La maladie rénale est un fléau silencieux. Discrète et insidieuse, cette pathologie nécessite l’attention des professionnels de la santé pour être décelée le plus tôt possible. « En règle générale, la maladie rénale chronique est indolore », indique la Docteure Justine Huart, Cheffe de clinique dans le Service de Néphrologie, Dialyse et Transplantation. Dans certains cas, la présence d’œdèmes des membres inférieurs et/ou d’une hypertension artérielle peuvent être le signe indicateur d’une atteinte rénale, même si ces symptômes peuvent se rencontrer dans bien d’autres circonstances.

Très souvent, l’insuffisance rénale reste asymptomatique jusqu’aux stades avancés et ne sera constatée que sur une prise de sang.

Analyse de sang et d’urine : 1x/an dès l’âge de 50 ans

 « Au-delà de 50 ans, on recommande une prise de sang par an », indique la Dre Huart. « Idéalement, cette analyse de sang devrait s’accompagner d’une analyse d’urine par tigette urinaire, par exemple. Ces analyses doivent être absolument réalisées si le patient est hypertendu ou diabétique. »

Si le public semble attentif à l’état de ses reins, les liens entre « maladie rénale » et « hypertension artérielle » peuvent ne pas lui sauter aux yeux.

« Les deux s’influencent pourtant », précise la docteure. « L’hypertension artérielle est un des principaux pourvoyeurs d’insuffisance rénale chronique, et l’insuffisance rénale peut également accélérer le développement d’une hypertension artérielle… bien souvent difficile à contrôler. »

Et ainsi de suite, les deux maux s’additionnent et s’aggravent mutuellement.

Les reins, l’hypertension et le microbiote

La fonction rénale est dès lors à surveiller chez les patients hypertendus de même que la pression artérielle est à contrôler chez tout patient avec une maladie rénale chronique. « Le risque cardio-vasculaire est majoré dès les premiers stades de l’insuffisance rénale chronique », ajoute la Docteure Huart, qui se spécialise dans la relation pathologique entre reins et pression artérielle.

Récemment, elle a réalisé une thèse doctorale intitulée : Exploration de l’impact du microbiote intestinal et des acides gras à chaîne courte fécaux dans l’homéostasie de la pression artérielle.

Rappelons que le microbiote intestinal consiste en l’ensemble des microorganismes qui peuplent nos intestins, et en particulier les bactéries. On l’appelait autrefois plus couramment la « flore intestinale ».

La thèse du Dre Huart s’est construite autour d’un monitoring ambulatoire de la pression artérielle des patients, et l’analyse comparative des selles de patients normo- versus hyper-tendus.

Dans ces selles, on décèle notamment des acides gras à chaîne courte, qui sont des métabolites dérivés de la digestion microbienne des hydrates de carbone.

En mesurant leur concentration, l’étude relève notamment que ces acides gras sont davantage présents dans les selles des patients à pression artérielle élevée. Ce qui pourrait indiquer que ces acides gras sont moins bien absorbés par l’intestin des patients hypertendus. Or, ces composés contribuent à faire baisser la pression artérielle lorsqu’ils se retrouvent dans la circulation sanguine.

Et ensuite ?

Si elles ouvrent vers de nouvelles perspectives, les conclusions de cette étude « demandent davantage d’analyses et de travail », précise la Cheffe de clinique. Une nouvelle étude est en cours de réalisation, en collaboration avec le Service de Gastro-entérologie. Les patients recrutés le sont parmi ceux devant bénéficier d’une colonoscopie de dépistage. « L’objectif est de confirmer les résultats de nos précédentes études, en les mettant en parallèle avec l’état de la muqueuse intestinale évaluée lors de la colonoscopie. Dans un second temps, une étude interventionnelle sera mise en place afin d’évaluer si, lorsqu’on administre des acides gras à chaîne courte aux patients hypertendus, leurs niveaux de pression artérielle s’abaissent. »

Une piste qui pourrait avoir des implications thérapeutiques intéressantes.

Mesures hygiéno-diététiques

Les résultats de nombreuses études réalisées sur le microbiote intestinal mettent aussi en exergue l’importance de suivre les mesures dites hygiéno-diététiques. Une consommation excessive de sel, par exemple, a de fait été associée non seulement à une aggravation de l’hypertension artérielle, mais également à des modifications délétères du microbiote intestinal.

« La prévention et le contrôle de l’hypertension passent par ces mesures », assure notre interlocutrice. « Diminuer sa consommation de sel ou faire davantage de sport sont autant de gestes recommandés. Il faut insister sur le fait que ces gestes sont cruciaux et complémentaires au traitement médicamenteux. »

Un mal qui n’est pas anodin

On retiendra également que l’hypertension artérielle est une maladie très courante mais trop peu diagnostiquée et insuffisamment contrôlée. Si elle n’est pas traitée correctement, elle peut avoir de graves conséquences cardio-vasculaires. « Il est important de lutter contre l’inertie thérapeutique souvent présente devant une hypertension artérielle afin de pouvoir rapidement amener le patient dans les cibles de pression artérielle recommandées », rappelle la Dre Huart.

Pour faciliter le quotidien du patient, le service de Néphrologie du CHU de Liège propose d’une part un « One-Day Kidney » qui explore globalement la fonction rénale d’un patient en une matinée, ainsi que d’autre part une consultation spécialisée de l’hypertension artérielle pour bilanter les cas d’hypertension artérielle résistante ou survenant chez le patient jeune.

L’objectif est de permettre au patient de réaliser un bilan de sa fonction rénale et/ou de son hypertension artérielle de la manière la plus pratique et la plus complète possible. Doppler des artères rénales, monitoring ambulatoire de la pression artérielle de 24h, mesure de la clairance rénale et analyses des urines de 24h sont autant d’examens programmés lors de ces bilans, à la demande du médecin traitant ou du spécialiste.