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  le 20 mars 2020

Tout ce que vous devez savoir sur le CoVid-19 au sein du CHU

EDITO 66 - Tout ce que vous devez savoir sur le CoVid-19 au sein du CHU 
 
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CHUchotis du Jeudi 
CHUchotis Oncologique

COVID INTRO-ENEWS1500x632 Accueil des patients, tests et mobilisation générale

A situation exceptionnelle, communication exceptionnelle. Ce CHUchotis est consacré aux mesures prises par le CHU de Liège pour affronter la pandémie de coronavirus.  Professionnel intra ou extra hospitalier, généraliste ou spécialiste, les informations suivantes pourront vous être utiles dans ce quotidien inédit, éprouvant… Perturbant. Et qui risque de durer.

L’organisation de chaque ligne de soins a dû s’adapter. Dans les hôpitaux, l’offre de soins s’adapte également en fonction des besoins, le non urgent est reporté, l’infrastructure des services d’urgence est modifiée, le nombre de lits de soins intensifs augmenté.

Le point d’inflexion du CoVid-19 - qui verra arriver un nombre massif de patients en même temps - est attendu de pied ferme. Après la Chine et l’Italie, plus personne ne peut se permettre d’être pris au dépourvu. Nous sommes prêts.

Qui êtes-vous ? 

 De gauche à droite : Julien Compère, Geneviève Christiaens, Alexandre Ghuysen, Saadia Lasri et Paul Meunier.

COVID1-ENEWS1000x500-qui etes vousLa crise actuelle impacte tout le monde. Pour ce CHUchotis du Jeudi exceptionnel dédié au CoVid-19, nos interlocuteurs synthétisent les informations utiles à l’attention de leurs collègues du milieu médical et paramédical.

  • Geneviève Christiaens est médecin-chef adjoint et présidente du Comité d’hygiène hospitalière du CHU. Elle est titulaire d’un DES en Biologie clinique, en Santé publique et d’un doctorat en Sciences biomédicales et pharmaceutiques (ULiège).
  • Alexandre Ghuysen, interniste et urgentiste (ULiège), est chef de service associé aux Urgences du CHU de Liège. Président du Collège des enseignants au Département de Santé publique de l’ULiège,  il dirige aussi le Centre de Simulation Médicale depuis 2015. Alexandre dit « Sacha » Ghuysen a bénéficié d’une formation au « Crisis Ressource Management and Patient Safety » à Harvard.
  • Saadia Lasri est conseillère auprès de la Direction médicale. Elle est responsable de la Biosécurité et de l’Hémovigilance. Titulaire d’un DES en Microbiologie et Biologie moléculaire, ainsi que d’un doctorat en Sciences biologiques – Immunologie, elle nous parlera des tests de détection du CoVid-19.
  • Paul Meunier, titulaire d’un doctorat en Sciences médicales, est chef du service de Radiodiagnostic du CHU. Sa philosophie est parfaitement adaptée à cette crise du coronavirus : La radiologie est une « activité de terrain, intégrée dans les équipes soignantes et proche des patients ».
  • Julien Compère, administrateur-délégué, nous donnera, pour conclure, les messages complémentaires essentiels face à cette pandémie exponentielle qui va mobiliser des efforts jusqu’alors sans précédents.
1. La situation aux Urgences - dans l’Hôpital - à Domicile

COVID2-ENEWS1000x500-urgences lits 1.1 L’enjeu majeur, aux Urgences, consiste à organiser et gérer les différents flux de patients. Dont celui des patients suspects d’être contaminés au Coronavirus. « Patients pour lesquels nous avons souvent eu un contact avant leur arrivée, via leur généraliste, le 112, ou un autre professionnel de la santé », entame le Pr. Alexandre Ghuysen. « Ces patients sont directement orientés vers la structure « CoVid-19 » mise sur pied en aval des Urgences, et aujourd'hui transférée dans des conteneurs sur le P7. Le but étant d’éviter à tout prix que des personnes contaminées par le virus croisent le chemin des autres patients de l’hôpital. C’est une technique de « sas », de « zone chaude », éprouvée et empruntée à la médecine de catastrophe. »

Une signalisation spécifique a été installée au Sart Tilman pour les personnes qui arrivent spontanément en voiture. Un vigile est également présent. Différents panneaux mènent les patients à une zone d’accueil, où un premier tri est effectué sur base de la symptomatologie. « Nous devons être attentifs: quelqu’un qui se présente pour une douleur au genou peut très bien avoir de la fièvre depuis trois jours mais ne pensera pas à le dire car il est obnubilé par son genou douloureux. Or, il pourrait être contaminé. D’où l’importance de faire une bonne anamnèse et de bien séparer les flux. » Un autre grand risque auquel nous restons attentifs étant d’entraver la circulation des personnes en urgence vitale (respiratoire, mais aussi AVC, infarctus, traumas de la route). 

La zone « CoVid-19 » permet également de répartir les patients selon leurs besoins en soins. « Chaque personne est évaluée, examinée, bénéficie éventuellement dun test de dépistage et dun scanner afin de déterminer avec précision son état », poursuit le spécialiste. Le scanner dédié aux patients à risque d’être infectés se trouve au -2, c’est-à-dire au plus proche de la zone CoVid afin de réduire les risques de contamination sur le parcours. En ambulatoire, les patients peu symptomatiques sont invités à rester dans leur voiture, où le prélèvement est effectué. Le CHU s’attend clairement à ce que le nombre de cas graves, nécessitant une assistance respiratoire, augmente fortement, et que les cas « légers » ne viennent plus jusque l’hôpital.


1.2 Le reste de l’hôpital s’est lui aussi adapté face aux événements. Depuis samedi dernier, tout ce qui n’est pas ‘urgent ou indispensable’ d’ici au 3 avril inclus a été annulé et sera reporté, comme l’ont exigé les autorités de Santé publique.

« Nous avons demandé à chaque médecin de consulter sa liste de rendez-vous et de déterminer les rendez-vous, examens et interventions qu’il estime non urgents ou non nécessaires », précise le Dr. Geneviève Christiaens, médecin-chef adjoint et présidente du Comité d’hygiène hospitalière. « Ce n’est pas simple à organiser », reprend le Dr Christiaens. « Notamment en Imagerie médicale, où le médecin radiologue, qui n’est pas le prescripteur de l’examen, ne dispose pas toujours des données suffisantes à cette évaluation ».

Toute annulation dans le système informatique génère un SMS vers le patient concerné. Une centaine de personnes a dû être contactée par téléphone, faute de pouvoir leur envoyer un message. « Pour le moment, lorsquun patient téléphone pour obtenir un RDV non urgent, la consigne est de le planifier à partir du 1er juin, par précaution. Nous allons gérer semaine après semaine. » IRM et scanner demeurent toutefois bien sûr disponibles pour les cas urgents et les patients hospitalisés.

L’activité (consultations, examens, interventions) est donc maintenue, pour le moment, au-delà du 4 avril. Au moins à l’agenda. L’actualité apporte toutefois son lot d’informations au jour le jour, et pourrait encore changer le calendrier.

L’activité humaine se réorganise également. Des coopérations inter-services s’organisent, certains membres du personnel « sortent » de leur discipline habituelle pour offrir un soutien dans d’autres secteurs, d’autres enfin, se tiennent prêt à être réquisitionnés en renfort (le corps médical ne peut être réquisitionné qu’en phase 3 du plan pandémie, NdlR). « L’activité est discipline-dépendante », explique Geneviève Christiaens, « si on déprogramme beaucoup en dermatologie, dentisterie et chirurgie esthétique, l’oncologie, elle, ne s’arrête évidemment pas. » Et d’ajouter, avec une note positive bienvenue dans le contexte actuel si particulier : « On voit de plus en plus de marques de mouvements solidaires. »
L’activité a aussi été ralentie sur les sites hospitaliers périphériques et se concentre, progressivement sur les sites aigus su Sart Tilman et de ND Bruyères. Au niveau de ND des Bruyères, un tri avancé a également été mis en place aux Urgences. Le patient fortement suspect ou testé positif et qui nécessite une hospitalisation est transféré vers le Sart Tilman. Si des femmes enceintes ou des enfants devaient être touchés et hospitalisés, ils seraient pris en charge à ND des Bruyères, sauf s’ils nécessitent une prise en charge aux soins intensifs, auquel cas ils seraient transférés vers les services universitaires situés au CHR Citadelle.


1.3 Et la vie à la maison ?

Que doivent faire les patients chez qui l’infection ne nécessite pas d’hospitalisation ? « Ils reçoivent une brochure explicative et des recommandations via les Urgences avant de retourner en isolement à domicile », explique le Dr. Christiaens. Les recommandations d’hygiène sont celles préconisées par Sciensano (ex-ISSP): le patient doit s’isoler, ne pas dormir dans la même chambre que quelqu’un d’autre, utiliser des sanitaires séparés dans la mesure du possible, ne pas sortir ni recevoir de visites, rester à 1,5 mètre de ses proches (ou se couvrir la bouche avec un foulard, un masque), aérer régulièrement les pièces de vie. La désinfection se fait à l’eau chaude et au savon, voire avec un peu d’eau de Javel diluée pour les sanitaires. Les mesures d’hygiène de la toux s’appliquent toujours: tousser ou éternuer dans un mouchoir ou le pli du coude, utiliser des mouchoirs jetables, se laver les mains régulièrement. On ne partage pas les objets du quotidien: essuies, literie, brosse à dents, vaisselle (lavage à part), télécommande de la TV, poignées de portes, casque (voire cigarette pour les fumeurs). Le linge se lessive à 60° ou, si c’est impossible, passe au séchoir.
Combien de temps, ces précautions ? Pendant 7 jours après le début des symptômes, ou jusqu’à la fin des symptômes s’ils durent plus longtemps.
« Si l’état de la personne se dégrade ou que son entourage présente à son tour des symptômes, il faut contacter le médecin traitant. »

2. Au Laboratoire

Il y a une bonne dizaine de jours, déjà, que le CHU de Liège effectue ses propres analyses des tests de détection du CoVid-19.

COVID3-ENEWS1000x500-labos Qui prélève-t-on ?

  • Premier cas de figure, celui du patient qui passe par la filière « Covid-19 » mise en place en aval des Urgences. « Le patient est reçu par un médecin, protégé par un masque FFP2, qui après anamnèse et examen clinique, effectue si nécessaire le frottis naso- ou oro-pharyngé, explique Saadia Lasri, responsable de la Biosécurité. Nous ne sommes plus dans les indications de départ où toute personne revenant de séjour dans une zone à risque était testée », rappelle Mme Lasri. « Le virus circule désormais aussi au niveau local et il y a pénurie de réactifs. » Le test s’adresse aujourd’hui à toute personne dont l’état clinique nécessite une hospitalisation ET fait suspecter une infection CoVid-19 » (cf. arbre décisionnel de Sciensano). Le résultat de ce prélèvement permettra de définir la filière d’hospitalisation du patient (confinée ou normale). En attendant, le patient est hospitalisé dans une unité dédiée. « Les résultats des tests permettent également d’avoir des données nationales chiffrées pour surveiller la capacité des hôpitaux dans le cadre de ces infections. Ces données sont actualisées chaque jour »
    - Second cas de figure, le professionnel de santé qui présente un symptôme faisant suspecter une possible infection CoVid-19. « Médecins, infirmier.e.s, personnel de maison de repos, paramédicaux, ambulanciers,… Un résultat rapide est nécessaire afin d’éviter les éventuelles contaminations croisées et au final de tomber en pénurie de personnel

Le Laboratoire de Microbiologie clinique gère les tests réalisés en interne, mais aussi ceux qui lui sont envoyés par un autre hôpital de la région ou un médecin généraliste. Sa capacité maximale est actuellement atteinte avec une centaine de tests analysés par jour, en ce compris le week-end. Cette capacité va encore être augmentée pour permettre plus de 300 analyses par jour grâce à l’installation d’un automate. « Il y a vraiment beaucoup de solidarité, tout le personnel de l’Unilab s’est mobilisé pour aider », se réjouit Mme Lasri.»

Le délai d’obtention des résultats va de 24 à 48h pour les prélèvements prioritaires (patient hospitalisé et professionnel de santé), et jusqu’à quelques jours pour les patients  confinés à domicile. Ce délai sera toutefois raccourci dès la mise en service de l’automate.

3. A l’Imagerie médicale

COVID3-ENEWS1000x500-imagerie « En vertu des directives fédérales, tous les examens urgents et nécessaires sont assurés tant pour les urgences internes et les patients hospitalisés, que pour les patients externes pour lesquels l’examen est jugé indispensable par le médecin prescripteur», explique le Dr. Paul Meunier, chef du service de Radiodiagnostic. « Nous comptons sur la compétence et le sens commun des médecins afin d’agir au mieux en fonction des besoins».

Concrètement, tous les examens d’imagerie qui étaient prévus ont été décommandés. Chaque médecin prescripteur a reçu la liste de ses examens afin de pouvoir déterminer ceux qui doivent être maintenus en vertu de leur caractère urgent ou absolument nécessaire, et nous en avertir.

Dans le cadre du CoVid-19, l’imagerie de choix est le scanner thoracique tandis que la radiographie du thorax est utile au diagnostic différentiel avec d’autres pathologies. Un scanner a donc été réservé pour les patients symptomatiques, fortement suspects ou positifs au CoVid-19. Les clichés de scanner ne constituent pas de « preuves de contamination, mais ils donnent un faisceau d’indices caractéristiques de la maladie », rappelle le spécialiste.
Une machine Rx est également prévue dans la structure temporaire Covid-19 installée en aval des urgences, « non pas pour le CoVid pour lequel les rayons X n’ont pas d’intérêt diagnostique, mais pour pouvoir déterminer d’éventuelles autres pathologies ou lésions, et ainsi trier les patients. »

Message aux médecins traitants

COVID5-ENEWS1000x500-medecinsjpg C’est tout d’abord et déjà un message de remerciement qui s’impose. Remerciement à tout le personnel soignant, quel qu’il soit, dès la première ligne, pour sa disponibilité et sa réactivité ces dernières semaines, à l’aube d’un événement de santé publique dont tout professionnel a rapidement mesuré l’ampleur.

« Ce merci est important, je tiens vraiment à le souligner », glisse Julien Compère. « Tout comme cette forte collaboration entre la première ligne de soins et notre hôpital pour arriver à dépister et traiter chaque patient. Le bon patient à la bonne place, c’est tout l’enjeu de l’organisation que nous mettons en place. Chacun joue son rôle, la collaboration actuelle est vraiment très bonne, il faut la maintenir. C’est ensemble que nous luttons, et que nous affrontons les problèmes. »

En ligne avec les décisions des autorités fédérales et de santé publique, l’activité de l’hôpital universitaire liégeois a été complètement réorganisée afin de diminuer la charge des consultations et interventions chirurgicales et pouvoir ainsi assurer la capacité nécessaire pour faire face à la vague de CoVid-19. Toutefois, « il ne faut pas hésiter à nous joindre, pour les cas suspects de coronavirus bien sûr, mais aussi pour les autres urgences médicales, dont nous continuons d’assurer le relai de prise en charge malgré la pandémie », rappelle l’administrateur-délégué du CHU.

Le second message important, c’est de ne pas relâcher les efforts au niveau du confinement. « Ces mesures barrière sont nécessaires pour diminuer l’ampleur et la vitesse de propagation du virus. On ne le répétera jamais assez... »
« Enfin, surtout, prenez soin de vous. Que chacun prenne soin de soi afin de prendre soin des autres. Des vôtres. Cela va être long. Par ailleurs, cette situation va en reporter d’autres peut être moins urgentes aujourd’hui mais qui, quand le coronavirus s’essoufflera, reviendront au galop, plus urgentes. Il faudra aussi savoir faire face à ce report puis au retour à la normale. »

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