Deux événements le 28 mai (Blood Cancer Day)

Le service d’Hématologie clinique du CHU organise pour la première fois des activités dans le cadre de la Journée mondiale dédiée aux cancers du sang (Blood Cancer Day). « C’est une première, en effet, et nous espérons bien remettre ça chaque année », précise le Dr Caers.

51 - 01 - Affiche Cancers du sang   

Le premier événement est destiné au grand public et se déroulera dans la Verrière sur le site du Sart Tilman, de 10 à 14 heures. Au programme, stands d’information, réalité virtuelle augmentée avec lunettes 3D, présence d’associations de patients et de fondations de recherche.

De 14 à 17 heures, place à une conférence destinée aux patients : « La vie après un traitement : enjeux et difficultés » accueillera des témoignages et échanges entre patients et professionnels. Ce sera aussi l’occasion de présenter la nouvelle salle de revalidation après un cancer. Cette activité se déroulera à l’auditoire Léon Fredericq (+5, route 665).

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Qui êtes-vous, Docteur Jo Caers ?

Le Docteur Jo Caers est né à Turnhout. Il fait ses études de médecine à l’Université de Hasselt, puis à la VUB dont il est diplômé en 1999. Il se lance dans une spécialisation en Médecine interne et dans la recherche fondamentale. Sa thèse de doctorat (2007) est consacrée au myélome multiple. Il termine ensuite sa formation en Hématologie aux Cliniques Saint-Luc à Bruxelles et débarque au CHU de Liège en 2008, où il prend ses fonctions au service d’Hématologie clinique dirigé à ce moment-là par le Pr Georges Fillet, puis par le Pr. Yves Beguin.

51 - 02 - Jo Caers 

Toujours aussi passionné par la recherche, il travaille actuellement, en parallèle de la clinique, comme investigateur principal dans plusieurs projets de recherche dédiés au myélome multiple. Il est régulièrement invité par les réseaux européen (European Myeloma Network) et international (International Myeloma Working Group) comme représentant de l’expertise hématologique du CHU de Liège.

Côté privé, Jo Caers a élu domicile à Tongres (Limbourg). Il est marié et papa de trois enfants âgés de 8, 10 et 12 ans. Il pratique la course à pied et la randonnée en montagne.

 

 

Des cancers aigus ou chroniques

Les cancers hématologiques (sang, moelle ou ganglions) représentent le 4ème cancer chez l’homme (environ 3.600 nouveaux cas par an) et le 3ème chez la femme (2.800 cas). On y retrouve les leucémies aiguës et chroniques, les lymphomes d’Hodgkin et non hodgkiniens (les plus fréquents, 150 nouveaux cas par an au CHU de Liège), ainsi que les myélomes, myélodysplasies et néoplasies myéloprolifératives.

51 - 03 - Cancers aigus 

Ces cancers touchent principalement des patients de plus de 65 ans. Leur incidence est en très légère augmentation du fait que l’on vit de plus en plus vieux. Dans le cas de la leucémie (9ème cancer le plus fréquent chez nous, avec 1.907 nouveaux cas en 2016 et 600 décès par an en moyenne), l’âge moyen des patients varie selon le type de leucémie: la leucémie lymphoïde aiguë survient principalement chez les enfants et les jeunes adultes; la leucémie myéloïde aiguë, principalement chez les adultes et rarement chez les enfants; la leucémie lymphoïde chronique, surtout chez les personnes âgées; la leucémie myéloïde chronique, surtout chez des patients d’âge moyen et les syndromes myélodysplasiques chez les personnes plus âgées. Bien qu’il s’agisse d’un cancer relativement rare, la leucémie est la forme la plus courante de cancer chez l’enfant.

Comment surviennent-ils ? « Deux possibilités », précise le Dr Caers, « soit le patient se plaint de divers symptômes et son médecin traitant découvre la maladie après avoir demandé des examens complémentaires, soit la maladie apparaît lors d’une prise de sang de routine et le diagnostic tombe sans que la personne ne ressente réellement de signes avant-coureurs. » Certains cancers hématologiques, comme le myélome multiple, peuvent être très douloureux car ils entraînent des fractures (des os, au niveau du dos ou du bassin) via un mécanisme de fragilisation des structures osseuses.

Les symptômes liés aux cancers hématologiques sont vagues : fatigue, transpiration nocturne, amaigrissement, perte d’appétit. « Pour certaines formes, cela peut prendre un an voire un an et demi avant de les déceler. Les formes aiguës - leucémies aiguës et certains lymphomes non hodgkiniens blastiques - évoluent rapidement (en quelques semaines) et exigent un traitement rapide. Les formes chroniques - leucémies chroniques, myélomes - sont moins agressives ; elles peuvent toutefois être meurtrières également.

 

Des traitements puissants et ciblés

Les médicaments que l’on utilise actuellement dans les cancers hématologiques sont plus puissants qu’auparavant, et on dispose également de plusieurs lignes de traitement. « Les patients y répondent généralement bien et vivent plus longtemps, en particulier dans la leucémie chronique, le lymphome et le myélome », précise le Dr Caers.

51 - 04 - Traitements 

Ces traitements de meilleure efficacité, qui permettent une survie plus longue des patients, les autorisent à reprendre une vie normale et leur place dans la société, notamment dans leur milieu professionnel… Milieu qui, lui, n’est pas toujours prêt à cela ! « Et la maladie ne se voit pas forcément à l’extérieur, c’est dur à vivre, nous disent les patients. » Ce constat amer est à l’origine du thème du débat (« La vie après un traitement ») organisé l’après-midi du 28 mai avec des patients. « Comme pour tout cancer, l’annonce du diagnostic bouscule aussi la vie des patients. En plus, ce sont des traitements lourds, des chimiothérapies, des greffes de cellules souches… Qui ont des séquelles non négligeables, comme une fatigue persistante et une plus grande fragilité face aux infections », note Jo Caers. « Il est difficile de retravailler à temps plein, mais certains employeurs ne comprennent pas qu’une adaptation du temps de travail est nécessaire. »

« Les traitements sont également plus ciblés, notamment sur des processus intracellulaires précis, pour bloquer la prolifération tumorale ou induire l’apoptose », poursuit le Dr Caers. « C’est ce qu’on appelle les chimiothérapies intelligentes, car elles vont plutôt cibler la cellule cancéreuse qu’une cellule normale. Le premier traitement ciblé en cancérologie qui a été découvert était le Glivec, un inhibiteur de la tyrosine kinase BCR-ABL, qui a changé complètement le traitement de la leucémie myéloïde chronique. Son succès fut motivation pour trouver des molécules similaires dans d’autres cancers. »

L’immunothérapie, via les anticorps monoclonaux, a aussi sa place dans la lutte contre les cancers du sang. Le rituximab fut à l’origine développé pour les lymphomes non hodgkinien. Entre-temps sont apparus le brentuximab (lymphome de Hodgkin et lymphome anaplasique) et le daratumumab (myélome). « Malgré le panel de molécules et l’investissement en recherche et développement de l’industrie, des résistances apparaissent et il y a des récidives. Nous utilisons encore des très anciennes chimiothérapies, comme dans le traitement de la leucémie aiguë et dans les syndromes myéloproliferatifs, pour lesquels on commence souvent par un traitement par hydroxycarbamide (Hydrea). »

« Pour de nombreux patients souffrant de leucémie aiguë, la greffe de cellules souches reste le seul traitement qui permet une survie à long terme », précise le Dr Caers. Quatre centres peuvent pratiquer de telles greffes en Wallonie et à Bruxelles, dont le CHU de Liège qui est le deuxième centre le plus important de Belgique, avec une centaine de greffes réalisées chaque année (un greffé sur dix est un enfant). Ces greffes exigent beaucoup d’investissement mais, depuis ces cinq dernières années, de nouvelles techniques permettent d’ouvrir le panel de donneurs au-delà de la fratrie HLA-identique du patient ou du registre des donneurs. En effet, « en administrant un agent de chimiothérapie à dose plus élevée 3-4 jours après la greffe, on peut aujourd’hui se permettre des greffes familiales avec des donneurs qui ont seulement 50% de compatibilité HLA avec le patient (ce qui est par exemple toujours le cas entre les parents et leurs enfants) ». Dans le cadre du myélome multiple, l’autogreffe (i.e. greffe des propres cellules souches du patient après administration de hautes doses de chimiothérapie) ne mène pas forcément à la guérison, mais elle permet d’augmenter la réponse aux traitements. »

Enfin, une nouvelle voie s’ouvre grâce à la thérapie génique, avec un premier traitement novateur d’immunothérapie par « CAR-T cells » (antigène CD-19), où des récepteurs sont ajoutés aux lymphocytes T du patient afin qu’ils puissent reconnaître les cellules tumorales et les tuer. « Ce nouveau traitement sera remboursé chez nous dans les prochains mois pour des cas très précis de rechute dans les lymphomes B diffus à grandes cellules. »

 

Message aux médecins traitants

« Face à un patient qui présente des symptômes et/ou des anomalies sanguines, il est utile d’en référer à un hématologue », conseille le Dr Caers. « Nous sommes très peu nombreux - trop peu pour le moment et la prochaine vague de spécialistes n’est attendue que dans cinq à six ans - et il y a donc de longues listes d’attente pour les consultations. Toutefois, le secrétariat d’Hématologie clinique (04/323 82 56) est accessible pour les médecins traitants pour trouver une solution rapide en cas de suspicion de cancer hématologique. »

51 - 05 - Généralistes

Les cancers du sang n’ont pas encore de biomarqueurs connus qui permettent de les révéler dans une simple prise de sang. Des tests particuliers sont nécessaires, notamment via le Laboratoire d’hématologie et le Laboratoire de génétique du CHU avec lesquels le service d’Hématologie collabore de façon étroite. L’hôpital universitaire liégeois est aussi très actif en recherche, notamment via les laboratoires du GIGA. Près d’une vingtaine de chercheurs étudient les cancers hématologiques.

Dans la prise en charge d’une hémopathie maligne, une collaboration étroite avec le médecin traitant est nécessaire, au moment du diagnostic et du choix de la stratégie thérapeutique, lors du traitement pendant lequel le patient est souvent confronté à des effets secondaires inattendus et même pendant le suivi. Nous espérons toujours améliorer notre communication vers les médecins traitants et les impliquer davantage  dans notre prise en charge. Renforcer ce lien avec les médecins traitants est l'un défis stratégiques dans lesquels notre service souhaite s’engager dans les prochaines années.

« Les patients atteints par ces cancers hématologiques peuvent vivre longtemps, entre cinq et dix ans, une survie plus importante que pour certaines tumeurs solides. Mais il y a aussi, souvent, des épisodes de rechute : une personne victime d’un myélome peut devoir subir jusqu’à sept ou huit traitements. Tout ce parcours rend la relation médecin-patient très forte », confie le Dr Caers.