« J’arrête de fumer » : le nouvel ouvrage de la Cellule Drogues

Le livre « J’arrête de fumer -  Comprendre son addiction pour mieux la vaincre », paru aux éditions Mardaga, est le petit dernier de la Cellule Drogues.

« Il s’agit d’un livre destiné à un public général, mais ayant quand même certaines bases. Il propose une somme d’informations théoriques et générales, et de réponses à des questions que se posent beaucoup de fumeurs et leur entourage. En tant que médecin, vous y trouverez également des réponses à des arguments que peuvent avancer certains fumeurs, comme par exemple ‘Vu la pollution de l’air, est-il quand même nécessaire d’arrêter de fumer ?’ », explique Vincent Seutin.

52 - 01 - J'arrête de fumer   

Ce livre apporte des réponses claires à 25 questions afin de mieux comprendre les effets du tabac sur l’organisme, non seulement du fumeur mais aussi de son entourage. Il donne aussi des conseils pratiques au lecteur pour en finir avec le tabac. Cet ouvrage est l’outil idéal pour démontrer aux patients qu’il est possible d’arrêter de fumer et leur donner des trucs et astuces pour en finir définitivement, sans les rechutes que l’on observe encore trop fréquemment.

 

 

Qui êtes-vous, Vincent Seutin ?

« Quand j’ai terminé mes études de médecine à l’Université de Liège, j’étais attiré par le domaine de la psychiatrie, mais il n’y avait pas de place dans cette spécialité cette année-là. J’ai alors fait une année de clinique psychiatrique à mi-temps et réalisé l’autre mi-temps dans le laboratoire de pharmacologie où je savais qu’on travaillait sur les antidépresseurs », relate Vincent Seutin.  C’est là qu’il a le déclic : il se voit davantage dans la peau d’un chercheur que dans celle d’un clinicien.

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Vincent Seutin réalise ensuite un doctorat en pharmacologie sur les facteurs qui contrôlent l’activité des neurones dopaminergiques chez le rat, neurones dont il parle dans son nouvel ouvrage et qui sous-tendent les processus de renforcement, de motivation, et qui sont « usurpés » par les drogues d’abus, dont la nicotine. Il enchaîne avec un post-doctorat aux Etats-Unis entre 1991 et 1993, où il travaille au Vollum Institute, un centre de recherche de l’Oregon Health Sciences University (OHSU).

De retour à l’ULiège, Vincent Seutin défend sa thèse d’agrégation en 1995 et occupe successivement les postes de 1er assistant et de chef de travaux. Il est nommé chargé de cours en 2001, puis Professeur ordinaire en 2011. Enseignant en pharmacologie, il dirige aujourd’hui le laboratoire de Neurophysiologie du GIGA-Neurosciences. Il est en outre président du Comité d’éthique Hospitalo-Facultaire de Liège.

Enfin, last but not least, le Pr. Seutin est coordinateur de la Cellule Drogues de l’ULiège. « Nous sommes un groupe de réflexion composé de médecins du CHU, de chercheurs de mon labo, de toxicologues, de psychologues, de sociologues, … Nous essayons d’avoir une vue très globale sur la toxicomanie et de travailler dans le concret. C’est ainsi que nous avons publié un premier ouvrage sur le cannabis, un deuxième sur l’alcool et voici un troisième sur le tabac. »

 

 

Qui êtes-vous Professeur Pierre Bartsch ?

A 80 ans, le Pr. Pierre Bartsch, Professeur Honoraire à l’Université de Liège et expert incontournable belge lorsque l’on aborde le tabac, est toujours ravi d’exercer et ne raterait pour rien au monde une de ses consultations.

Voici comment il synthétise très humblement sa longue et belle carrière : « Au départ, je suis clinicien ‘touche à tout’. A l’époque, la spécialisation ‘pneumo’ n’existait pas encore. J’ai donc fait une spécialisation en médecine interne, ce qui m’a permis de toucher à de nombreuses disciplines. J’ai ainsi commencé mon activité d’interniste par la première dialyse péritonéale à Liège », se souvient le Pr. Bartsch.

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« Parallèlement, de nature très curieux, je faisais aussi de la recherche. J’ai travaillé au Cyclotron, notamment sur l’Oxygène 15 et les éléments traces dans le poumon. Puis, comme je me sentais impuissant en tant que clinicien devant tous ces patients qui mouraient du cancer du poumon, je me suis dit que le mieux serait tout de même qu’ils ne contractent pas cette maladie. C’est ainsi que j’ai décidé de m’impliquer dans la lutte contre le tabagisme et que je suis devenu co-leader du cours de Tabacologie au FARES, où je suis - jusque la fin de cette année académique - président du Conseil supérieur interuniversitaire de gestion du tabagisme », poursuit Pierre Bartsch.

Le Pr. Bartsch a également été professeur de pneumologie à l’ULiège, il est toujours responsable du Centre d’Aide aux Fumeurs (CAF) du CHU de Liège et pneumologue au CHU de Liège, où il supervise la consultation de tabacologie, aux côtés de Muriel Delvaux.

 

 

La nicotine : la drogue la plus addictive !

« Peu le savent, mais la nicotine est la drogue la plus addictive qui existe ! Elle l’est plus que l’héroïne », souligne le Pr. Seutin. « Et on commence à comprendre pourquoi. Sur le plan biologique, la nicotine a des propriétés très particulières vis-à-vis de son récepteur. En termes pharmacologiques, la nicotine est un agoniste, c’est-à-dire qu’il active le récepteur. Et l’on a observé quelque-chose de très particulier : tandis que, avec la plupart des agonistes, quand on active de manière chronique le récepteur, celui-ci réagit en se désensibilisant, en présence de nicotine, le récepteur fait le contraire. C’est tout à fait étonnant ! »

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Un coin du voile a été levé sur ce mécanisme: « Une fraction de la nicotine agit sur le récepteur qui se trouve sur la membrane. Mais une fraction de la nicotine non chargée entre dans la cellule et amène plus de récepteurs nicotiniques à la membrane », explique le chercheur. « C’est très particulier comme système et assez unique ».

« D’ailleurs, il est ressorti d’une étude que lorsque l’on demande à des héroïnomanes ce qui est le plus difficile pour eux d’arrêter entre l’héroïne et le tabac, la plupart répondent le tabac. Donc, eux-mêmes considèrent qu’ils sont plus « accros » au tabac qu’à l’héroïne. Quant aux victimes d'une artérite des membres inférieurs liée au tabagisme entraînant l'amputation d'un membre, la menace évidente qui pèse sur l'autre jambe ne suffit pas toujours à les convaincre d'arrêter de fumer », ajoute le Pr. Bartsch.

 

 « Très inégaux face au tabac »

Une donnée intéressante qui émerge aujourd’hui est que nous sommes très inégaux face au tabac du fait de notre constitution génétique. « On sait maintenant qu’il existe des polymorphismes de certains gènes qui prédisposent fortement à abuser du tabac, et de gènes qui sont impliqués par exemple dans la résistance à l’effet cancérigène des hydrocarbures et donc du cancer du poumon », explique Vincent Seutin.

52 - 05 - Inégaux 

« Un groupe de chercheurs français (dont fait partie le Pr. Philippe Faure, co-auteur du livre) a par ailleurs démontré qu’il existe un récepteur nicotinique qui prédispose largement à une dépendance », ajoute le professeur de pharmacologie.

La recherche avance donc ! Certains de ces gènes ont déjà été identifiés, mais il reste bien sûr encore du pain sur la planche aux chercheurs …

 

Pas de recette magique, mais…

Les méthodes utilisées dans l’arrêt du tabac sont aujourd’hui diverses et variées : hypnose, thérapies cognitivo-comportementales, substituts nicotiniques, cigarette électronique,… Hélas, il n’y a toutefois pas de recette magique car il existe trois facettes à la dépendance : physique, psychologique et comportementale, et il est difficile d’agir sur les trois. Et malheureusement, les rechutes restent, elles aussi, nombreuses.

52 - 06 - Recette 

« Cela dit, au niveau pharmacologique, le Champix® donne de bons résultats chez certains patients », enchaîne le Pr. Bartsch. « J’ai des patients qui sont parvenus à arrêter avec ce médicament alors que cela faisait trente ans qu’ils essayaient… Mais, il ne faut pas se leurrer, même avec ce médicament, on n’obtient que maximum 30% de réussite… ce qui signifie 70% d’échec ! Et encore, il s’agit d’études dont sont exclues de nombreuses catégories de fumeurs qui font partie de notre quotidien en tant que cliniciens (combinaison alcool/tabac, …) ».

Et le Pr. Seutin d’ajouter qu’il faut bien sélectionner les patients à qui l’on propose ce médicament : «Le Champix® est encore considéré parfois comme contre-indiqué en cas de dépression ou d'affections cardiaques. Une vaste étude sur plus de 8.000 patients (EAGLES) a néanmoins montré que ces contre-indications sont loin d’être absolues. »

 

Message aux médecins traitants

 « De nombreux efforts ont déjà permis de réduire le tabagisme dans la société. Si l’on compare au siècle dernier, on peut quand même se féliciter de voir une nette diminution du nombre de fumeurs chez les hommes (de 50%, on est passé à 20%). L'interdiction du tabac dans les entreprises est un exemple parmi d'autres des mesures qui aident à protéger les non-fumeurs des méfaits du tabagisme passif », relève le Pr. Bartsch.

50 - 06 - Médecins généralistes 

Toutefois, le chemin est encore long… et chaque médecin fait inéluctablement partie de ceux et celles qui peuvent apporter leur pierre à l’édifice. « Ma collègue tabacologue et moi-même constatons encore souvent que des patients atteints de maladies chroniques graves n’ont pas été sensibilisés à l’importance de l’arrêt du tabac comme première étape de traitement ni référés à un tabacologue. Plusieurs anesthésistes, chirurgiens (pour qui l’arrêt du tabac est parfois une condition à l’admission du patient à une intervention), cardiologues et pneumologues ont déjà le réflexe de référer les patients fumeurs chez un tabacologue. Ce réflexe doit être encouragé et adopté par tous nos confrères, spécialistes ou généralistes », conclut Pierre Bartsch.

 

* Comme chaque année, la Journée mondiale sans tabac a lieu le 31 mai, mais cette année, exceptionnellement, c’est le 24 mai que le CHU de Liège organisera sa journée de sensibilisation à l’arrêt du tabac. Une manifestation qui se tiendra cette fois aux Galeries Saint-Lambert à Liège de 10h à 16h, dans l’espoir de toucher encore plus de monde.

 

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