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  Le jeudi 8 octobre 2020

Chirurgie utérine ambulatoire : 15 minutes et c’était fait!

EDITO 71 - Chirurgie utérine ambulatoire : 15 minutes et c’était fait!  
 
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CHUchotis Oncologique

71 - 01Conscient de l’expérience parfois désagréable que peut représenter l’hystéroscopie pour une patiente, le service de gynécologie du CHU de Liège a fait le pas vers une nouvelle technique, moins invasive, qui ne requiert pas d’anesthésie et se réalise en cabinet de consultation. C’est le Dr Patricia Nervo, gynécologue spécialisée en chirurgie laparoscopique et endoscopique qui, après avoir étudié la faisabilité de la technique, a suivi la première série de patientes au CHU de Liège, il y aura un an le 15 novembre.

En plus d’un examen diagnostique, la nouvelle technique Truclear permet également des gestes thérapeutiques, comme une exérèse de polype par exemple, dans le même temps opératoire. Le service de gynécologie du CHU de Liège peut se targuer d’être le seul hôpital en Wallonie à avoir recours à cette technique novatrice.

 

Qui êtes-vous Docteur Patricia Nervo ?

Après sa formation en gynécologie en Belgique, Patricia Nervo s’est formée pendant deux ans, grâce à une bourse de la Fondation Léon Fredericq, à Clermont Ferrand, un centre universitaire reconnu pour le développement de l’endoscopie et de la laparoscopie. De retour en Belgique, elle a développé cette activité au CHR de la Citadelle. Puis, elle est arrivée au CHU en avril 2009.

71 - 02a - Nervo

« Je suis spécialisée dans la chirurgie des pathologies gynécologiques bénignes en utilisant préférentiellement l’endoscopie (tant la laparoscopie que l’hystéroscopie). J’ai également développé une expertise en électrochirurgie et enseigne les risques et complications d’une utilisation inadéquate de ces énergies », rapporte le Dr Nervo.

C’est ainsi que le Truclear permettant la résection de tissus pathologiques sans électrochirurgie a suscité toute son attention et sa volonté de développer cette technique sur le site du CHU.

Maman de deux enfants de 21 ans et de 8 ans, Patricia Nervo répond du tac au tac que ses enfants sont sa première passion. Ensuite, lorsqu’elle n’est pas à l’hôpital, ce sont les amis, le sport et la musique qui occupent une place de choix dans sa vie. Sans oublier son autre grande passion : l’Italie.

 

Qui êtes-vous Professeur Frédéric Kridelka ?

Séduit par deux stages en chirurgie et en hémato-oncologie, Frédéric Kridelka est finalement rattrapé par le virus familial (son grand-père était gynécologue, tout comme l’un de ses oncles) : il postule et est reçu en gynécologie. Tout bascule en 3e année lors d’un cours de cancérologie gynécologique organisé par l’ESO (European society of oncology) à Milan.

71 - 02b - KridelkaL’un des professeurs l’impressionne particulièrement : Neville Hacker. « J’ai eu du culot en allant lui parler. J’avais 22 ans et je lui ai demandé s’il me conseillerait un institut européen pour me former dans le domaine des cancers gynécologiques. Au terme d’une discussion d’une heure, il me proposait d’aller chez lui, au Gynaecological Cancer Centre Royal Hospital for Women à Sidney, qui est un peu La Mecque des cancers gynécologiques ».

En juin 1994, Frédéric Kridelka met le cap sur l’Australie. Après 3 années de formation, il décroche un diplôme de cancéro-gynécologie, alors qu’il n’y avait pas de reconnaissance officielle de cette discipline en Belgique. Il revient à Liège en 1998 pour développer l’activité d’onco-gynécologie pelvienne sur le site du CHR de la Citadelle. « En 2007, la position académique de professeur et de chef de service de gynécologie-obstétrique au CHU de Liège devenait vacante à la succession d’Ulysse Gaspard. J’ai postulé à cette place et l’ai obtenue. J’ai donc transféré mon activité vers le site ND Bruyères pour tout ce qui était clinique et vers le Sart Tilman pour tout ce qui était enseignement et recherche. A partir de là, le challenge était de développer le service de gynéco-obstétrique au sens large ainsi que l’oncogynécologie pelvienne, mon projet personnel le plus excitant ».


Aujourd’hui, dans la dernière droite vers l’ouverture de l’Institut de Cancérologie, le Pr. Kridelka, qui sera vice-président de son Conseil de gouvernance, entend placer l’aspect humain et la multidisciplinarité plus que jamais au centre.

 

La Clinique du saignement

« L’idée d’un service universitaire de gynécologie, c’est d’offrir aux collègues et aux patientes des collègues des techniques dites tertiaires, c’est-à-dire qui apportent quelque-chose de particulier », pose d’emblée le Pr Kridelka.

Le saignement gynécologique est une plainte fréquente chez la femme et reste un phénomène anxiogène. « Si un médecin, face à un saignement gynécologique, propose d’emblée un geste chirurgical radical, il by-passe une séquence de mise au point multidisciplinaire importante pour la prise en charge future et adéquate de la plainte de la patiente », poursuit Frédéric Kridelka.

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Pour le chef du service de gynécologie, il est essentiel de savoir pourquoi un chirurgien opère et surtout de savoir ce qu’il y a derrière ce saignement.

« Avec la Clinique du saignement, il s’agit d’assurer aux patientes une prise en charge et une information précises, complètes, adaptées et rapides du saignement », indique le Pr Kridelka.

Lancée en 2014, la Clinique du saignement a maintenant pris son envol. Elle fonctionne pour l’instant deux demi-journées par semaine et vu son succès, elle passera prochainement à 3 demi-journées par semaine.

La Clinique du saignement rassemble plusieurs spécialités, à savoir des gynécologues, un hématologue, un endocrinologue, un radiologue et un anatomopathologiste.  C’est clairement cette étroite collaboration multidisciplinaire qui en fait sa plus-value.

A ce jour, les disciplines impliquées dans la Clinique du saignement ne tiennent pas encore de réunion physique sur place. Les contacts se font généralement par téléphone vu la difficulté de réunir les différents intervenants en un même endroit au même moment. Mais cette réunion de concertation fait également partie des projets du service de gynécologie du CHU.

Au terme de chaque consultation, un courrier est immédiatement adressé au médecin gynécologue référent ainsi qu’au médecin généraliste de la patiente. En cas de résultat inquiétant, le contact en direct par téléphone est privilégié.

 

Du chemin parcouru en hystéroscopie au CHU de Liège

Au sein du service de gynécologie du CHU, le Dr Nervo est responsable de la chirurgie endoscopique des pathologies bénignes.
« La première hystéroscopie diagnostique réalisée au CHU de Liège en ambulatoire remonte au mois de mars 2010 », se souvient le Dr Patricia Nervo. « Avant cela, elles se faisaient au bloc opératoire. A peine dix ans plus tard, on en est à pas moins de 700 procédures par an. »

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« Ensuite, nous avons développé l’hystéroscopie diagnostique en ‘no touch’, c’est-à-dire sans spéculum, sans pince au niveau du col, sans anesthésie locale », poursuit-elle.

Au départ, c’est le Dr Nervo qui s’est lancée dans cette aventure. « J’ai commencé seule afin de voir la faisabilité. Ensuite, le Dr Sylvie Lepage dans un premier temps, et le Dr Florence Hanocq dans un deuxième temps, sont venues me rejoindre ».

Puis, progressivement, le Dr Nervo a tenté d’être plus interventionnelle en adaptant le matériel à disposition.

C’est alors que le Truclear est arrivé sur le marché. « Au début, je l’ai utilisé au bloc opératoire pour me familiariser avec la technique. C’est ainsi que les premiers cas opératoires ont été effectués sous anesthésie. Ensuite, après vérification de la conformité et de la qualité optimale du matériel tissulaire réséqué grâce aux résultats des analyses anatomo-pathologiques, la décision fut prise de réaliser cette technique sans anesthésie et en ambulatoire », explique la gynécologue.

Cette grande étape fut une réussite.

La première consultation d’hystéroscopie opératoire et ambulatoire avec Truclear a vu le jour le 15 novembre 2019. Sept patientes furent opérées en une matinée par le Dr Nervo et le Dr Lepage, avec un retour à domicile 15 minutes après l’acte chirurgical.

Pour l’instant, le CHU étant le seul hôpital à proposer cette technique en Wallonie ; il envisage des immersions cliniques pour transmettre son expérience en hystéroscopie, incluant le Truclear, dans sa mission d’enseignement et de formation en tant qu’hôpital académique.

 

Le Truclear, technique innovante « See and Treat »

Le Truclear est un système mécanique composé d’un axe cylindrique avec à l’intérieur un instrument avec encoche qui fait des mouvements rotatoires et vibratoires, permettant dans le même temps opératoire de réséquer et de récolter le matériel tissulaire pathologique.

71 - 05« Le matériel récolté, comme lors d’une procédure classique en salle d’opération, est ensuite envoyé en anatomo-pathologie avec une analyse conforme permettant d’avoir une histologie adéquate », explique le Dr Nervo.
La procédure est réalisée dans un cabinet de consultation.

« Sans anesthésie, le geste hystéroscopique est rapide. Nous irriguons la cavité utérine avec du liquide physiologique. Il n’y a donc pas de risque d’allergie. La procédure étant purement mécanique, il n’y a pas non pas de risque d’accident électrique », rapporte Patricia Nervo.

Pour cette chirurgienne chevronnée, les avantages de cette nouvelle technique sont nombreux. « Les patientes viennent à une consultation classique. De manière générale, elles ne sont pas incommodées par l’examen et peuvent regagner leur domicile ou leur travail directement après l’examen. Le Truclear permet de visualiser une pathologie et de la traiter dans le même temps opératoire. Il ne nécessite pas d’anesthésie. Il n’utilise pas de courant électrique. »

Un des grands avantages du Truclear est son adaptation à toutes les patientes : « Lors de la première consultation, j’ai réalisé la procédure sur une patiente de 85 ans, BPCO, pour qui une anesthésie aurait été problématique. Beaucoup d’autres exemples pourraient être rapportés… Il n’y a donc pas vraiment de contre-indication à cette procédure », précise le Dr Nervo.

Avant toute procédure, la patiente est informée des tenants et aboutissants de l’hystéroscopie et de la technique Truclear utilisée. « En consultation, nous lui expliquons la technique, ses avantages et son prix. Le choix d’opter pour une prise en charge ambulatoire ou non est laissé à l’appréciation de la patiente », ajoute encore la gynécologue. Un consentement lui est remis pour lecture et signature. « Les patientes sont donc parfaitement au courant de tous les aspects de la procédure », souligne Patricia Nervo.

« Ici, pas de spéculum, pas de pince sur le col utérin. Souvent, la mise au point avec le Truclear est assortie d’une biopsie pour pouvoir identifier la pathologie en question. Nous avons la chance d’avoir un pathologiste qui nous donne les résultats de la biopsie en 24 heures, permettant très rapidement une prise en charge optimale de la patiente en lui proposant des options thérapeutiques adaptées à sa pathologie », souligne le Pr Kridelka.

« Si avec l’expérience que nous avons, nous pensons qu’il s’agit d’un polype bénin ou d’un fibrome bénin qui est responsable des symptômes de la patiente, nous le réséquons dans le même temps. La patiente ne doit pas passer par le bloc opératoire », poursuit le gynécologue.

On passe donc d’une session mise au point diagnostique à une session diagnostique et thérapeutique dans le même temps : « See and Treat ».

 

Aspects financiers

Si cette technique constitue une plus-value pour les patientes, hélas, c’est un moins pour l’hôpital en termes financiers. « Nous n’avons pas de forfait bloc opératoire, ni de forfait anesthésie, ni de forfait hôpital de jour », observe le Pr Kridelka.

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« Aux Pays-Bas par contre, le Truclear est désormais une procédure de routine et remboursée. Chez nous, il n’est pas remboursé par l’INAMI. L’hôpital a donc décidé d’investir dans cette technique sur fonds propres. Un accord a été trouvé avec la direction du CHU pour les 50 premiers cas qui seront réalisés au sein de l’institution. Tous les instruments sont re-stérilisables, excepté l’ustensile qui agrippe les copeaux pour l’anatomopathologie, qui est à usage unique et qui coûte quelque 350 euros. Le CHU contribue donc pour moitié et la patiente doit payer l’autre moitié, en plus de sa quote-part pour la consultation », détaille le Dr Nervo.

Vu les nombreux avantages de la technique, le service de gynécologie du CHU espère que son expérience et son investissement serviront de levier pour obtenir un remboursement pour l’ensemble des patientes.

 

Message aux médecins traitants

« Non seulement la qualité et la prise en charge de la pathologie sont aussi bonnes qu’avec les techniques classiques, mais en plus, le gain en termes de confort pour la patiente est significatif. La douleur est nettement moindre, ce qui lui permet de reprendre directement ses activités professionnelles, sans incapacité de travail », souligne Patricia Nervo.

ONCO 09 - 05 - Médecins traitants

« Et même les patientes plus stressées qui sont davantage enclines à demander une anesthésie générale pour ne rien voir et ne rien sentir, acceptent cette technique après en avoir reçu toutes les explications et les avantages. Cela leur permet donc d’éviter une anesthésie générale et ses effets secondaires », poursuit la gynécologue.

Enfin, le Dr Nervo aimerait aussi dédier des GLEM à cette nouvelle technique, aussi bien pour les gynécologues que pour les médecins généralistes. « En effet, nous nous rendons compte qu’une partie des femmes n’ont pas de gynécologue et se rendent chez leur médecin généraliste lorsqu’elles ont un problème gynécologique.  Notre but est donc de faire connaître au maximum cette nouvelle technique aux gynécologues, mais aussi aux médecins généralistes. Vu la satisfaction des patientes et les avantages démontrés de la technique, nous espérons vraiment qu’elle rentrera petit à petit dans la routine au CHU. »