Commotion cérébrale : une attention particulière

En Europe, la commotion cérébrale reste sous-diagnostiquée. Pourtant, elle peut avoir des conséquences importantes à long terme. Le Centre du Cerveau² met en place des collaborations pour peaufiner un trajet de soins spécifique.

 

À vélo, au sport, en jardinant, en conduisant : un accident est vite arrivé. Et, parfois, c’est la tête qui trinque. Suite à un coup qui peut être direct ou indirect, même de faible intensité, le cerveau peut être lésé. Ce choc est parfois suivi de symptômes, tels que des vomissements, une perte de mémoire, une désorientation, des maux de tête ou, plus rarement, une perte de connaissance. Autant de manifestations qui indiquent une probable commotion cérébrale.

Ces signes peuvent se résorber d’eux-mêmes, en général en une quinzaine de jour après le choc initial.

Il arrive cependant que ces symptômes deviennent persistants, voire même s’aggravent. On observe alors l’apparition ou le renforcement de migraines, de la fatigue, une diminution de la concentration, le développement d’une hyperacousie ou d’une photophobie.

 

Le développement de troubles persistants est fréquent

Ces troubles persistants ne sont pas rares.  « On estime que jusqu’à 30% des patients commotionnés vont développer des symptômes persistants suite à une commotion cérébrale », indiquent Nathalie MAQUET, technicienne médicale au Centre du Cerveau² et infirmière en IRM, et Aurore Thibaut, chercheur qualifié FNRS, co-directrice du Coma Science Group à l’université de liège et membre du Centre du Cerveau². « Et ces troubles ont un effet délétère sur la vie des patients. »

Affligés par ces symptômes persistants, bon nombre de patients sont en effet contraints de réduire, voire de suspendre, leurs activités sociales et professionnelles. D’où l’importance de trouver des solutions.

 

Commotion difficile à diagnostiquer

Même si elle n’est pas rare, la commotion cérébrale reste une pathologie sous diagnostiquée en Europe. Pourquoi ?

Notamment parce qu’il reste difficile de relier l’expression de symptômes persistants au traumatisme initial. Le patient qui s’en plaint sera souvent réorienté, vers les urgences par exemple.

On lui proposera une série d’examens (ex : scanner, Imagerie par Résonance Magnétique [IRM]). Mais ces examens classiques déboucheront sur des résultats le plus souvent négatifs. Car les lésions au cerveau dues à la commotion sont trop infimes pour apparaître dans ces tests. « Il faut pousser l’examen plus loin pour déceler les microlésions à l’origine des troubles persistants indiqués par le patient », explique Aurore Thibaut.

Faute de diagnostic, le patient restera souvent sans solution pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.

 

Des examens précis et spécifiques

C’est pour offrir une solution adéquate au patient commotionné que ce trajet de soins multidisciplinaire a été mis en place. C’est un travail de collaboration entre le Centre du Cerveau², l’Unité de Neuropsychologie clinique (Service de Psychologie clinique et d’Action sociale), le Service de Médecine physique et Traumatologie du Sport ainsi que le Service de Radiodiagnostic.

Le patient reçu au Centre du Cerveau² sera suivi par une équipe sensibilisée aux spécificités de la commotion cérébrale.

Concrètement, pour l’instant, le parcours-type se déroule ainsi :

  • Le patient a été victime d’une commotion cérébrale, à la suite de laquelle il développe un trouble persistant ;
  • Il fait mention de ce trouble à un spécialiste ou à son médecin traitant ;
  • Le praticien du patient, ou le patient lui-même, peut adresser un mail au Centre du Cerveau², en expliquant son cas ;
  • L’équipe pluridisciplinaire produit une anamnèse sur base de ces informations ;
  • Pour les cas de symptômes persistants, le patient sera convié au Centre ;
  • On réalisera un bilan neuropsychologique de 2h (Unité de Neuropsychologie clinique, Service de Psychologie clinique et d'Action sociale) pendant lequel seront listées les différentes plaintes et conduits des tests cognitifs ;
  • Suivra un EEG haute densité ;
  • Puis une IRM sera entreprise, divisée en plusieurs séquences : une partie structurelle, complémentée à la fois d’une séquence en tenseur de diffusion (DTI) et d’une séquence fonctionnelle (technique BOLD). Celles-ci permettront d’affiner la détection de lésions éventuelles au niveau des fibres nerveuses et d’étudier les connexions entre les différentes zones cérébrales, au repos et en comparant avec une base de sujets sains ;
  • Si le patient n’est pas vu ou suivi par un autre médecin, il lui sera également possible de passer une consultation en Médecine physique et Traumatologie du Sport ;
  • Un rendez-vous de synthèse sera prévu dans les 3 semaines maximum, où on expliquera au patient les résultats en lui proposant une prise en charge spécifique ;
  • Tous les patients vus recevront les protocoles établis pour favoriser la meilleure récupération possible, pour obtenir le meilleur retour aux apprentissages, au sport et au travail possibles ;
  • Un rapport complet sera transmis au médecin traitant ou référent externe.

 

Un projet adapté

Ce programme n’est pas figé. « Selon les besoins du patient, le parcours est adapté », signale Aurore Thibaut. « Le trajet de soins est donc spécifique et personnalisé au patient. »

La prise en charge pourra orienter le patient vers les spécialistes requis, tels qu’un ORL, un ophtalmologue ou un neurologue.

 

Un trajet destiné aux symptômes persistants

L’objectif du Centre n’est pas de recevoir tous les patients commotionnés. « Tous les patients peuvent s’adresser à nous », précise Nathalie Maquet. « Mais, sur base de l’anamnèse, ce sont les cas avec des symptômes persistants qui seront traités en priorité par le Centre. »

Dans le cadre d’une commotion cérébrale, on considérera comme normal que des symptômes se manifestent jusqu’à 2 semaines après le choc.

Si les symptômes restent présents 4 semaines après la commotion chez les enfants et au-delà de 2 semaines chez un adulte, on conseillera de consulter.

 

Aider la recherche

Les patients qui le souhaitent peuvent participer aux études en cours. « C’est sans obligation ! » insiste Aurore Thibaut.

Un patient inscrit dans le parcours de soins au sein du Centre du Cerveau² peut tout à fait ne pas participer à la recherche.

Si le patient accepte par contre d’y prendre part et qu’il entre dans les critères d’inclusion, il faut savoir que cette participation n’est pas trop lourde administrativement. Elle consiste en la complétion de 5 à 6 questionnaires, la réalisation des examens prévus dans le trajet de soins et d’une prise de sang.

 

Une prise en charge coordonnée

« Le souhait de ce parcours de soins, c’est une prise en charge rapide des patients concernés », ajoute Aurore Thibaut.

L’implication du Centre du Cerveau² permet de gérer tous les aspects de coordination : de la réception du mail au contact entre les différents acteurs, en passant par la réalisation de certains examens spécifiques et leur interprétation en concertation avec les chercheurs du Coma Science Group.

Avec cet accompagnement, la coopération entre les différents services est simplifiée et facilitée, notamment pour les prises de rendez-vous et l’harmonisation de ceux-ci afin de réduire les éventuels délais pour le patient.

 

Un diagnostic rapide

Procéder à un diagnostic rapidement permettra au patient de trouver des solutions plus vite et de mettre des mots sur son mal.

Une prise en charge rapide est aussi primordiale pour éviter que les troubles dus à la commotion cérébrale ne deviennent chroniques – un caractère qui compliquerait leur prise en charge et leur résolution !

 

Un centre unique en Belgique

Le Centre du Cerveau² a été créé il y a plusieurs années sur l’impulsion du Professeur Steven LAUREYS. L’objectif était de travailler sur la prise en charge des patients cérébro-lésés.

Le Centre est le versant clinique du Coma Science Group de l’Université de Liège, qui accueille lui les recherches en cours en la matière.

Le Centre s’inscrit au cœur d’un projet collaboratif, qui implique un ensemble de services du CHU de Liège, mais aussi certaines fédérations sportives, des kinésithérapeutes du sport externes ou des services d’autres institutions, tels que l’Unité de recherche sur les Céphalées installée à la Citadelle.

Il arrive très souvent, dans leur pratique professionnelle, que les sportifs se trouvent victimes d’une commotion – d’où l’intérêt de travailler de concert avec les services et intervenants spécialisés dans leur encadrement, ce qui est le cas au CHU via notamment le Service Pluridisciplinaire – Orthopédie – Rééducation – Traumatologie – Santé du Sportif (SportS2 ).

La coopération de ces différents intervenants permet de renforcer les connaissances sur la commotion cérébrale et les solutions pour soulager ses effets persistants.

 

Ouvert à de nouvelles collaborations

L’équipe pluridisciplinaire active au sein du Centre du Cerveau² est toujours ouverte à de nouvelles collaborations. « L’échange et la valorisation des bonnes pratiques et des retours d’expérience sont au cœur de notre démarche », explique Aurore Thibaut. « Le trajet actuel constitue une base que nous souhaitons étoffer et améliorer, en l’enrichissant de nouvelles coopérations. »

Si vous êtes un professionnel des soins et que vous souhaitez vous aussi participer ou échanger avec l’équipe du Centre, n’hésitez pas à leur envoyer un mail via l’adresse : commotion@chuliege.be.

 

Perspectives et pronostics

S’il accepte que ces données soient recueillies en ce sens, le patient suivi via le Centre contribuera aux recherches en cours sur la commotion cérébrale au sein du Coma Science Group.

L’une d’entre elles vise notamment à déterminer des marqueurs pronostics, qui, une fois développés dans la pratique clinique, permettront d’identifier les patients davantage à risques de développer des symptômes persistants.

« Ces marqueurs pourraient notamment être relevés via des tests salivaires ou des prises de sang, » précise Aurore Thibaut.

Le développement de techniques non invasives pour traiter les troubles persistants sont également à l’étude.

De plus, le patient commotionné suivi au Centre se verra prochainement proposé de passer un examen de polysomnographie. Celui-ci permettra de mieux caractériser les troubles du sommeil liés à la commotion subie. « Des conséquences encore peu étudiées de manière objective. Or, on sait combien la qualité du sommeil est cruciale pour une récupération optimale », relève Aurore Thibaut.

Un atout de plus pour accompagner les patients vers un mieux.

Dernière mise à jour : 01/06/2023