Le Patient 49 / Le marathon de Noël

11 E ntre la première et la deu- xième vague de la pandémie, la donne a changé à l’hôpital. Des leçons du passé récent ont été tirées, des éléments neufs sont intervenus, les mentalités ont évolué. Plus de tests et demoyens de protections individuelles, plus de so- lidarité entremétiers à l’hôpital et de collaborations entre hôpitaux... mais aussi plusdepatients et davantagede fatigue accumuléepour lepersonnel. Une conjonction d’éléments a fait la dif- férence. En amont, la façon de procéder des médecins généralistes a évolué d’une vague à l’autre: « En pré et post hospitalier, la médecine générale était beaucoup plus organisée, constate Pierre Gillet, le direc- teur médial du CHU. Un tri plus important des malades a permis des hospitalisations plus rapides. Il y a eu moins d’urgence car les choses étaient bien gérées en amont ». Contrairement à la première vague, tous les hôpitaux ont traité d’emblée des cas covid. Ils progressent donc ensemble. Les colla- borations entre les hôpitaux de la région se sont aussi nettement intensifiées lors de la deuxième vague. Dès le mois de septembre, des réunions du collège des médecins chefs du réseau CHU ont été organisées. Mi-oc- tobre, elles sont devenues inter-réseaux avec jusqu’à 3 rendez-vous hebdomadaires: « Nous échangions nos expériences. Très vite nous en sommes arrivés à la conclusion que nous étions tous dans le même bateau et que nous allions dans le mur si nous ne trou- vions pas des solutions. Nécessité fait loi : ce n’était plus la concurrence. Une situation que nous n’avions jamais connue ». ACQUIS ET ÉVOLUTIONS En interne, auCHU, certains éléments du quotidien ont été plus aisés à gérer. L’hô- pital avait acquis l’expérience de la re- conversion des salles de chirurgie ou des salles de réveil en soins intensifs. De ma- nière générale, les choses se sont mieux passées au niveau des équipements de protection individuelle (masques) et du matériel (à l’exception partielle des lu- UNE ORGANISATION ESSENTIELLE POUR FAIRE LA DIFFÉRENCE 4MOTS, 4 RÉPONSES, 1 PHRASE. Covid : « Un virus bien méchant qui mobilise nos capacités de résilience, en termes organisa- tionnels mais aussi émotionnels pour savoir toujours répondre à la crise. ». Personnel médical : « Aspect inter voire transdisciplinaire où tous les médecins sont à la même enseigne. Il y a eu une commu- nauté de solidarité, parfois dif- ficile à mobiliser, mais un nou- veau rapport entre nous, inconnu jusque-là, est né. » Patient : « Il a dû être très patient et l’est toujours. Victime du co- vid, il l’est aussi d’avoir moins d’opportunités de se faire soigner pour toutes les autres pathologies non covid. Il paie un lourd tri- but, augmenté par l’interdiction de visites. » Vaccination : « Un grand espoir mais ce n’est pas encore garanti. Il faut encore attendre ne fut-ce que pour connaître la durée de protection immunitaire pour le patient vacciné ». 08/12/2020 Les universités et les hautes écoles en FWB restent en code rouge au moins jusqu’en février 09/12/2020 Le nombre de décès dans le monde dus au Covid-19 s’accélère encore selon l’OMS 09/12/2020 59 patients Covid positifs au CHU de Liège dont 14 aux soins intensifs • CHU • CHU nettes à haut débit et du matériel d'oxy- génation par membrane extracorporelle). La prise en charge médicale a également évolué: les interventions sans intubation ont été beaucoup plus nombreuses. Concernant le traitement, la première vague avait été marquée par les rumeurs concernant l’hydroxychloroquine. Lors de la deuxième vague, les personnes hos- pitalisées avec d’importants problèmes pulmonaires ont suivi un traitement ra- pide à la cortisone. « Plusieurs essais cli- niques sont en cours avec des médicaments et des anticorps de plasma de convales- cents mais nous n’avons pas encore les ré- sultats. Par contre l’étude anglaise sur la dexaméthasone (cortisone) est sortie juste avant la deuxième vague et a été adaptée dans tous les protocoles thérapeutiques ce qui a permis d’éviter la mort d’un certain nombre de patients ». Pour d’autres éléments par contre, les choses se sont compliquées à la deuxième vague. « Le grand défi dans une crise vient du fait que tout le monde est obligé de sortir de sa zone de confort, endehors de sa spécia- «LE DÉFI D’UNE CRISE: SORTIR DE SA ZONE DE CONFORT». PIERRE GILLET, directeur médical du CHU lité, analyse Pierre Gillet. Des chirurgiens suivent de la médecine interne et pneumo- logique pour les covids, des kinés aident des infirmiers pour retourner les malades dans certaines unités, pour apprendre à mettre des masques de lunettes à haut débit et des appareils de ventilation non invasive... Tous les métiers se solidarisent ». Fatigués de ne pas avoir récupéré de la première vague, fatigués de ne pas avoir pu profiter de vacances bien méritées, fa- tigués de prendre des risques de contami- nation, la mobilisation du personnel, tant au niveau médical qu’au niveau nursing, a été plus difficile. « Nous avons eu plus de 10% de la population jeune de nos tra- vailleurs malades eux-mêmes de la covid. Tout cela a provoqué de l’absentéisme, des épuisements, ... un enchaînement qui avait pour conséquence un manque de personnel spécialisé, surtout dans les soins intensifs». A cela, il faut ajouter que le lock down des soins non urgents et non nécessaires n’a été décidé par le gouvernement fédéral que fin octobre... Le CHU a anticipé cette mesure de 15 jours mais a été contraint d’entamer la procédure de transferts, propre à la deu- xième vague. «Grâce aux transferts, tout patient qui a eu besoin de soins intensifs a pu bénéficier d’un encadrement médical et paramédical et d’un équipement ». LA LUTTE CONTINUE La troisième grande différence entre la première et la deuxième vague a lieumain- tenant. Au moment de cette interview (le 10 décembre), 44 lits sur les 58 des soins intensifs du CHU étaient occupés par des patients non covid. Leurs soins ont été reportés à une, deux, trois reprises. Ils ne peuvent plus attendre. «Nous sommes tou- jours à flux tendu en terme de gestion de lits et de gestion des équipes. Allons-nous pou- voir les libérer pour avoir un repos de Noël? Rien n’est moins sûr». Un chiffre matérialise ce contre-coup pour cette patientèle non covid: 100 000 rendez-vous ont été annulés de façon au- tomatique lors de la première vague. Les annulations ont été plus ciblées cette fois mais, à l’heure actuelle, la file d’attente de la première crise n’est pas encore résorbée. «I l n’y a pas de trêve, au contraire. La pré- occupation majeure, alors que des cas nou- veaux sont dépistés et nous arrivent encore, c’est une troisième vague avant une couver- ture significative des vaccins. Que ce soit au travail, en famille, ... tout le monde doit se rendre compte de l’enjeu de ce risque d’une troisième vague qui est à nos portes ». CHARLES NEUFORGE

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