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  le 3 octobre 2019

Parler des soins palliatifs

EDITO 60 - Le PICT : un outil précieux pour offrir au patient les soins adaptés 
 
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60 - Photo 1 - Partenariat

C’est un fait : on ne parle pas de la situation palliative suffisamment tôt… La littérature démontre pourtant tout le bénéfice d’en parler précocement et la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé de 2002 stipule bien que les soins palliatifs sont ’applicables tôt dans le décours d’une maladie’. Utiliser le PICT (Palliative Indicators Care Tool) permet de déterminer le moment adéquat pour la mise en œuvre des soins palliatifs.

 « Malgré la récente reconnaissance légale des soins palliatifs dans le secteur de la santé, le nombre croissant de recherches et de publications traduisant le regain d’intérêt des milieux professionnels de la santé pour ce sujet, ainsi que le relais médiatique au sein du public, force est de constater la résistance de certains soignants à mettre en pratique les soins palliatifs », observe le Pr. Nicole Barthelemy, médecin responsable de l’Equipe Mobile de Soins Continus et Palliatifs.

« Nous entendons par ‘résistance à la mise en pratique des soins palliatifs’, la crainte, voire le refus inconscient de mettre en œuvre des attitudes et/ou des actes appris qui s’inscrivent dans les principes fondamentaux de l’approche palliative », explique la coordinatrice de l’équipe mobile. Celle-ci s’explique par les difficultés de préciser le pronostic des affections et l’objectif de soins, de déterminer le projet thérapeutique, de parler de la mort, de mettre sur pied une collaboration interdisciplinaire, de faire référence à des équipes spécialisées de seconde ligne et aussi, de la limite temporelle du forfait palliatif.

Le Pr. Barthelemy s’est longuement penchée sur l’étude des causes de cette résistance *, avec la Plate-Forme des Soins Palliatifs en Province de Liège. Les origines en sont nombreuses et variées ; elles vont des compétences du soignant (formation initiale, participation à des formations en cours de carrière, qualité de celles-ci, expérience professionnelle, etc. ) à la complexité de la prise en charge du patient (place de la famille auprès du patient, lieu de la prise en charge, place de la spiritualité dans les soins, pratique en multidisciplinarité) en passant par la qualité du support social (appui d’une deuxième ligne, réseau d’aide et de soins à domicile, bonne interface hôpital/MR/domicile) ou la qualité du support organisationnel (charge de travail, moyens matériels, politique de formation dans l’institution, etc.)

 

Qui êtes-vous, Professeur Nicole Barthelemy ?

Nicole Barthelemy a fait ses études de médecine à l’UCL, où elle s’est spécialisée en radiothérapie.

60 - Photo 2 - Nicole Barthelemy - Portrait

Après avoir fondé une famille et exercé pendant 20 ans la médecine, dont cinq à l’étranger, le Pr. Barthelemy réalise un doctorat sur l’évolution des cytokines dans le parenchyme pulmonaire irradié, puis ‘se fait plaisir en suivant un DES en médecine palliative’. « En tant que radiothérapeute, j’accompagnais depuis toujours des patients dans des maladies graves, potentiellement mortelles. J’ai donc allié d’un côté, l’aspect technique pur avec la radiothérapie, et de l’autre, la prise en charge globale du patient avec les soins de support et les soins palliatifs. La formation en soins palliatifs m’a permis de disposer d’outils pour accompagner les patients ».

Le Pr. Barthelemy a travaillé au sein du service de Radiothérapie du CHU de Liège jusqu’avril 2018, lorsqu’il lui a été proposé de s’occuper exclusivement de l’Equipe Mobile de Soins Continus et Palliatifs du CHU, dans laquelle elle était déjà investie depuis de nombreuses années.

La radiothérapeute a toujours été attirée par les questions d’éthique et la prise en charge holistique du patient. « Dès le début de ma carrière, j’ai souhaité respecter le droit du patient à connaître la vérité sur sa maladie et à choisir l’option thérapeutique la plus adaptée à ses souhaits. Ceci m’a incitée à poursuivre ma formation en acquérant une compétence complémentaire en communication et en soins palliatifs ».

→ Les publications scientifiques du Professeur Nicole Barthelemy

 

L’Equipe Mobile de Soins Continus et Palliatifs (EMSCP)

Au CHU de Liège, les soins continus et palliatifs sont assurés par une équipe interdisciplinaire composée de médecins, d’infirmières, de psychologues, de kinésithérapeutes, d’esthéticiennes sociales et d’une secrétaire. L’équipe est active sur tous les sites du CHU.

Sa fonction est d’accompagner, à leur demande, les patients atteints d’une maladie grave au stade palliatif, ainsi que leurs proches et les soignants, pendant et après la maladie.

60 - Photo 3 - équipe

Nicole Barthelemy insiste sur le fait que l’équipe est là pour accompagner et non pour « faire » : « Nous intervenons en deuxième ligne, pour prodiguer des conseils. Nous n’imposons donc rien. Nous ne venons que si l’on nous appelle. Ce qui est important pour nous, c’est que les décisions soient collégiales, que la relation entre le patient et son médecin référent persiste et que nous puissions accompagner les soignants de 1ère ligne dans la gestion de symptômes réfractaires, dans leurs réflexions éthiques et dans l’accompagnement de leurs patients en statut palliatif, s’ils le souhaitent ».

Comment fonctionne l’équipe ? « Les deux infirmières sont toujours joignables, via un téléphone wifi qu’elles portent en permanence. Elles écoutent et clarifient la demande si nécessaire. Elles recherchent des informations par rapport à la situation. Le patient est-il déjà dans un statut palliatif ? Sommes-nous appelées pour des soins de support, en dehors de la période palliative ? En discutant avec la personne qui appelle, elles orientent la demande vers le membre de l’équipe le plus approprié », explique le médecin coordinateur de l’équipe.

Elle précise : « Lorsque l’équipe est contactée pour des questions liées à la gestion de la douleur, que les différentes options thérapeutiques classiques ont déjà été appliquées et que le patient n’est toujours pas soulagé, nous proposons alors plutôt de contacter le centre multidisciplinaire d’algologie. »

Enfin, son rôle de médecin dans l’équipe est d’accompagner les prestataires de soins et de leur donner des outils pour soigner leurs patients en statut palliatif. « Lorsque j’interviens, j’apporte un regard ‘tiers’ notamment dans les demandes d’euthanasie ou pour des symptômes réfractaires. Lorsqu’un assistant nous appelle pour soulager un patient, j’analyse avec lui ce qu’il peut faire en lui parlant notamment du Palliaguide (www.palliaguide.be) et la façon dont il peut s’en servir. Comme a dit Edmond Jabès, ‘Rien n’est donné. Tout est à prendre - à apprendre’ ».

 

Le PICT, un outil précieux pour identifier les patients

Mais qu’est-ce qu’un patient en statut palliatif ? Lorsque l’on pose cette question aujourd’hui – même à des médecins -, les réponses sont très divergentes. L’outil PICT, introduit dans la loi en 2018, uniformise la représentation du patient « en statut palliatif » et aide donc à lui apporter les soins dont il peut avoir besoin, dans un délai opportun.

 

60 - Photo 4 - outil Pict pour identifier les patients

« Dans la pensée collective, ‘soins palliatifs’ rime encore avec ‘mort imminente’. L’outil PICT permet, du côté de l’ensemble des soignants mais également des patients et de leur famille, d’avoir un langage commun », commente le Pr. Barthelemy.

L’outil PICT (Palliative Indicators Care Tool) est une échelle permettant d’identifier un patient en statut palliatif dans les 6 mois à 1 an avant son décès. Il est simple d’utilisation et s’articule autour de 2 échelles :

La première, l’échelle d’identification d’un patient palliatif, poursuit trois objectifs :

  • Repérer le plus tôt possible les patients susceptibles de bénéficier d’un programme de soins palliatifs (pathologies cancéreuses et non cancéreuses), en amont de la phase terminale ;
  • Encourager les professionnels de la santé à discuter avec ces patients de leur état de santé et du projet de soins qu’ils désirent poursuivre, favoriser la planification des soins et respecter leurs directives anticipées ;
  • Permettre la réévaluation systématique de leurs besoins.

 

La seconde, l’échelle de sévérité des besoins, permet au patient de bénéficier de soins palliatifs adaptés à sa situation individuelle. Tous n’ont pas les mêmes besoins et les moyens mis à leur disposition doivent tenir compte de ces différences. L’objectif de la 2ème partie de l’outil PICT (actuellement sur le bureau du prochain ministre de la Santé) est d’intensifier les ressources et les moyens destinés aux patients et aux professionnels de la santé en fonction du statut palliatif déterminé par l’outil (simple, majoré ou complet).

« Les objectifs poursuivis sont d’élargir le concept de statut palliatif de 3 mois à 1 an via la question ‘Seriez-vous surpris si votre patient décédait dans les six à douze mois prochains ?’, d’identifier le patient en statut palliatif en temps opportun, de répondre aux besoins spécifiques et aux situations problématiques relayés par les acteurs de terrain, tout en tenant compte de la réalité de vie du patient », commente le Pr Barthelemy.

Le CHU de Liège implémente le PICT et forme les professionnels de santé à son utilisation

L’outil PICT et la prise en charge palliative sont enseignés aux étudiants en médecine de l’ULiège depuis deux ans déjà, dans le cadre du cours de médecine générale, soins palliatifs, entre autres par le Professeur Barthelemy. Ils sont également enseignés dans les hautes écoles, aux futurs infirmier.e.s., afin de les sensibiliser à l’intérêt de l’approche palliative et de l’utilisation de l’outil PICT.  

Le CHU de Liège a débuté l’implémentation du PICT et organise des formations à l’attention de son personnel : le Pr. Barthelemy et Caroline Doppagne, médiatrice hospitalière, s’adressent à tout le personnel de l’hôpital et abordent ensemble le PICT mais aussi les droits du patient. Pour cette année, il reste deux dates : 22/10, 12h30 à 14h30 (Auditoire Roskam) et 28/11, 11h30 à 13h30 (Auditoire Welsch) – Inscriptions : accreditations@chuliege.be

« Nous avons déjà dispensé quatre séances. Il s’agit d’une présentation avec des situations cliniques. La médiatrice et moi-même présentons la loi sur les droits des patients, entre autres le droit de recevoir une information compréhensive, de savoir/ne pas savoir. Enfin, je présente le PICT », rapporte Nicole Barthelemy.

La 1ère partie  de l’outil PICT sera remplie par le médecin. La 2e sera facilement complétée suite aux discussions interdisciplinaires. C’est un apprentissage progressif. Il se trouve dans le Dossier Médical Informatisé et est accessible aux médecins pour les patients hospitalisés et en ambulatoire.

« Si chacun doit garder le même sens de l’outil, il devra se l’approprier et l’utiliser en tenant compte des pathologies qu’il traite. Chaque fois que nous sommes appelées, nous demandons aux soignants s’ils ont pu déterminer le statut palliatif du patient. En cas de réponse négative, nous ‘pictons’ ensemble le patient », ajoute encore le Pr. Barthelemy.

 

A vos agendas : Journée mondiale des soins palliatifs & Journées P4P soins palliatifs

Journée mondiale des soins palliatifs au CHU de Liège: les 9 et 21 octobre

Dans le cadre de la Journée mondiale des soins palliatifs, l’Equipe Mobile de Soins Continus et Palliatifs (EMSCP) du CHU de Liège organise une journée de sensibilisation et d’information, ouverte à tous, le 9 octobre sur le site du Sart Tilman et l’après-midi du 21 octobre sur le site ND Bruyères.

60 - Photo 5 - Affiche définitive journée soins palliatifs 2019

Le thème choisi cette année est « le lien ». Pourquoi ce thème ? « Le lien est celui que l’on crée, que l’on garde et que l’on tisse avec les patients, les familles, ainsi qu’avec les soignants des différentes équipes, que l’on accompagne pas à pas, dans la singularité, le respect et la temporalité de chacun », explique Sabrina Hallut, infirmière de l’EMSCP.

En organisant ces journées, l’équipe entend se présenter aux professionnels, aux patients et aux visiteurs et ouvrir la discussion. Elle tiendra un stand avec des affiches et des brochures présentant l’équipe et son fonctionnement, sans oublier des mousquetons en thème avec le lien qui y seront aussi distribués pour sensibiliser et faire réfléchir le public à ce que sont les soins palliatifs.

Journées P4P soins palliatifs au CHU de Liège : les 14 et 15 octobre au CHU de Liège 

Cette année, le programme P4P s’invite au CHU de Liège, sous le thème ‘Le patient palliatif, acteur de son processus de soin : outils d’aide à la décision partagée’  -  https://www.health.belgium.be/sites/default/files/chu_14.10.pdf

Les deux journées qui se tiendront les 14 et 15 octobre s’adressent aux médecins et aux infirmiers. Il s’agit de deux journées de travail de groupe et de séances plénières. « Nous travaillerons notamment sur le PICT et la résistance des soignants aux soins palliatifs, deux des thèmes abordés dans cette newsletter », indique le Pr. Barthelemy.

« Notre objectif est de faire prendre conscience aux participants de leur position personnelle par rapport aux soins palliatifs, aux difficultés qu’ils rencontrent et de leur faire connaître les outils qui peuvent être mis à leur disposition pour pouvoir aborder un patient en statut palliatif. Au terme des deux journées, nous leur proposerons un travail commun à réaliser pendant l’année qui suit, à savoir : identifier les besoins en soins palliatifs et les besoins d’outils sur leur lieu de travail, évaluer les connaissances des différents outils, et nous leur donnerons rendez-vous un an plus tard pour venir en débattre », ajoute Nicole Barthelemy.

 

Message aux médecins traitants

Applicable à domicile, en MR-MRS et à l’hôpital, l’outil PICT doit être connu de tous les soignants et peut être utilisé aussi bien par les médecins spécialistes que les médecins généralistes.

59 05- message medecins

Le professeur Barthelemy (04 323 4817 ou nbarthelemy@chuliege.be) et son équipe (emscp@chuliege.be) se tiennent disponibles pour répondre aux éventuelles questions ou demandes spécifiques relatives à l’approche et aux soins palliatifs ainsi qu’à l’outil PICT, voire pour venir animer un exposer sur ce thème, par exemple lors d’un GLEM.

L’équipe Mobile de Soins continus et Palliatifs du CHU de Liège est joignable de 08h30 à 16h30 chaque jour ouvrable au 04/323 46 32.

 

 

* Etude PICT – DESMEDT M., Identification du patient palliatif & attribution d’un statut lié à la sévérité des besoins : de l’usage d’un nouvel outil, le PICT, Cliniques universitaires Saint Luc, 2016.

BARTHELEMY N. et al., Résistance des soignants à la mise en pratique des soins palliatifs: construction d’un modèle causal, Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique 7, 251—259, Elsevier Masson, 2008. doi:10.1016/j.medpal.2007.12.002