La dermato-allergologie est une spécialité dite "horizontale": un symptôme allergique peut avoir plusieurs causes et une allergie peut atteindre plusieurs organes.

« Lorsque l'on est face à une réaction cutanée, en dehors d'une affection purement dermatologique, la cause peut être médicamenteuse, allergique, ou encore liée à une maladie interne. Il faut donc avoir une connaissance globale de l'état du patient », souligne le Pr Bita Dezfoulian, dermatologue et allergologue. Le patient fait-il de l'asthme, souffre-t-il de rhinite, ou d'allergies alimentaires ? Tous ces domaines doivent être investigués. « Dans un premier temps, on doit effectuer une recherche systémique ; ensuite, on peaufine l'exploration en fonction de symptômes que le patient décrit. On peut établir des diagnostics de médecine interne avec de très petits signes cutanés. On reçoit pas mal de patients en première ligne, on travaille donc conjointement avec les autres spécialités du CHU, certains patients doivent être réorientés vers d'autres services ».

 

Boom allergique

En Europe Occidentale, une personne sur trois est touchée par les allergies et, d'ici quelques années, toutes allergies confondues, approximativement, une personne sur deux devrait être concernée. Pourtant, actuellement, l'allergologie ne fait pas partie, en tant que telle, du cursus des médecins généralistes. « Cela implique qu'il y a parfois des retards de diagnostic. En outre, comme la formation en allergologie n'est pas proposée dans toutes les universités en Belgique, nous manquons de spécialistes et les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous sont énormes. C'est une spécialité qui souffre clairement d'un manque de reconnaissance officielle, alors que le nombre de personnes concernées par les pathologies allergiques ne cesse de croître », regrette le Pr Dezfoulian.

Aux consultations du CHU, que ce soit pour de l'urticaire ou de l'eczéma atopique ou de contact, le nombre de cas est clairement en augmentation. Les causes sont multiples : les modes de vies ont changé, la pollution a augmenté, nous avons plus de contacts avec des substances chimiques multiples, que ce soit avec des produits ménagers ou de soins du corps (multitude de savons, shampoings, crèmes, etc.) et nous consommons plus de produits alimentaires transformés, parfois généreusement dopés en additifs. « L'eczéma atopique et l'allergie alimentaire sont les premiers symptômes qui apparaissent chez l'enfant qui souffre d'allergies. On peut déjà donner des conseils de soins dermatologiques pour contrôler l'eczéma et être attentif aux signes qui indiquent l'apparition d'autres symptômes allergiques. Lorsque l'on trouve l'allergène, l'éviction est un bon moyen d'éviter l'aggravation de l'allergie et son évolution vers un asthme ou une rhinite. La grande difficulté en allergologie, c'est le temps. Il faut souvent recommencer les interrogatoires, les tests et les explications aux patients. »

Des perspectives encourageantes

La recherche a développé des outils très performants depuis une dizaine d'années et les tests sont de plus en plus complets. Au niveau thérapeutique, plusieurs molécules sont à l'étude actuellement et semblent très prometteuses. Au CHU, une étude sur les traitements des urticaires chroniques est actuellement en cours. « L'urticaire comme l'eczéma peuvent altérer de manière importante la qualité de vie des personnes en perturbant le sommeil, l'apprentissage et la concentration jusqu'à provoquer des troubles psychologiques majeurs. Il y a un très mauvais jugement des pathologies cutanées, tant au niveau des soignants que du grand public », rappelle le Pr Dezfoulian. « La plupart des maladies cutanées n'ont pas d'impact aigu sur la santé des personnes, mais elles ont une très grosse influence sur leur qualité de vie vu la chronicité des problèmes. »

Un des espoirs réside dans le développement des molécules biologiques qui ouvrent de belles perspectives. « Ces nouveaux traitements agissent sur les cibles moléculaires ; ils vont, par exemple, cibler un facteur précis de l'inflammation, comme les traitements actuellement utilisés dans le psoriasis, les arthrites et les maladies inflammatoires digestives. Cette technologie pharmacologique extraordinaire est en train de bouleverser la médecine de manière générale et nous faisons partie des spécialités où elle peut apporter des améliorations considérables. »