Introduction

57 - 00 - Radiologie

Le 7 septembre prochain, le Palais des Congrès de Liège accueille la Journée Liégeoise de Radiologie. « Je ne suis pas certain que ce soit une première mais la précédente doit remonter à un certain  temps », nous confie le docteur Paul Meunier. Pour le chef du service de radiologie du CHU de Liège, la mise en lumière de cette discipline relève pourtant de l’évidence. « Il y avait longtemps que l’organisation d’une telle journée me trottait dans la tête, nous dit-il le regard pétillant. Susciter l’engouement pour la radiologie, brasser les idées, c’est le rôle de l’université ». Si le thème principal de la journée sera l’imagerie des tumeurs, elle sera aussi l’occasion de mettre l’accent sur différents autres sujets qui relèvent d’une des spécialités médicales aux avancées des plus significatives ces dernières décennies. Et celles-ci ne sont pas que techniques ; pour Paul Meunier, la mentalité de celles et ceux qui pratiquent ce métier a également formidablement évolué.

 

Qui êtes-vous, Docteur Meunier?

Médecin avant d’être radiologue

Pour Paul Meunier, chef du service de radiologie du CHU, la radiologie doit être une activité de terrain, intégrée dans les équipes soignantes et proche des patients. « Pourquoi j’ai choisi la médecine ? Par idéal, c’était une façon de donner un sens à ma vie ». Quand le docteur Meunier nous dit cela, à 59 ans, après plus de 30 ans de pratique, sa motivation n’a pas pris une ride. Après le collège Saint Servais, ce sera l’Université de Liège jusqu’en 1986, puis la spécialisation en radiodiagnostic : deux années à l’hôpital de la Citadelle suivies de deux autres au CHU. « Pourtant au départ, je ne pensais pas faire la radiologie et surtout, je n’imaginais pas que cela me plairait autant. C’est une discipline que j’ai découverte au cours de ma formation et qui m’a passionné : un métier aux multiples facettes et très exigeant ».

57 - 01 - Paul Meunier   

Une passion pour la radiologie abdominale

Très vite, c’est la radiologie abdominale qui l’attire. « J’ai fait la connaissance du docteur Louis Engelholm. Il avait beaucoup travaillé sur la maladie de Crohn, cette affection inflammatoire qui touche l'ensemble du tube digestif. Après mon service militaire, il m’a proposé de travailler dans son service au Centre hospitalier d’Etterbeek-Ixelles. J’y suis resté 5 ans ». Ce qui l’attire tout particulièrement ? « C’est une sphère qui fait intervenir de multiples organes. Il y a de nombreuses interactions entre les différents systèmes et une très large gamme de pathologies. En plus c’est une sphère qui est très impliquée dans beaucoup de pathologies : les systèmes digestif, endocrinien, hématopoïétique, urogénital peuvent être concernés… beaucoup de choses sont concentrées dans cette cavité abdominale et elles peuvent interagir ou, par proximité, avoir un impact les unes sur les autres ».

 

Une radiologie de terrain

Le docteur Meunier poursuit sa formation en radiologie abdominale et passe son certificat IRM. Tout cela le conduit à l’hôpital de Libramont « jusqu’à ce qu’un jour le Professeur Dondelinger, à l’époque chef du service d'Imagerie médicale au CHU de Liège me propose une consultance. En 2005, je suis donc revenu au CHU ». Cinq ans plus tard, il devient responsable de l’imagerie abdominale et en 2013 responsable du service de radiologie du CHU. « J’ai donc la chance de pouvoir réaliser à la fois mon idéal humain et en même temps de côtoyer des techniques ultra-modernes ».   Pour le docteur Meunier, la radiologie se doit aujourd’hui d’être impliquée dans l’équipe qui soigne, une radiologie participative, collaborative, « de terrain » en quelque sorte. « La personne arrive à l’hôpital, elle a, par exemple, mal au ventre mais on ignore d’où ça vient. Comme radiologue, nous avons des outils et nous allons les utiliser pour chercher. Nous sommes un interlocuteur du médecin qui a le patient en main. C’est important d’avoir un dialogue permanent ». Le radiologue doit donc s’inscrire dans une équipe, proche du patient. « Nous ne pouvons pas les voir tous mais il faut être le plus proche possible du patient : nous sommes médecins avant d’être radiologues. C’est un des messages que j’essaie de faire passer ».

 

Passer le témoin

A l’aube de la soixantaine, il pense aussi au passage de témoin et s’y prépare. Personnellement, il sait qu’il y aura une place plus importante pour la famille. La musique classique (Mozart en particulier) l’accompagnera davantage encore dans ses lectures de livres d’histoire, ses marches, ses moments de partage entre amis. Professionnellement, c’est vers les jeunes qu’il se tourne. « Je suis dans la logique de pousser les jeunes, favoriser leur formation et leur développement. Il faut donner, travailler pour que quelque chose soit transmis. Le suivant en fera ce qu’il voudra mais il faut donner. ». Et si c’était à refaire ? « Je n’hésite pas un instant : je reprends le même chemin ».    

 

 

La radiologie, une spécialité en pleine évolution

En médecine, peu de sciences ont sans doute évolué (« explosé » n’hésite pas à dire le docteur Meunier) comme la radiologie l’a fait ces trente dernières années. Les nouveautés et les développements en échographie, les développements du scanner, l’apparition de l’IRM et tous les progrès qu’elle a faits sont des avancées majeures d’une ampleur que peu de spécialités ont connue. C’est également une spécialité « au carrefour de tout le monde : chacun a besoin d’images ». Les nouvelles séquences d’IRM comptent parmi les avancées les plus remarquables. « L’IRM est en progrès constant », souligne Paul Meunier. « Plus récemment, le scanner a lui aussi connu d’importants développements avec le scanner en double énergie, ce qu’on appelle le scanner spectral ». L’échographie a également fortement progressé. « Nous disposons maintenant de produits de contraste (qui n’ont rien à voir avec les produits iodés) : ils nous permettent la mise au point de certaines anomalies et ne sont pas toxiques pour les reins ».


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Les rayons X : un rapport bénéfice-risque positif

Pour Paul Meunier, l’avenir est à l’imagerie dans sa globalité.  « Nous sommes dans une logique de faire particulièrement attention aux rayons X, mais il ne faut pas oublier que les rayons X ont sauvé des vies et que nous n’avons jamais disposé de machines aussi performantes et aussi peu irradiantes qu’à l’heure actuelle. Nous participons à l’irradiation mais il faut remettre les choses en perspective. Savez-vous que l’aller-retour New-York en avion équivaut à ± 4 radiographies du thorax ? Alors, oui il y a des guidelines à respecter, oui les radiologues doivent faire attention (et ils le font) mais il ne faut pas faire peur à la population avec les rayons X. Le danger serait qu’on fasse moins d’examens utiles. Or plus le diagnostic est précoce et mieux le patient est soigné. C’est évidemment tout bénéfice pour lui et sa famille et cela coûtera moins cher à la société en évitant par exemple des traitements plus lourds. Il faut viser une efficacité et un rapport bénéfice-risque optimal. A l’heure actuelle, l’utilisation judicieuse de nos techniques maintient ce rapport à un niveau plus qu’acceptable ».

 

Les spécificités du CHU de Liège

En neuroradiologie, les progrès sont nombreux. « L’équipe de neuroradiologues est très à la pointe, y compris dans le traitement des malformations et des anévrismes intracérébraux. Des jeunes partent ou vont bientôt partir se former à l’étranger ». Progrès aussi dans les domaines de l’imagerie de la sclérose en plaque, des faisceaux nerveux, du coma. Enfin, en imagerie abdominale, le CHU travaille sur l’imagerie de la maladie de Crohn. Dans ce domaine, la collaboration avec le service de gastro-entérologie du professeur Edouard Louis permet un important recrutement de patients. « L’excellence n’est jamais acquise: disons que nous sommes dans une recherche permanente d’excellence dans tous les domaines de la radiologie et plus particulièrement dans ceux qui nous intéressent ». 

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L’exigence de qualité

Maintenant arrivent aussi toutes les données de l’intelligence artificielle. « Dans une sphère à la pointe comme la radiologie, l’intelligence artificielle n’est pas pour demain, mais pour tout à l’heure» analyse Paul Meunier. « Je ne pense pas que tout va être automatisé et que les machines pourront tout lire. Il y aura encore besoin de radiologues mais ceux qui ne se seront pas intéressés à l’intelligence artificielle seront largués. Pour les autres, il y a de l’avenir et du travail : les perspectives sont larges et me paraissent passionnantes si on veut s’y investir ». S’intéresser aux nouvelles techniques, les maîtriser : là encore, il se tourne vers les jeunes. « Votre meilleure carte de visite, c’est la qualité de ce que vous ferez. C’est la seule façon de pouvoir grandir sans faire de tort à qui que ce soit, simplement en essayant d’être très bon ».  

 

 La Journée Liégeoise de Radiologie

57 - 04 - Journée liégeoise de radiologie 2019 « Cela faisait longtemps que ça me trottait en tête. Je me suis dit que c’était le rôle des services universitaires de susciter l’engouement pour la radiologie ». En une phrase, courte et concise comme à son habitude, Paul Meunier fixe le cadre du projet. Les interventions du professeur Roland Hustinx et du docteur Nadia Withofs témoignent de la collaboration entre les deux services. Il a aussi décidé d’y associer les hôpitaux avec lesquels le CHU collabore pour la formation des assistants (une partie de leur formation doit être réalisée dans un centre non universitaire). Le CHC, le CHR de la Citadelle et le CHR de Verviers seront donc de la partie. Paul Meunier est aussi allé vers des spécialistes qu’il connaît à Bruxelles (professeur Marc Lemort et docteur Monia Bali), ainsi qu’en  France: notamment le professeur Bruno Kastler du CHU de Besançon, le professeur Olivier Lucidarme du CHU d'Ile-de-France à Paris qui forme des jeunes du CHU de Liège à l’échographie de contraste et le professeur Alain Luciani de Créteil. Les différentes sessions sont ouvertes à tous : le matin, une session médicale se tiendra en parallèle d’une session paramédicale, principalement adressée aux infirmiers et technologues qui sont aux machines. Toutes deux visent l’actualisation des connaissances des professionnels. L’après-midi, les thématiques seront plus transversales ; libre à chacun de suivre la thématique qui l’intéresse ! Le thème « Imagerie des tumeurs » est le thème principal mais pas exclusif. « Cette journée a aussi pour but de favoriser les rencontres et de brasser les idées ».

 

 

 Message aux médecins traitants : collaborons !

Paul Meunier souhaite insister sur l’importance de la collaboration. Pour lui, le temps du radiologue enfermé dans sa chambre claire appartient désormais et définitivement au passé. « Il faudrait que le prescripteur puisse se dire : je vais demander à un radiologue de faire passer un examen. On n’envoie pas « à la radiographie » ou « au scanner ». On envoie à un radiologue qui va faire la radiographie ou le scanner ». Le dialogue doit s’instaurer dans les deux sens pour une meilleure exploration du patient, un meilleur diagnostic.

56 - 04 - Traitants

Dans la pratique quotidienne, cette communication est primordiale aux yeux de Paul Meunier. « Cela nous a évité de nombreuses fois de faire des examens erronés. Des médecins traitants me contactent régulièrement pour évaluer s’il faut commencer par l’IRM, l’échographie ou le scanner. C’est une question d’efficacité. Cet échange avec le radiologue permet également au médecin traitant de connaitre de mieux en mieux les outils disponibles et donc de prescrire judicieusement ». Cela permettra aussi de mieux se rendre compte qu’en radiologie aussi, on se préoccupe du patient. « Nous ne sommes pas des robots. Le patient est au centre de nos préoccupations. Le point de vue humain a énormément d’importance. S’il y a une bonne collaboration, il y a de bons renseignements,  les meilleures techniques sont utilisées et le patient est bien. La radiologie est une science très technique. On vit dans des machines, ça fait peur quelque part. C’est justement un endroit où il faut prendre le temps d’expliquer, de prendre les gens en main, rassurer autant que possible, ne fut-ce que dire : j’ai trouvé pourquoi vous avez mal. Je vais regarder ça en détail et j’envoie le rapport rapidement à votre médecin traitant. Ce n’est pas grand-chose mais la personne qui sort a été prise en charge, sait que le radiologue a regardé, qu’il a vu quelque chose et qu’on va enfin pouvoir soigner son problème. Accompagner son patient, même très peu de temps : pourquoi s’en priver ? ».