée dans les années 1970. À l’heure actuelle, l’approche, par les compétences propres aux patients et par la gestion partagée de ses propres objectifs, est communément admise. Les derniers éléments actuellement pris en compte estiment à sa juste valeur l’importance du ressenti particulièrement lié au vécu émotionnel des patients. L’ETP doit donc progresser vers une médecine davantage globalisante. C’est ainsi qu’aux pratiques médicales et paramédicales classiques se sont adjoints les apports de la psychologie et de la pédagogie. Née et développée au Canada, l’ETP telle que comprise ci-dessus s’est installée au niveau mondial avec la caution de l’OMS. La charte d’Ottawa (1986) confirme, dans le chef de ses cosignataires, le processus de promotion de la santé qui accorde à la population en général les moyens d’assurer un contrôle plus extensif sur sa propre santé aux fins de la mieux gérer. En synthèse, l’ETPest envisagé sur base de deux référentiels: - Soit par une approche dite épistémologique qui analyse l’évolution du sens des terminologies et des processus propres aux différentes disciplines concernées (Sciences psychopédagogiques et médico-sociales). - Soit par une approche philosophique et socio-politique qui prendra en compte les variables morales et éthiques analysées en permanence dans le cadre de l’évolution de notre milieu de vie. L’ETP doit donc être interprétée comme une approche de la pathologie chronique au carrefour de la médecine, des sciences humaines, des sciences sociales ainsi que de la philosophie en général, de l’éthique en particulier. Décrite et développée dans les années 1980 par David Sackett au sein du département d’épidémiologie de l’universitéMcMaster (Ontario, Canada), la démarche innovante de l’EBM (« Evidence-Based Medicine » ou «Médecine basée sur les preuves ») a très rapidement appris à proposer des décisions médicales personnalisées pour chaque patient. Il serait rébarbatif de tenter une approche de l’ensemble des acquis de cette récente orientation. Peut-être suffit-il de reconnaître que l’ETP couvre maintenant le champ de l’ensemble des préoccupations de la pratique hospitalière de nos pays européens. Cette «personnalisation » de la pratique hospitalière s’avère avantageusement enrichie par la naissance d’une préoccupation réellement «humaniste » de la pratique médicale. La réflexion philosophique, soulignée plus haut, ose l’approche d’une nouvelle éthique au sein du monde parfois trop strictement opératif de la pratique médicale. L’apparition de ces préoccupations éthiques conduit maintenant la Médecine au partage objectivement affirmé des valeurs humaines auxquelles elle était, depuis longtemps, inconsciemment reliée. Sous l’impulsion des principes etméthodes plus universels défendus par l’ETP et sans dénier les devoirs déontologiques liés à toute pratique professionnelle, la médecine s’ouvre donc sur une préoccupation résolument éthique de la nature humaine. Nous parlions le mois précédent de la gestion de la souffrance en complément du soin de la douleur. Nous admettions ainsi que toute souffrance constituât une atteinte au bonheur de l’individu. Dominant la problématique du vécu de la douleur, l’approche de la souffrance telle que la préconise l’ETP participe aux valeurs de ce qui fait le Beau et le Bien pour tendre à ce que, déjà au 17e siècle avec Spinoza dénonçant le caractère délétère des «passions tristes », l’être humain ne développe pour objectif de vie que celui d’approcher son propre Bonheur. Il s’agit essentiellement ici de propos idéalistes et non de miraculeuses recettes. Dans le cadre de sa pratique au quotidien, l’ETP nécessite impérativement l’implication et la participation de chaque patient dans ce qu’il devra vivre comme une approche résolument nouvelle de la conception de la prise en charge sanitaire au sein d’une institution hospitalière. Une incontournable sensibilisation des patients à cette prise en charge participative, du maintien au niveau optimal de leur état de santé physique et psychique, s’avèrera indispensable. À l’heure actuelle, le Comité de Patients du CHU ne peut encore évaluer si cette participation devra se développer ponctuellement au chevet du patient hospitalisé par la transmission des compétences du personnel soignant formé à cet effet. Des formations de plus en plus nombreuses et pertinentes leur sont effectivement proposées. Les soignants sensibilisés à cette problématique générale y répondent de plus en plus activement. Il nous semble donc non seulement responsable qu’évident que les patients eux-mêmes soient convaincus que leur santé leur appartient au premier niveau. Ce ne sera que par l’interaction entre cette conviction du patient et le souci de la formation adéquate des soignants que les objectifs majeurs de l’ETP auront des chances d’être rencontrés. Ainsi resterons-nous probablement d’accord pour conclure que, même si Pierre Reverdy (1889-1960) fut considéré un des précurseurs de l’expression surréaliste par ses contemporains, ses réflexions pouvaient rejoindre tant la réalité que la poésie lorsqu’il écrivait que :«L’Éthique, c’est l’esthétique du dedans». JACQUES GLAUDE L’Éthique, c’est l’esthétique du dedans PIERRE REVERDY

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