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Vivre sa sexualité après le cancer

 

En oncologie, de plus en plus d’études mettent en évidence l’importance d’un accompagnement sexologique au-delà de l’accompagnement psychologique. En Belgique, la prise en charge psychologique dans les centres d’oncologie est bien rodée, devenant presque systématique depuis le Plan Cancer et les budgets dégagés pour rémunérer les psychologues en oncologie. Cependant, la prise en charge de la santé sexuelle reste encore méconnue, ignorée inconsciemment voire délibérément par les professionnels de la santé.

Le 17 janvier prochain, le CHU de Liège organise un colloque intitulé « Cancer et sexualité… Onco-sexologie après un cancer de prostate ». L’occasion de lever le voile sur cette discipline qui répond à un besoin fondamental et un droit du patient tout au long de son parcours de soins, dans la maladie, vers la guérison mais également parfois vers la fin de vie.


La sexualité, partie intégrante de la qualité de vie

 

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Depuis trente ans, l’objectif principal lorsque le diagnostic de cancer tombe est de vaincre la maladie. Aujourd’hui, les progrès médicaux et chirurgicaux ont significativement contribué à réduire la mortalité associée au cancer et ce, dans la quasi-totalité des localisations.

« Les cancers se guérissent mieux et évoluent de plus en plus vers le statut de maladie chronique, avec laquelle les gens vivent de plus en plus vieux. Vivre plus longtemps, oui, mais avec une bonne qualité de vie, telle est la demande actuelle des patients. C’est donc cet objectif que poursuivent aussi les équipes soignantes. La qualité de vie, qui fait d’ailleurs maintenant l’objet de nombreux questionnaires d’évaluation en oncologie, est devenue une des priorités dans la prise en charge oncologique. La société reconnait aujourd’hui la santé sexuelle comme un droit et un paramètre pertinent et valide de la santé et de la qualité de vie*. Les patients ont le droit d’être informés et de faire ainsi un choix éclairé de prise en charge sexologique ou non, souligne Christine Debois, psychologue et onco-sexologue au CHU de Liège.

Et d’enchaîner : « La santé sexuelle, un droit ! La société la reconnait comme un droit, comme un paramètre pertinent et valide de la santé et de la qualité de vie. Les patients ont le droit d’être informés. Après, à eux de choisir s’ils souhaitent un accompagnement, une prise en charge sexologique ou non, mais s’ils ne sont pas informés, ils ne sauraient pas choisir ».

* Définition de l’OMS : «  La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité. Elle ne consiste pas uniquement en l’absence de maladie, de dysfonction ou d’infirmité. »


Des patients demandeurs

 

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Globalement, les traitements oncologiques conduisent à une réelle atteinte de la sexualité pour deux-tiers des patients. La sphère pelvienne est encore plus gravement atteinte. « Pour les patients atteints d’une pathologie oncologique urologique, gynécologique ou digestive, les traitements chirurgicaux et/ou médicaux ont inéluctablement des conséquences sur la fonctionnalité sexuelle de la personne et une répercussion sur l’intimité du couple. On constate également une réelle demande de soutien de la part de ces personnes », relève l’onco-sexologue. Et d’enchaîner : « Selon des études récentes, tous les patients souhaitent avoir une information et considèrent important de pouvoir parler de leur santé sexuelle. Il ressort ensuite qu’un tiers des patients s’adaptera sans plainte, un autre tiers demandera des solutions simples, et un dernier tiers souhaitera un accompagnement plus spécialisé*. »

Référentiel « Cancer, vie et santé sexuelle » de l’AFSOS (Association francophone des soins oncologiques de support). 


L’onco-sexologie au CHU de Liège

 

Tandis que l’onco-sexologie est devenue monnaie courante dans certains de nos pays voisins, en Belgique, cet accompagnement est encore loin d’être proposé dans toutes les institutions hospitalières.

« L’onco-sexologie est une discipline récente qui s’articule entre la sexologie et l’oncologie. Son objectif est d’évaluer et de prendre en charge les troubles sexuels des patients oncologiques, afin de garder et/ou améliorer leur santé sexuelle », explique Christine Debois, psychologue et onco-sexologue au CHU de Liège.

« Tous les hôpitaux ne peuvent pas se targuer de pouvoir proposer un(e) sexologue à leurs patients oncologiques. Au CHU de Liège, la santé sexuelle (sexualité) a toutefois toujours été prise en compte dans le service d’urologie comme une valeur importante pour le bien-être de l’homme et de son couple, notamment sous l’impulsion du Pr. Robert Andrianne, chef de clinique d’urologie au CHU et créateur du Centre d'Etude et de Traitement interdisciplinaire de Sexopathologie Masculine (CETISM). Depuis 30 ans, il a initié cette prise en charge médicale, psychologique et sexologique de la dysfonction sexuelle principalement masculine. »

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Le projet d’onco-sexologie a pu être instauré au CHU de Liège, notamment grâce à un Grant reçu de la Fondation contre le Cancer en 2015, comme nous l’explique Christine Debois, coordinatrice du projet. « Ce Grant nous a permis de lancer une étude auprès de prestataires de soins (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, stomathérapeutes, polycliniques) dans le service d’urologie, service-pilote de cette étude sous l’égide du Pr. Waltregny, chef de service et du Pr. Andrianne.

« Cette recherche évaluait les connaissances et la communication en matière de sexualité humaine, la connaissance des dysfonctions sexuelles et la répercussion de la maladie oncologique sur la santé sexuelle. Les représentations du personnel soignant concernant la santé sexuelle ont également été évaluées. Une formation de sensibilisation de 4 heures leur a ensuite été dispensée (théorie et mise en application). Après celle-ci, une nouvelle évaluation a eu lieu. Les résultats de cette étude ont été positifs. La formation a permis de libérer la parole des soignants au bénéfice du patient et de son couple. Or, ces soignants (infirmiers) travaillaient déjà dans un domaine où la santé sexuelle est une préoccupation quotidienne des patients. Nous pouvons faire l’hypothèse que si l’on étendait la formation à d’autres services, les résultats seraient encore plus probants », poursuit l’onco-sexologue.

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Parcours personnalisé de soins en onco-sexo

 

Selon le Référentiel « Cancer, vie et santé sexuelle » de l’AFSOS (Association francophone des soins oncologiques de support), l’idée est de créer un parcours personnalisé de soins en onco-sexologie » avec à chaque étape ses priorités pour le patient et le soignant. Le but étant de permettre à la personne :

→ d’accéder systématiquement à une prise en charge de sa santé sexuelle au même titre que d’autres soins ;
→ d’intégrer cette prise en charge tout au long des quatre phases du parcours de soin : la phase d'annonce, la phase de traitement spécifique, la phase de surveillance et la phase de sortie ;
→ de prévenir et / ou prendre en charge les dysfonctions sexuelles induites par la maladie et les traitements ;
→ de proposer une réponse onco-sexologique spécifique à la personne et au couple.

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Durant ces différentes étapes du parcours de soins, il est nécessaire de prévoir et systématiser un espace-temps où le patient peut venir déposer sa problématique, ainsi que des supports d’évaluation et d’information permettant d’aborder le sujet.

« Dans le service d’urologie, en complément à la formation du personnel, nous avons harmonisé et systématisé une prise en charge onco-sexologique cohérente du patient et de son couple et ce, dès l’annonce de la pathologie cancéreuse. La cohérence de cet accompagnement a été obtenue par l’engagement de chacun des  acteurs de terrains sensibilisés par la formation : médecins, infirmiers, stomathérapeutes, kinésithérapeutes et secrétaires.

La bonne évolution du patient et de son couple est au centre de nos préoccupations. Un suivi d’évolution onco-sexologique des malades devrait être poursuivi selon qu’un accompagnement global a été réalisé, ou non, par une équipe soignante formée», indique Christine Debois.

« L’implémentation, dans un hôpital, de la prise en charge de la santé sexuelle des personnes atteintes d’affections oncologiques n’est guère aisée et rencontre bien des résistances. Elle est néanmoins possible. Ce projet-pilote a apporté les preuves de son intérêt et devrait permettre d’ouvrir des portes à une meilleure prise en charge de la personne dans ses composantes physiques, émotionnelles et sexuelles au sein d’un milieu hospitalier », souligne l’onco-sexologue.


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► L'édito de Pierre Gillet, directeur médical