EDITO 59 - Une journée dédiée à la fibrose pulmonaire idiopathique 

 

 

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Une journée dédiée à la fibrose pulmonaire idiopathique

59 - 00 - poumonsOn recense quelque 200 formes de fibrose à l’heure actuelle, dont la fibrose pulmonaire idiopathique (FPi) qui touche environ un millier de personnes en Belgique. D’origine encore indéterminée, comme son nom l’indique (« idiopathique »), cette fibrose, qui fait partie des maladies pulmonaires dites « interstitielles », est souvent diagnostiquée sur le tard.

Une oxygénothérapie peut s’avérer nécessaire, plus ou moins rapidement, pour soulager le quotidien des patients. Certains sont tellement épuisés par leur essoufflement - qui finit par se manifester même au repos-, qu’ils n’ont plus la force de s’alimenter. « Un cercle vicieux que nous essayons de briser en proposant une prise en charge pluridisciplinaire, notamment en collaboration avec les équipes de Revalidation pulmonaire et de Diététique », précise le Dr. Julien Guiot, chef de clinique au service de Pneumologie du CHU et spécialiste de cette maladie particulièrement invalidante.

Qui êtes-vous, Docteur Julien Guiot ?

Diplômé de la Faculté de Médecine de l’Université de Liège en 2009, Julien Guiot enchaîne avec les six années de spécialisation en pneumologie, sur le site ND Bruyères puis au Sart Tilman, ainsi qu’à Erasme, pendant six mois, pour parfaire ses connaissances sur l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) aux côtés du Dr Jean-Luc Vachiery. Il présente sa thèse de doctorat consacrée à la fibrose pulmonaire idiopathique en 2017. Ses promoteurs sont les professeurs Renaud Louis et Corhay. Plusieurs doctorants poursuivent aujourd’hui la recherche sur cette maladie rare dans le cadre de leur thèse.    

Julien Guiot, 34 ans, est originaire de Saint-Nicolas (Liège). Il habite aujourd’hui en Hesbaye. Fils de pneumologue, il est marié et le papa de deux enfants âgés de 4 et 6 ans.

59 01-J Guiot L’homme aime la course à pied et le tennis. Premier Prix de Solfège du Conservatoire de Liège, il a raccroché le violon qu’il avait perfectionné durant trois ans au Conservatoire de Maastricht. Il a également raccroché le cor. « La médecine était devenue trop prenante », avoue-t-il.

Lauréat d’une bourse de recherche clinique du Fonds Léon Fredericq (2015-2016), ainsi que d’un prix de la Société belge de Pneumologie, Julien Guiot fait partie de la dizaine de spécialistes de la fibrose pulmonaire idiopathique que compte la Belgique. Une pathologie sur laquelle il continue aujourd’hui d’indaguer au sein du GIGA-Infection, Immunity & Inflammation (GIGA-I3).

→ Les publications scientifiques de Julien GUIOT

Une journée de sensibilisation organisée au CHU

« Une fois la fibrose installée, elle est irréversible: ce qui est perdu est définitivement perdu », rappelle d’emblée Julien Guiot. « D’où l’importance de sensibiliser le public pour diagnostiquer la maladie à temps car plus tôt on la traite, mieux c’est. »

Sans intervention thérapeutique, les patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique (FPi) peuvent décliner rapidement: la survie à partir du diagnostic est estimée à 3 à 5 ans en l’absence de traitement spécifique. Heureusement, de nouveaux traitements ont changé la donne il y a une petite dizaine d’années, même s’ils ne font que réduire la progression de la pathologie sans la guérir. La seule voie de guérison est la transplantation pulmonaire mais comme la maladie survient au-delà de 60-65 ans, la greffe n’est guère fréquente.

La fibrose étant une maladie rare (elle touche une personne sur 10.000, soit +/-1.000 Belges), le public est peu au courant. C’est pour cela qu’est née l’idée d’organiser une journée d’information dans la grande Verrière de l’hôpital, à l’instar de ce qui se fait régulièrement pour d’autres pathologies. « Les patients ne sont pas bien informés. Mal encadrés, trop peu référés, ils se sentent seuls », explique le Dr. Guiot.

59 02-fibrose pulmonaire affiche   Contact a été pris depuis plusieurs mois avec l’association de patients (ABFPi) qui sera présente le 20 septembre afin de donner davantage de visibilité auprès des patients. Différents médecins qui interviennent dans la maladie seront également présents. Il sera aussi question de recherche et d’encadrement psycho-social. Des capsules vidéos et des témoignages de patients animeront le stand. Il sera même possible de se glisser symboliquement dans la peau d’un patient en s’équipant d’un gilet, de brassards et de jambières lestés, ainsi que d’un masque à valve résistive (prêtés par le service de Médecine physique du Pr. Kaux), pour grimper sur un tapis de marche et se rendre compte de l’enfer quotidien que représentent les symptômes d’oppression engendrés par une fibrose pulmonaire.

« La multidisciplinarité n’est pas un vain mot, reprend Julien Guiot, grâce à elle, notre équipe est plus forte et les patients se sentent mieux; ils sont aussi plus compliants. Nous bénéficions d’une infirmière de coordination (Laurie Giltay) qui s’occupe d’eux en particulier, pour les informer, les éduquer au niveau de leur traitement, notamment pour expliquer les effets secondaires potentiels ou encore la logistique liée à l’oxygénothérapie. Nos collègues de revalidation pulmonaire (Drs. Delphine Nguyen Dang et Hélène Van Cauwenberge) sont aussi très actifs. Nous désirons prendre les patients en charge dans leur globalité, nous recentrer sur eux, même si ça grapille beaucoup de temps. Nous nous rendons bien compte que vivre avec une maladie chronique aussi sévère et invalidante n’est pas une sinécure. »

Le service de Diététique (Sylvain Voussure) est aussi fortement impliqué auprès de ces patients qui peuvent être cachectiques, soit parce qu’ils sont épuisés par le mal qui les ronge, soit parce que les effets secondaires des traitements (ou les interactions médicamenteuses) sont d’ordre digestif (diarrhée, reflux, vomissements, perte de poids).

→ Tout savoir sur la journée de sensibilisation organisée au CHU

ULB, UCL ou KUL pour le remboursement

59 03-remboursementDeux médicaments sont actuellement utilisés dans la prise en charge thérapeutique de la FPi. Ils ne peuvent toutefois être prescrits qu’après arrêt tabagique, contrôlé par deux tests de dépendance à la nicotine négatifs.

Particularité administrative étonnante, seuls trois hôpitaux belges ont l’accord de l’INAMI pour délivrer le remboursement de ces deux traitements (Ofev® et Esbriet®). En découle une démarche kafkaïenne qui ne facilite vraiment pas la vie des patients… Ainsi, à partir du moment où une fibrose pulmonaire idiopathique est diagnostiquée, le patient est envoyé vers Erasme (Bruxelles), la KUL (Leuven) ou encore Mont-Godinne à Yvoir (càd les trois centres universitaires belges qui font des transplantations pulmonaires) pour avoir droit au remboursement de son médicament. Cela signifie, concrètement, que le patient doit non seulement attendre jusqu’à 3-4 mois avant de pouvoir entamer son traitement, mais aussi qu’il doit mobiliser quelqu’un de sa famille ou un proche - voire faire appel à un véhicule sanitaire léger, avec de l’oxygène - pour se rendre dans un de ces hôpitaux (tous trois difficilement accessibles en transports en commun). Compliqué, d’autant plus avec une pathologie aussi invalidante que la fibrose, qui entrave l’oxygénation sanguine et donne donc l’impression d’être au bout de sa vie à chaque pas. C’est tellement fastidieux que certains malades préfèrent encore renoncer à se soigner… !

« Le CHU de Liège est un des centres les plus importants du pays en matière de maladies respiratoires, avec un très grand nombre de patients sous oxygénothérapie (près de 500 patients). Nous sommes toutefois obligés de passer par cette formalité qui augmente le temps d’attente pour bénéficier du traitement, malgré la bonne volonté de nos collègues des autres centres, ce qui accroit grandement la charge administrative pour tous», regrette Julien Guiot.

Le médicament Ofev® (nintédanib – 2 comprimés par jour) est un inhibiteur de tyrosine kinase avec effet anti-angiogenèse. L’Esbriet® (pirfénidone – 3 comprimés par jour) est un inhibiteur de TGF-bêta, cytokine actuellement la plus connue dans la fibrose. Arriver à bloquer cette voie-là permet de diminuer le processus évolutif de cicatrisation. Or c’est là la caractéristique propre de la maladie : un phénomène de cicatrisation anarchique dont la cause n’est pas encore connue. On soupçonne un lien avec la pollution, le tabagisme, l’ozone, mais aussi des infections virales due au cytomégalovirus (peut-être) et aux herpes viridae (sûrement). Ceux-ci modifieraient le microbiome et le virome du poumon, entraînant un cycle d’agressions/réparations anormal et une cicatrisation qui s’autonomise et s’emballe.

Ces traitements sont-ils donc si onéreux que les conditions de remboursement sont à ce point encadrées? « Non, ils coûtent environ 2 400€ par mois, ce qui est certes beaucoup dans l’absolu mais sans commune mesure avec les dizaines de milliers d’euros que coûtent certaines chimiothérapies et immunothérapies… ! »

Un « Fibro-pôle » extrêmement prometteur

Bien qu’elle ne « coure pas les routes » du CHU, la fibrose fédère au sein de l’hôpital, en particulier en matière de recherche. Le service de Pneumologie (Pr. Renaud Louis) entretient des relations étroites avec la Rhumatologie (Pr. Michel Malaise) et la Gastro-entérologie (Pr. Edouard Louis), au point que ces trois spécialités médicales ont décidé de s’unir pour créer un « Fibro-pôle » qui centralise toutes les pathologies fibrosantes.

« L’objectif est de travailler ensemble - chacun avec ses spécificités - sur les voies communes des mécanismes de fibrose. Nous partageons la même approche : la maladie de Crohn fibrosante, la sclérodermie, la polyarthrite rhumatoïde ou simplement l’arthrose présentent toutes des voies communes à la pathologie, qui sont induites par certains mécanismes plutôt que d’autres », précise le Dr. Guiot.

« Par exemple, nous travaillons sur les exosomes avec le laboratoire d’Ingrid Struman au GIGA-Recherche. Les exosomes sont de petites vésicules sécrétées activement par la cellule, présentes dans les voies respiratoires et le sang des patients atteints de fibrose, dans lesquelles se trouvent des micro-ARN (miARN). Ces fragments d’acide ribonucléique vont aller se fixer à l’intérieur de la cellule et modifier l’expression de certains gènes ou de certains marqueurs d’expression de la fibrose. » Ces modifications - une signature de trois miARNs en particulier identifiée par Julien Guiot (cf. la revue Thorax de septembre 2018) - constituent des biomarqueurs potentiels de la fibrose et ouvrent donc une nouvelle voie diagnostique et thérapeutique. « On approche au plus près l’origine de la maladie », se réjouit le pneumologue.

59 04-fibropole Une collaboration a également été lancée avec le Pr. Cécile Clercx, spécialiste en Médecine interne des animaux de compagnie aux Facultés vétérinaires de l’ULiège. Les petits chiens West Highland White Terriers sont en effet susceptibles de développer une fibrose pulmonaire idiopathique à l’instar des patients humains, patients qui ont tendance, a-t-on remarqué, à avoir… les cheveux blancs ! Y aurait-il, sur les lignes génétiques, des liens entre poumon et pigmentation de la peau ? L’ADN des patients atteints de FPi est systématiquement séquencé au laboratoire de Génétique du Pr. Vincent Bours, et comparé à celui de patients sains.

Enfin, la recherche, ce sont aussi les tests cliniques de futures molécules. L’une est en phase 3, d’autres en phase 1 et 2. Les nouveaux traitements – oraux ou injectables – visent d’autres voies thérapeutiques que celles utilisées à l’heure actuelle. Parmi les personnes qui s’impliquent au niveau des études et de la recherche sur la fibrose pulmonaire, citons Muriel Delvaux et Laurie Giltay (data nurses), Monique Henket, Sébastien Njock et Catherine Moermans (laboratoire GIGA).

Message aux médecins traitants

Le poumon est un organe qui a une grosse capacité d’adaptation : il peut perdre 20% sans que personne ne le remarque, pas même son propriétaire… Jusqu’au jour où l’essoufflement ne passe plus inaperçu.

« Dans la fibrose pulmonaire idiopathique, qui n’est pas une maladie obstructive comme l’asthme ou la BPCO, les bronches sont étirées, le poumon se « racrapote ». Il perd en qualité et en efficacité, l’oxygène passe de plus en plus difficilement », contextualise le Dr. Guiot.

59 05- message medecins « Lorsqu’on fait un effort, le sang passe vite dans le poumon. Chez le patient souffrant de fibrose, le temps que l’oxygène arrive, c’est trop tard, le sang est passé et n’a donc pas été correctement oxygéné. Plus le patient fait d’efforts, plus le sang va vite et perd donc en oxygène. Ce cercle vicieux mène à une toux sèche, une sensation d’étouffement et une fonte musculaire car le malade consomme beaucoup d’énergie pour vivre. Il finit par en faire de moins en moins tant il est essoufflé. Il se retrouve sous oxygène et là, il doit transporter sa bonbonne, ce qui est encore pire… Du coup, il en fait encore moins, voire ne bouge plus du tout. »

Un dépistage précoce permet de casser la boucle infernale du déconditionnement physique.

Deux signes sont typiques de la maladie. « À l’auscultation, sous le stéthoscope, des crépitants en Velcro, soit un bruit de ‘scratch’ à la base du poumon. Dès que l’on entend cela, il faut référer le patient en imagerie. » L’autre symptôme distinctif est l’hippocratisme digital : « des doigts en baguettes de tambour, avec des ongles bombés et cassants dus au manque chronique d’oxygène. »

D’autres symptômes, plus bâtards, comme une dyspnée bien sûr, d’origine indéterminée : « il n’y a pas de maladie cardiaque ni pulmonaire évidente qui pourrait être à l’origine de cet essoufflement, ni de surpoids. Le patient se plaint d’une toux sèche subaiguë, elle aussi de cause indéterminée. » Tout cela doit amener à référer au pneumologue.

A noter que les formes familiales dans cette pathologie sont rares, puisqu’elles représentent moins de 5% des cas. Elles apparaissent plus précocement. La princesse de Norvège, Mette-Marit, épouse du prince Haakon, a annoncé il y a quelques mois qu’elle en souffrait… elle a 46 ans !

Enfin, une fois le patient sous traitement, il faut en contrôler le dosage, surtout s’il est mal toléré (troubles digestifs, risque thrombotique). Et garder à l’œil les potentielles interactions médicamenteuses, notamment avec les IPP et certains antibiotiques. Les patients peuvent être rapidement adressés par le biais d’un contact avec le service de Pneumologie (04 323 78 81).

CHUchoTV - 02 - La semaine mondiale de la Fibrose Pulmonaire Idiopathique (FPI)

  • Qu'est-ce que la FPI ? 
  • Comment reconnaître les premiers signes ?
  • Comment, quand et pourquoi ? 
  • Quel impact sur le quotidien ?
  • Quels sont les symptômes ?
  • Existe-t-il des traitements ?