Les tendinopathies sont particulièrement longues à soigner. Shutterstock
Jean-François Kaux, Université de Liège

 

Sur un court de tennis, un mur d’escalade, derrière les fourneaux d’une cantine, devant un écran d’ordinateur, voire dans un fauteuil roulant… Tout le monde ou presque a, un jour ou l’autre, expérimenté la douleur aiguë de la tendinite. Qui au niveau de l’épaule, qui au niveau du poignet, du coude ou du genou…

Bien que fréquentes, ces pathologies des tendons demeurent encore mal comprises. On a longtemps cru, à tort, que le mécanisme principal à l’origine de ces douleurs était une réaction inflammatoire, d’où le suffixe « -inite » de leur dénomination. Cependant, les théories actuelles battent en brèche cette explication, et les spécialistes préfèrent employer le terme de « tendinopathies ».

Que sait-on de leur survenue, et comment les traiter ?

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Trois symptômes doivent faire soupçonner une tendinopathie : des douleurs lors de l’étirement, des douleurs lors d’une contraction « isométrique », qui consiste à maintenir un effort sans bouger – comme lorsque l’on pratique le gainage ou que l’on essaie de déplacer une charge trop lourde, ou des douleurs lors de la palpation locale.

À quoi sont dues ces affections ? Essentiellement à des mouvements répétés : l’hyperutilisation chronique des tendons, la partie terminale des muscles en forme de cordons qui leur sert d’attache, entraîne une modification de leur structure et provoque des douleurs localisées. On a longtemps considéré que le mécanisme lésionnel principal à l’origine des tendinites était une réaction inflammatoire. Cependant les résultats des recherches de ces dernières années montrent qu’elles résultent plutôt d’un ensemble de modifications.

Selon les théories actuelles, en réponse à un stress aigu (activité inhabituellement intense) ou à un stress chronique (répétition des mêmes mouvements), un processus de cicatrisation incomplet, avorté, se développe et évolue vers une dégénérescence tendineuse. Ces modifications s’accompagnent d’une réaction inflammatoire « non cellulaire » (c’est-à-dire n’impliquant pas de cellules immunitaires). Le terme de tendinopathie rend donc plus justement compte de cet ensemble de modifications que le terme « tendinite ».

Toutes les tendinopathies ne se valent pas

Les tendons ne sont pas tous identiques, leur taille et leur forme peuvent varier : certains présentent des sillons peu profonds à leur surface, d’autres ont une structure en feuillets. En règle générale, les tendons extenseurs sont plus aplatis que les tendons fléchisseurs – qui ont tendance à être ronds ou ovales. De la même façon, toutes les tendinopathies ne présentent pas les mêmes altérations. En outre, on sait désormais qu’un tendon affecté n’est pas forcément entièrement pathologique : il peut exister une zone de tendinopathie dans un tendon sain. La compréhension de la pathologie et cette notion d’hétérogénéité au sein du tendon ont permis de proposer des stratégies thérapeutiques adaptées aux différents cas.

L’examen des tendinopathies a aussi mis en lumière ce qui arrive lorsque les tendons sont peu ou pas sollicités durant une longue période (on parle de « décharge prolongée »). Comme pour les os, la non-stimulation fragilise le tendon et le rend plus vulnérable aux contraintes extérieures. En effet, sa trophicité, c’est-à-dire l’ensemble des mécanismes participant à la nutrition et à la physiologie du tendon, est dépendante des stimulations mécaniques appliquées.

En cas de reprise trop rapide de l’entraînement par un sportif, après un arrêt pour blessure ou après l’intersaison par exemple, la tendinite peut survenir. À ce propos, les entraînements excentriques, qui provoquent à la fois une contraction et un étirement (comme le travail fourni par les ischio-jambiers lors d’efforts en descente pendant une randonnée en montagne, par exemple) sont déconseillés, car ils augmentent considérablement le risque de blessure. C’est aussi le cas des étirements prophylactiques avant une activité intense. Les personnes sédentaires sont également concernées, lorsqu’elles se livrent à une activité d’intensité inhabituelle.

Avant de reprendre une activité suite à une tendinopathie isolée, la prise en charge rééducative est donc importante. Et il faut ensuite maintenir un entretien à long terme, afin d’éviter les récidives.

Comment soigner la tendinopathie ?

Dans un premier temps, il est essentiel d’éliminer la douleur grâce à des antalgiques, puis de compléter ce traitement par une rééducation physique. Cette dernière peut être associée à un traitement plus « biologique », tel que l’administration d’ondes de choc par un kinésithérapeute (en créant des microlésions dans le tendon, celles-ci stimulent sa cicatrisation) ou l’injection de plasma riche en plaquettes, qui stimule la régénération. L’objectif est d’obtenir une récupération optimale en terme de douleur et de fonctionnalité, ainsi que de limiter les récidives.

Il est également important de renseigner le patient sur la (longue) durée du traitement, qui peut prendre plusieurs semaines à plusieurs mois, et sur le fait que la régénération de sa lésion sera progressive. Il doit prendre conscience de son importance en tant qu’acteur de sa propre récupération, afin d’éviter une chronicisation de la pathologie.

De nombreux protocoles de réhabilitation, surtout avec des exercices de type excentriques, demandent de réaliser pluriquotidiennement des exercices au domicile. Il est conseillé également de conserver une activité physique régulière pour entretenir la trophicité et la résistance des tendons. Une antalgie optimale est essentielle. Par ailleurs, avant les exercices excentriques ou avant une activité, il peut être intéressant de pratiquer des exercices « isométriques », qui génèrent des contractions musculaires sans mouvement articulaire. Ceux-ci pourraient en effet améliorer l’adhérence au traitement, car ils diminuent la douleur pendant 45 min environ.

Agir sur les facteurs favorisants

En plus de la prise en charge de la tendinopathie en elle-même, il faut penser à chercher et corriger les facteurs favorisants tels que les vices biomécaniques. Il peut s’agir d’augmenter la souplesse, car plus un tendon est raide et plus il y a un risque de tendinopathie (en raison de la perte d’amorti), de renforcer les muscles, ou de corriger les troubles de l’axe (c’est-à-dire le fait de ne pas avoir des membres inférieurs tout à fait bien alignés, comme dans le cas de genoux « en X »). Le matériel inadapté doit aussi être identifié et remplacé par des instruments plus ergonomiques : équipement sportif, matériel de bureau, outils de travail…

Un contrôle alimentaire peut aussi être envisagé. En effet, les tendinopathies chroniques de certains patients peuvent résulter d’une inflammation chronique à bas bruit, due à une alimentation inadaptée. Les personnes qui ne consomment pas suffisamment de fruits et de légumes peuvent présenter un stress oxydant trop important, produisant ce type de phénomène inflammatoire. De même, la consommation excessive de protéines est également très néfaste en cas de tendinopathies. Il est important de s’assurer que son régime alimentaire ne contient pas trop d’aliments « pro-inflammatoires » (riche en acides gras saturés, en sucre, et en produits raffinés).

Enfin, la santé bucco-dentaire doit être surveillée. En effet, une mauvaise hygiène ou des problèmes bucco-dentaires tels que gingivite ou parodontite par exemple ont aussi été associés à des tendinopathies et des lésions musculaires ou ostéo-articulaires chroniques. Les mécanismes en jeu sont cependant encore mal connus.

Comment éviter les tendinopathies ?

Outre les mouvements répétés, les troubles nutritionnels ou les pathologies liées au manque d’hygiène bucco-dentaire, d’autres facteurs pourraient entraîner des tendinopathies. Certains paramètres métaboliques doivent être surveillés : le taux de sucre dans le sang (glycémie, qui est élevée en cas de diabète), le taux de cholestérol sanguin (l’hypercholestérolémie doit être contrôlée), l’hyperuricémie (taux d’acide urique sanguin, même en l’absence de crise de goutte) ou encore les troubles thyroïdiens. Il faut en outre savoir que certains médicaments (surtout les corticoïdes et les fluoroquinolones) fragilisent les tendons et sont responsables de tendinopathies voire de ruptures tendineuses.

D’autres paramètres connus pour favoriser les tendinopathies ne peuvent être contrôlés. C’est notamment le cas de l’âge (plus on est âgé et plus le risque est important), du sexe (les hommes sont plus à risque que les femmes), de certains facteurs génétiques ou encore du groupe sanguin : le groupe A serait protecteur et O à risque, mais le mécanisme à l’origine de cette protection n’est pas encore bien compris.

En matière de prévention des tendinopathies, il a été démontré que les œstrogènes exerçaient un rôle protecteur, mais que celui-ci disparaît avec la ménopause. Chez les femmes ménopausées et sportives uniquement, un traitement hormonal substitutif permettrait de diminuer le risque de survenue de ces affections. Les semelles amortissantes pourraient aussi être utiles pour diminuer l’incidence des tendinopathies d’Achille (le plus gros des tendons du corps humain). Ce point a été démontré chez les Marines américains. En revanche, malheureusement, aucun exercice n’a fait preuve d’effet protecteur. Bien au contraire, les exercices supposés être préventifs entraîneraient plus de tendinopathies que l’absence de toute intervention…

Il reste encore beaucoup à découvrir sur ces affections plurifactorielles, qui évoluent encore trop souvent vers la chronicité. Leurs traitements, de plus en plus performants, ne soulagent pas encore tous les patients : certains d’entre eux gardent des douleurs rebelles quelle que soit la thérapie proposée. En attendant d’en connaître davantage, il faut donc prendre bien soin de ses tendons, en évitant notamment au maximum de les surcharger…The Conversation

Jean-François Kaux, Chargé de cours et chef de service de Médecine Physique, Réadaptation et Traumatologie du Sport du CHU de Liège, Université de Liège

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