CHUchotis du jeudi - logo web
 
  le 19 avril 2018

« La musicothérapie, une pratique qui affecte la santé positivement »

EDITO 31 - La musicothérapie, une pratique qui affecte la santé positivement 
 
Pour recevoir nos lettres d'informations,
veuillez vous inscrire via ces liens :
CHUchotis du Jeudi 
CHUchotis Oncologique

 

31 - Bannière Collinet web

La recherche scientifique sur la musique a augmenté de manière significative ces vingt dernières années. Aujourd'hui, des centaines d'études attestent des effets bénéfiques de la musique dans les domaines de la santé et de l'éducation. 

Précurseur, Alain Collinet s’est formé à la musicothérapie en France il y a plus de 25 ans. Collaborateur du Service d’Algologie du CHU de Liège et de l’Université de Liège, il œuvre pour que cette pratique soit dispensée de manière officielle dans nos écoles et universités, à l’instar des nombreux  pays qui sont déjà convaincus de son utilité. « La musicothérapie affecte positivement la santé, l’éducation et la vie sociale. Je crois que la société sortirait plus forte d’une reconnaissance de ses bienfaits car au-delà d’un travail sur soi, c’est une ouverture sur le monde que la musique nous offre ».

 

Qui est Alain Collinet, le mélomane ?

Chez les Collinet, la musique est une histoire qui ne date pas d’hier, en témoignent les violons remontant à la cinquième génération qui trônent au sommet d’une armoire du studiio d’Alain. Ailleurs, la pièce est garnie de ses guitares, synthés, micros, bols tibétains et son bureau à l’étage suit la même logique… un véritable arsenal musical qui lui permet d’exercer son métier de musicothérapeute.

« Nous sommes tous polyinstrumentistes dans la famille. J’adore les instruments à cordes, je n’excelle pas dans ceux à vent même si je sais en jouer…. Dès mon plus jeune âge, j’ai eu la chance de pouvoir jouer de plusieurs instruments dont l’accordeon et le violon chez mes oncles ». À 11 ans, il était sollicité par le responsable musical du Grand Bazar de Liège pour assurer des démonstrations d’orgues. « Celui de l’église sur lequel j’ai fait mes premières gammes est un souvenir marquant de mon enfance ».

La vie professionnelle d’Alain Collinet fut ponctuée de plusieurs activités, parfois menées de front. « Je suis professeur honoraire de biologie et de physique, l’institut spécialisé de Micheroux étant celui où j’ai terminé ma carrière d’enseignant ». Et de préciser que la musicothérapie a une place de choix dans l’enseignement spécialisé. 

31 - Portrait Collinet 1 web

La musique à la source du sensoriel

Né à Ougrée en 1956, Alain Collinet se marie à 23 ans. Lorsqu’un handicap psychomoteur est diagnostiqué chez son deuxième enfant, il pense d’instinct à la musique et se rend dans un centre Tomatis. La technique extrême de ce spécialiste a la réputation de soigner par la musique, de nombreuses cantatrices l’ayant d’ailleurs consulté.

À partir de là, il accompagne sa fille dans une thérapie de 50 séances axées sur  l’écoute de Mozart… en brouillé ! « Mozart a commencé à composer alors qu’il était encore enfant, sa musique a donc une sensibilité enfantine, des choix de tonalités particulières. À l’issue des séances, ma fille disait mieux entendre et participait d’ailleurs mieux aux conversations ; moi-même, j’entendais avec plus de précision mon propre accent. C’est ainsi que je me suis dirigé vers la littérature spécialisée en musicothérapie. »

De fil en aiguille, il rencontre Gérard Ducourneau, musicothérapeute et éditeur des Editions du Non-verbal. À son contact, il se forme à la musicothérapie en France (où la discipline est officiellement reconnue) et applique directement les compétences acquises au bénéfice de sa fille. « La suite de ma vie professionnelle est clairement la conséquence directe de l’état de santé de ma fille. À ce stade, je n’ai pas découvert la musique, je l’ai utilisée pour pallier un un déficit essentiel.

Il décide alors de passer par le Conservatoire de Musique de Huy où il obtient le prix d’Excellence et à la Sabam (Société Belge des Auteurs, Compositeurs et Editeurs) à Bruxelles où il réussit l’examen de composition (il a créé plus de 60 œuvres musicales depuis lors). « Puisque la musicothérapie n’était pas reconnue en Belgique, il me fallait acquérir une reconnaissance officielle et mettre tous les atouts de mon côté ».

 

La musique s’est révélée à moi comme un instrument puissant d’aide au developpement

« Au-delà de mon expérience personnelle, j’ai compris que la musique pouvait aider les personnes dans de nombreux domaines ». Partout où sa fille se rendait pour sa scolarité, les enfants qu’elle côtoyait étaient entraînés dans son sillage thérapeutique. Puis les parents ont aussi commencé à percevoir les bénéfices et à s’y interesser personnellement.

Aujourd’hui, cette discipline a le vent en poupe. « Depuis l’obtention de mon certificat à Bordeaux, j’ai publié plusieurs brochures, été formateur pour l’Union des Villes et des Communes en Belgique et le Centre de Formation d’Enseignement Supérieur de la Province de Liège (Forma+) m’a engagé l’an dernier pour créer une postformation en musicothérapie à destination de professionnels issus de secteurs spécifiques (la psychologie, la logopédie, les sciences de l’éducation, etc). Limitée à 15 places, elle est l’objet d’une forte demande émanant parfois de pays limitrophes. Enfin, je suis aussi professeur invité en France (A.M.Bx – Bordeaux).»

Par ailleurs, Alain Collinet est actuellement collaborateur officiel de l’Université de Liège et collaborateur local du GIGA pour le Centre d'Etude de l'Hypnose et de la Douleur dont l’objectif est d’améliorer la prise en charge des patients souffrant de douleurs chroniques et de douleurs liées à des pathologies telles que le cancer. La recherche constante d’une approche de prise en charge globale des patients amène le Centre à évaluer des outils novateurs, à l’instar des techniques de musicothérapie.

En outre, il estest membre de la Fédération Française de Musicothérapie et membre de la British Association for Music Therapy. 

 

Qu’est-ce que la musicothérapie ?

Le Dr Stéphane Guétin, fondateur de la société de Recherche et Développement MUSIC CARE définit la musicothérapie comme une méthode de prise en charge de la douleur ; elle agit par une action physiologique, influençant directement les paramètres respiratoires, cardiaques, et hémodynamiques mais aussi psychologiques, créant une relation de soutien, d’accompagnement et d’écoute de la personne.

31 - Littérature musico web

Son application dans le milieu médical requiert un travail pluridisciplinaire. À titre d’exemple, de nombreux spécialistes considèrent la musique comme un levier indédit pour faciliter la prise en charge de patients atteints de la maladie de Parkinson. De manière plus générale, des études récentes démontrent les effets bénéfiques de la musicothérapie sur la production de neurotransmetteurs (dopamine-sérotonine) mais aussi sur la plasticité cérébrale de patients nécessitant une revalidation. 

 

Une collaboration providentielle avec le Pr. Marie-Elisabeth Faymonville

Dans le cadre d’une rééducation physique ou d’une revalidation, la musicothérapie est tout à fait indiquée. « Mais les médecins n’ont toujours pas l’information nécessaire à sa compréhension. Ce n’est pas le cas du Pr. M-E Faymonville qui pratique l’hypnose et qui m’a sollicité à titre expérimental pour complèter sa technique par la musique ». La parole est naturellement ponctuée de pauses. L’idée est d’y introduire la musique pour bloquer les pensées intrusives chez les patients bercés par la voix hypnotique. Elle entraine aussi un rythme plus lent qui amène toute la résonnance des paramètres du corps vers une plus grande détente.

Personnalité mondialement reconnue, le Pr. Faymonville dirige le Centre de la douleur et participe activement à l’équipe mobile de soins palliatifs du CHU de Liège. « Nos techniques convergent dans le même sens : permettre au patient de participer à son parcours de santé ». De sorte que l’application des compositions musicales d’Alain aux techniques d’hypnose proposées en oncologie, en douleurs chroniques, et d’autres pathologies chroniques contribue à l’autonomisation et à la valorisation du patient qui est amené à utiliser ses propres compétences, à optimaliser ses ressources. Cela tend à démontrer que la solution à des problèmes chroniques ne vient pas systématiquement de l’extérieur. « L’hypnose est une capacité innée, un talent que l’individu possède. Mais il faut l’activer pour en ressentir les effets ». 

Il est rapidement apparu que la musique pouvait offrir une aide supplémentaire au patient en créant une atmosphère particulière adaptée aux métaphores verbales de l'hypnose et au tempo des phrases. « Nous avons alors créé un CD pour faciliter l’examen IRM des patients claustrophobes : mélange de musique et de mots, il leur apporte un confort considérable ». 

 

31 - CD web

« J’ai toujours été fasciné par le cerveau et le problème de ma fille a boosté mon envie d’apprendre, de sorte que je n’ai jamais cessé de me former. Ma collaboration avec le Pr. Faymonville s’inscrit dans cette dynamique ».

S’il collabore avec des services particuliers, Alain Collinet reçoit en privé et n’a jamais de contact direct avec les patients au sein de l’institution hospitalière. « Il n’y a rien de prévu actuellement au CHU et je pense que cela tient au fait que la musicothérapie n’est pas encore une pratique officielle en Belgique. C’est en train d’émerger mais c’est un processus qui prend du temps, tant au niveau structurel qu’en termes de mentalités ».

 « Je travaille principalement avec des enfants porteurs d’un handicap sensoriel, atteints d’autisme et avec des adultes angoissés dans l’optique de réduire la sensation de peur anticipée. Il y a aussi les cas d’individus accidentés atteints de problèmes de motricité fine (cas d’aphasie) ». À ce titre, Alain travaille souvent de concert avec les logopèdes. 

 

Techniques réceptives VS techniques actives

La musicothérapie est réceptive lorsqu'elle est fondée sur l'écoute, faisant appel à une association libre et une élaboration psychique. Elle s’appuie aussi sur les effets psychoaffectifs et psychophysiologiques de la musique, mis en évidence actuellement par les travaux en neuropsychologie et neurobiologie. 

Parmi les tecnhiques d’écoute les plus fréquemment utilisées en musicothérapie, on re trouve la détente psychomusicale (écoute passive de la musique qui agit suivant un rythme freiné) ; la relaxation (musique lente et constante) ; l’imagerie musicale (suggestions d’images par la musique et entretien avec le musicothérapeute) etc. S’ajoutent certaines techniques « combinées » avec notamment le training autogène de Schultz (autohypnose facilitée par la musique).

La musicothérapie est active lorsqu'elle privilégie la production sonore et musicale, l’improvisation, la créativité. Les techniques dites actives utilisent les instruments et l’ensemble du non-verbal (intonation, gestes, mouvements, sons etc.). L’expression de l’intériorité passe aussi par la voix. « Je me souviens d’une dame qui suivait des séances de musicothérapie en hôpital psychiatrique. À sa sortie, elle voulait chanter en l’honneur de ses  amies internées et cela libérait systématiquement une émotion ». On saisit la dimension psychologique liée à l’acte physique.

« Bien que le CHU continue de me contacter pour divers travaux, je suis arrivé à l’âge de la transmission. Travailler au contact des enfants est extrêmement enrichissant mais cela réclame beaucoup d’énergie. J’ai donc décidé de ne plus accepter de nouveaux patients et de mettre en place des formations de manière plus structurée ».

L’application de la musicothérapie dans le domaine psycho-pédagogique consiste en une rééducation dans les apprentissages. Cela signifie que la musique vient réinstaller les prédicteurs dans la conscience phonologique, à savoir le rythme et le son. Sans prédicteur, il n’y a ni lecture, ni écriture. « La musicothérapie peut alors contribuer à la rééducation des enfants atteints de troubles de l’apprentissage ainsi qu’au développement intellectuel, social et émotionnel de ceux-ci ».

Le volet psychologique de la musicothérapie s’applique à soulager la souffrance psychique et psychosomatique, à relever l’estime de soi,  à stabiliser l’humeur, à gérér les troubles post-traumatiques.  La musique est un moyen d’évacuer cette souffrance, par exemple lors de l’élaboration d’un projet artistique. Les effets les plus marquants sont ceux engendrés dans les exercices de groupe. « Pendant 17 ans, j’ai animé des groupes de jeunes adolescents porteurs d’un handicap physique et de malades chroniques non-contagieux souffrant d’une diminution de la qualité de vie. 

 

Quel message adressez-vous aux médecins généralistes ?

Dans l’évolution humaine, le cerveau et la musique ont toujours avancé en connivence : la musique nécessite d’avoir un cerveau pour transmettre à notre système sensoriel les sons à décoder. C’est la raison pour laquelle le développement des civilisations s’est accompagné d’une sophistication de la musique.

Aujourd’hui, on se rend compte qu’elle devient un outil appréciable dans le traitement de la douleur chronique et de nombreux autres troubles. L'un des succès les plus remarquables de la musicothérapie est son impact sur la vie des patients atteints de la maladie d'Alzheimer.

31 - Piano web

« La musique  possède un aspect ludique très positif mais au-delà de ça, son potentiel est énorme: de nombreuses recherches la présentent comme une aide alternative là où les mots et les médicaments n’opèrent plus assez efficacement : les paramètres de la musique influent sur les paramètres corporels. En prime, c’est une formule relativement économique de par le nombre limité de séances et la réduction subséquente de médicaments.

« Aujourd’hui la musicothérapie est enseignée dans de nombreuses universités étrangères. Des centaines d’études scientifiques objectivent la musicothérapie pour ses effets sur l’humeur, l’anxiété, la douleur, la qualité de vie des personnes souffrant de schizophrénie et d’autisme, les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, les troubles d’apprentissage et bien d’autres. C’est par la diffusion de l’information que bon nombre de patients pourront trouver un autre type de soulagement tout à fait adapté à notre l’époque. 

 

L’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie au CHU de Liège 

Ce vendredi 20 avril, le CHU de Liège et l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie s’associent pour créer MUSICALOPITAL, un concert classique célébrant les 30 ans du Télévie et les 60 ans de l’ORCW. L’événement qui prendra place à 11h00 dans la grande verrière du Sart-Tilman sera retransmis en direct sur la plate-forme de streaming de RTL et dans toutes les chambres de l’hôpital pour offrir aux patients un accès libre à la musique classique.

 31 - Musicalopital web copie

Les formations en musicothérapie dispensées à Liège 

 

Sites web d’Alain Collinet