L’étude pilote du CHU de Liège

Étroitement lié à la tempête inflammatoire observée chez les patients atteints d’une forme sévère de COVID-19, ce stress oxydant (SO) est potentiellement impliqué dans les complications et les séquelles de la maladie, qu’elles soient pulmonaires, rénales, cardiaques ou neurodégénératives.

Diminuer le SO pathologique apparaît donc fondamental dans le suivi des patients post-COVID. Quant à la meilleure manière de rétablir le statut oxydant de ces patients, plusieurs pistes sont actuellement à l’étude. Parmi elles, celle de l’alimentation naturelle riche en polyphénols s’annonce particulièrement prometteuse.

Les patients COVID hospitalisés en soins intensifs présentent un SO pathologique important, à des niveaux rarement atteints pour une pathologie donnée. Et cet état perdure plusieurs mois après leur guérison.

Dr Sc. Joël Pincemail

Qui êtes-vous, Joël Pincemail ?

Chimiste de formation, Joël Pincemail est Docteur en Sciences Biomédicales de l’Université de Liège (1999). Initialement Maître de Recherche au sein du Service de Chirurgie Cardiovasculaire du Pr. J.-O. Defraigne au CHU de Liège, il a consacré toute sa carrière au rôle du stress oxydant et des antioxydants en clinique humaine.

Plus de deux cents articles publiés ont consacré son expertise dans le domaine, internationalement reconnue. Il est aussi l’auteur de l’ouvrage de référence Stress oxydant et Antioxydants. Revue critique des processus d’action des antioxydants, paru chez Testez Éditions dans la collection « NutriDoc » en 2014. Pensionné depuis peu, il poursuit ses recherches à mi-temps aux côtés du Pr. Etienne Cavalier et du Dr Corinne Charlier.

Joel Pincemail titrage-chuchotisJoël Pincemail a initié quantité de collaborations qui ont permis de mettre au point un outil très performant dans le domaine des antioxydants issus de l'alimentation. Il est ainsi responsable de la plateforme hospitalo-universitaire « Nutrition Antioxydante et Santé » (PNAS) du CHU de Liège, destinée à répondre aux besoins des industriels de l'agro-alimentaire, des fabricants de compléments alimentaires et des industries pharmaceutique et cosmétique. 

.Les publications scientifiques de Joël Pincemail

Le stress oxydant pathologique persiste après la guérison

76-Stress-Oxydant-Photo3-bannièreMenée de mai à juin, soit durant la première vague de coronavirus, l’étude pilote s’est centrée sur neuf patients COVID-19 hospitalisés en Unité de Soins Intensifs (USI) au CHU de Liège. « Nous nous sommes attelés à doser précisément chez ces patients une trentaine de marqueurs sanguins de stress oxydant (SO), sur base d’échantillons prélevés 9 jours puis 41 jours après la sortie des soins intensifs », détaille Dr Sc. Joël Pincemail.

Résultat : les neuf patients manifestent des carences sévères en vitamine C (médiane : 3,91 µg/mL pour une norme comprise entre 6,2 et 15,2 µg/mL), en glutathion et en protéines thiols, et dans une moindre mesure en β-carotène et sélénium. « À cela s’ajoutent des marqueurs d’inflammation élevés et des oxydations importantes au niveau des lipides chez plus de la moitié des patients ».

En conclusion, les patients COVID-19 qui ont séjourné en USI sont dans un état de SO pathologique particulièrement important, caractérisé par un déséquilibre dans l’organisme entre oxydants (dont les radicaux libres abondamment produits lors de la tempête inflammatoire) et antioxydants, en faveur des premiers. Et bien que tous les participants à l’étude aient bénéficié d’une nutrition entérale durant leur séjour, « cette nutrition s’est avérée insuffisante : deux mois après leur guérison, ils présentent toujours un statut oxydant fortement altéré », observe le chercheur. 

Un éclairage sur les séquelles de la COVID-19

76-Stress-Oxydant-Photo4-bannièreBien que guéris de la COVID-19, les patients atteints d’une forme sévère souffrent encore durant de longs mois de ses séquelles. Or le SO pathologique observé chez ces patients est potentiellement impliqué dans l’ensemble des complications associées au coronavirus : « On sait qu’un SO prolongé accroît le risque de développer toute une série de pathologies telles que les maladies cardiovasculaires, mais aussi les pathologies pulmonaires, rénales, cardiaques, neurodégénératives, etc. ». D’où l’intérêt d’agir précocement sur ce SO pathologique en contexte COVID-19 : « Plus le taux d’antioxydants est bas, et plus on a de risque de développer des complications », résume le Dr Sc. J. Pincemail.

Bilans de SO : une spécialité du CHU de Liège

76-Stress-Oxydant-Photo5-bannièreComme le souligne le Dr Sc. Joël Pincemail, « toutes les observations publiées dans notre étude n’ont pu être établies que grâce à l’interprétation de bilans de SO réalisés dans de bonnes conditions analytiques. C’est crucial par exemple pour le dosage précis des taux de vitamine C, sachant que ceux-ci diminuent de 50 % en seulement une à deux heures dans un échantillon sanguin ». Grâce à l’expertise de longue date du CHU de Liège, des bilans de SO fondés sur une trentaine de marqueurs sanguins (dont la vitamine C, le zinc, le sélénium) sont réalisés en routine clinique. 

Les promesses de l’alimentation naturelle

76-Stress-Oxydant-Photo6-bannièreDiminuer le SO pathologique apparaît désormais comme une priorité dans le suivi des patients guéris de la COVID-19. Quant aux meilleures manières de rétablir leur statut oxydant, plusieurs études sont en cours, notamment sur l’intérêt d’une supplémentation en vitamine C par voie intraveineuse, comme cela se fait déjà en Chine. Cependant, le Dr Sc. Joël Pincemail estime que « la piste de l’alimentation naturelle riche en antioxydants offre des perspectives de recherche beaucoup plus intéressantes que la supplémentation ».

Pour le spécialiste des antioxydants, « les polyphénols en particulier, grâce à leur effet pro-oxydant modéré, stimulent la production naturelle d’enzymes antioxydantes extrêmement efficaces dans l’élimination des radicaux libres ». Les polyphénols sont des pigments, des substances naturellement présentes dans l’alimentation, « essentiellement dans les fruits et les légumes, mais aussi dans le thé vert, l’huile d’olive, le chocolat noir et même le vin rouge ».

« Par ailleurs, il est démontré qu’une activité physique modérée mais régulière (30 minutes par jour) sous forme de marche, de vélo de route ou d’appartement est également un excellent moyen de stimuler ces enzymes antioxydantes ». Traduit en contexte post-COVID-19, cela signifie qu’il faut encourager les patients à bouger un peu, « même si ce n’est pas évident lorsqu’ils conservent un handicap respiratoire ou musculaire ». Pour le spécialiste, la piste des polyphénols dans l’alimentation naturelle s’annonce très prometteuse dans la lutte contre les séquelles de la COVID-19, « idéalement avec le concours de ces professionnels de la santé que sont les diététicien(n)es ».

Message aux médecins traitants

stéthoscope-bannièreDe nombreux messages médiatiques simplistes ont circulé, incitant les patients à consommer des suppléments notamment en vitamine C et D ou en zinc, censés « booster l’immunité ». Des messages à tempérer fortement, pour le Dr Sc. Joël Pincemail : « Si la prise temporaire de compléments alimentaires enrichis en vitamines C et E, sélénium, zinc ou B-carotène peut s’avérer intéressante, c’est à condition qu’elle se fasse de façon raisonnée, c’est-à-dire à des doses nutritionnelles prescrites, sur base d’un bilan sanguin réalisé dans de bonnes conditions analytiques ».

« Paradoxalement, les radicaux libres en concentration physiologique sont fondamentaux pour réguler d’importants mécanismes protecteurs dans nos cellules. Ainsi la consommation prolongée d’antioxydants à fortes doses provoque un effet contre-productif. Par exemple, la vitamine C fortement dosée peut bloquer la régénération des mitochondries, essentielles pour la production d’énergie. Pour certains antioxydants comme la vitamine E ou le B-carotène, on a même observé une augmentation de la mortalité.». Gare donc à l’automédication, fréquente chez les patients.


.Webinaire « Biologie du stress oxydant et COVID-19 : l’expertise du CHU de Liège »