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CHUchotis du jeudi
Journée des maladies rares au CHU de Liège, Clap 2e !

« On estime que 6 à 8% de la population est touchée par une maladie rare », explique le Pr. Vincent Bours, chef du service de génétique humaine et responsable du centre des maladies rares du CHU de Liège. « Cela représente donc potentiellement entre 700 000 et 800 000 personnes en Belgique. Certaines pathologies n’ont aucun cas recensé chez nous jusqu’à présent; d’autres, comme la mucoviscidose, concernent plusieurs centaines de patients. La prise en charge des malades est souvent exceptionnelle, voire quasi sur-mesure dans certains cas. » D’où l’intérêt d’y consacrer une journée annuelle. Ce sera mercredi prochain, le 27 février, dans la Verrière du Sart Tilman et à l’Amphithéâtre Léon Fredericq (cf. plus bas).

Qui êtes-vous, Pr. Vincent Bours ?

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Professeur ordinaire à l'ULiège, Vincent Bours est liégeois, marié et papa de cinq enfants. Responsable du centre des maladies rares au CHU de Liège, Vincent Bours a eu un long parcours en hémato-oncologie, en recherche au NIH de Bethesda (USA) entre 1989 et 1992, puis en clinique au CHU de Liège avec les professeurs G. Fillet et G. Jerusalem. Actuellement chef du département de Génétique humaine au CHU de Liège, il est également professeur à l’Université de Liège et vice-président du Comité de pilotage du Fonds national des maladies rares et des médicaments orphelins pour la Belgique. Son principal intérêt clinique et de recherche est la génétique du cancer et les syndromes du cancer. Il est l'auteur ou le contributeur de plus de 300 publications scientifiques.

→ Les publications scientifiques du Pr. Vincent BOURS

Qui êtes-vous, Sylvie Taziaux ?

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Sylvie Taziaux, 29 ans, est diplômée de la Haute Ecole de la Province de Liège (Barbou) comme technologue de laboratoire médical, option cytologie. Elle travaille au CHU et à l’ULiège depuis 2013, d'abord pour un premier poste dans le laboratoire de routine de neuropathologie (département d'anatomopathologie) comme technologue de laboratoire, puis pour un second poste, de février à mars 2017, dans le laboratoire de recherche de pathologie expérimentale (GIGA Cancer - ULiège), également en tant que technologue de laboratoire. Parallèlement, elle est aussi titulaire d'un master en sciences de la santé publique, option épidémiologie et économie de la santé (mémoire sur l'activité physique des étudiants de l'ULiège) qui lui permet d’occuper actuellement un poste de gestionnaire de projet au sein du service de génétique humaine. En effet, depuis mars 2017, Sylvie Taziaux est en charge du projet maladies rares dans sa globalité. Liégeoise, elle habite à Trooz. Elle est mariée et attend un heureux événement (des jumeaux). 

→ Les publications scientifiques de Sylvie Taziaux

Qu’est-ce que le centre d’expertise « maladies rares » ?

C’est le nom officiel des centres de référence dédiés aux pathologies rares, créés (Arrêté Royal du 25 avril 2014) dans le giron des sept hôpitaux universitaires du pays. Soit l’ULiège, l’UCLouvain et Erasme pour l’agrément côté francophone. Chaque centre constitue une ‘porte d’entrée’ vers la meilleure prise en charge possible pour les patients - qu’ils soient déjà diagnostiqués ou avec une suspicion de maladie rare (MR) -, grâce à un réseautage national et international d’experts issus de diverses disciplines médicales.

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Sylvie Taziaux est la « coordinatrice maladies rares » du centre du CHU de Liège. Elle reçoit les demandes de patients, avec ou sans diagnostic, qu’elle oriente et réfère après discussion avec les différents médecins spécialistes impliqués (neurologues, infectiologues, cardiologues, rhumatologues, néphrologues, généticiens, etc.). Le centre d’expertise liégeois reçoit aussi de nombreuses demandes de patients des provinces de Namur et du Luxembourg, ainsi que de Français frontaliers. Un projet ‘Euregio Meuse-Rhin’, baptisé « EMRaDi », est actuellement mis en place.

Faute de financement fédéral jusqu’il y a peu, le centre MR n’est pas (encore) un service concret. Il est pour le moment adossé au département de génétique humaine, et fonctionne avant tout comme un réseau. « La France, elle, en est à son 3e plan quinquennal « maladies rares »; les structures sont très organisées et définies. Mais le territoire et le contexte politique sont aussi très différents », remarque Sylvie Taziaux. La Belgique n’est pas pionnière et son Plan ‘MR’ traîne, mais « vu que notre pays est petit et vu l’accessibilité médicale chez nous, nos patients ne sont pas mal pris en charge », précise le Pr. Bours.

Comment référer un patient?

Poser le bon diagnostic face à un syndrome rare requiert en moyenne deux mois à deux ans. Mais certains patients ont parfois un parcours du combattant long de vingt ans, quand leur anamnèse est complexe; ils sont renvoyés de médecin en médecin avant que l’un n’arrive enfin à mettre le doigt sur le mal dont ils souffrent.

« Un des objectifs prioritaires du Plan MR est d’abaisser ce délai d’attente du diagnostic », note le Pr. Bours. « D’un point de vue génétique, il s’est déjà beaucoup amélioré grâce aux technologies. Nous avons de récents exemples au CHU de Liège où le diagnostic a été très rapide. Ainsi, concernant un petit garçon dont le cas est unique en Belgique: son médecin a beaucoup fouillé et n’a mis que quelques mois pour trouver. C’est vraiment positif pour une maladie aussi rare, qui ne compte que quelques dizaines de patients dans le monde. »

Trois-quarts des MR sont d’origine génétique. La même proportion présente des manifestations pédiatriques. Mais 25% ne sont donc pas visibles avant l’âge adulte… « Nous avons le cas d’une jeune femme qui est arrivée à nous via l’Hématologie, pour un problème a priori banal dans sa prise de sang », poursuit Vincent Bours. « L’analyse génétique réalisée à Leuven a révélé une maladie métabolique rare, avec des répercussions sur plusieurs organes. Ce diagnostic précoce, avant la manifestation de symptômes, n’aurait pas été possible il y a cinq ans. »

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Les patients arrivent au centre de référence via leur généraliste, un médecin spécialiste, ou le plus souvent d’eux-mêmes suite à un coup de fil spontané à la coordinatrice Sylvie Taziaux : « Certains ont déjà leur diagnostic et nous téléphonent pour avoir les coordonnées d’un nouveau spécialiste suite à un déménagement, par exemple. D’autres patients sont dans l’attente d’un diagnostic depuis longtemps, ce qui est le cas la plupart du temps. D’autres encore souhaitent un deuxième voire troisième avis».

Toutes les spécialités médicales sont potentiellement concernées par les pathologies rares, de l’ophtalmologie à la neurologie, en passant par la sphère ORL, les troubles du sommeil… Le professeur Bours intervient surtout quand la génétique s’en mêle, pour établir le diagnostic et orienter la prise en charge.

« Les tests génétiques sont faits chez nous, en interne, mais aussi à l’extérieur, grâce à des échanges avec d’autres centres via notre réseautage en Belgique et à l’étranger, que ce soit chez nos voisins directs comme l’Allemagne et les Pays-Bas ou, plus rarement, hors Europe. Selon la complexité des analyses, le retour des résultats prend six mois à un an. » Le CHU de Liège assure la recherche des MR les plus fréquentes mais chaque centre d’expertise, chaque pays, a ses ‘spécialités’. Liège est réputée pour son expertise dans les maladies endocriniennes rares, les cancers rares, ainsi que dans certaines maladies précises comme l’échinococcose. Les patients n’ont généralement pas à se déplacer d’un centre à l’autre: au 21e siècle, leurs échantillons sanguins voyagent pour eux.

Au niveau financier, l’enveloppe INAMI du Plan maladies rares couvre une partie des frais de recherche génétique, mais le reste est à charge des hôpitaux universitaires.

Une prise en charge complexe et multidisciplinaire

Le diagnostic, on l’a compris, peut encore se faire attendre, même en 2019… Mais pendant ce temps, les symptômes peuvent déjà être pris en charge pour soulager les patients. « Nous référons les patients en fonction de leurs manifestations cliniques », précise Sylvie Taziaux. Ces signes sont autant de pistes de recherche pour trouver la maladie. Mais il y en a tellement qu’il faut constamment se tenir informé, chercher, revoir ses connaissances médicales…

« Quand les résultats reviennent enfin, il faut expliquer le protocole au patient, l’informer des conséquences de sa maladie, lui dire comment et où se faire suivre et traiter », détaille Vincent Bours. « Les consultations en MR sont longues, elles durent généralement entre trois-quarts d’heure et une heure. Et souvent, on voit les patients plusieurs fois. Nous devons aussi voir toute la famille ou la fratrie si d’autres membres sont à risque. Dans ce cas, le diagnostic est posé plus rapidement puisqu’on sait exactement ce qu’on cherche. »

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Se pose aussi la question du diagnostic prénatal; le centre de référence peut donner des conseils pré-conceptionnels en cas de maladie potentiellement héréditaire. « Même avec une maladie génétique rare, on peut avoir un enfant aujourd’hui, notamment grâce au diagnostic pré-implantatoire. »

La prise en charge des patients est pluridisciplinaire, avec une équipe comprenant de la kinésithérapie, de la diététique, l’assistance sociale… Certaines maladies (mucoviscidose, maladies métaboliques et neuromusculaires, hémophilie) disposent de centres qui leur sont spécifiquement consacrés selon des critères définis par l’INAMI. La prise en charge des autres pathologies est hélas moins formellement organisée. La prise en charge des maladies rares, qui touche plusieurs organes en même temps, nécessite l’intervention coordonnée de plusieurs disciplines tout en gardant une indispensable vue d’ensemble sur le patient: une étroite collaboration entre le médecin généraliste et le centre de référence MR a donc toute son importance», ajoute le généticien.

Une proportion importante de ces maladies n’a pas de traitement, si ce ne sont des soins de support, puis palliatifs. « Beaucoup de maladies rares sont orphelines, notamment dans les pathologies neurodégénératives. Et il n’y a pas d’essais cliniques ; ne connaissant pas la cause, on ne sait pas où chercher… »

Il n’est pas rare que le centre suive des enfants dont l’espérance de vie ne dépasse pas cinq ans, dix ans… Des psychologues du service de génétique accompagnent les familles, parfois jusqu’à bien après le décès, si, par exemple, survient le désir d’un second enfant, pour mesurer son risque de présenter la même pathologie.

Un registre central des maladies rares est en cours d’élaboration via les différents centres belges de génétique qui encodent leurs patients, mais il n’existe pas, à ce jour, de ‘banque européenne’, ni même de recensement du nombre de patients au niveau européen. Chaque pays a son propre registre. Au CHU, Sylvie Taziaux a mis en place un relevé du code et du nom de la maladie rare, transversal à tous les services médicaux, dans le dossier médical du patient, qui permettra d’obtenir un registre propre à l’hôpital universitaire liégeois.

En attendant, c’est souvent par les réseaux sociaux que les patients peuvent se (re)trouver pour échanger des informations et se soutenir mutuellement. « En ça, les réseaux sociaux ont un côté positif, il faut le reconnaître », souligne le Pr. Bours.

La Journée des Maladies Rares au CHU

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www.chuliege.be/maladiesrares2019

A l'occasion de la Journée internationale dédiée aux maladies rares qui se déroule le 28 février, le CHU organise une journée d'information pour les professionnels, les patients et le public le mercredi 27 février, de 9 à 17 heures, dans la Verrière de l'hôpital au Sart Tilman.

Au programme, des rencontres avec des associations de patients, des asbl et des professionnels de la santé, deux visites (à 11h et à 15h) des laboratoires du service de génétique humaine et la possibilité de remporter de nombreux lots.

Deux conférences sont également organisées (rendez-vous est donné à l’amphithéâtre Léon Fredericq, Route 665, B34 au +5).

Inscription obligatoire pour les activités: par e-mail à maladierare@chuliege.be ou au 04/323.79.99 (Sylvie Taziaux). NB: des points d’accréditation en Médecine interne pour la conférence médicale, et en Ethique et économie pour le conférence de 17h, sont en demande à l’INAMI.

Message aux médecins généralistes

« Nous sommes encore régulièrement confrontés à des patients qui ne bénéficient que de traitements symptomatiques. A l’heure actuelle, on ne peut plus passer devant des symptômes sans se demander s’il n’y a pas quelque chose derrière, une cause précise… Une démarche diagnostique complète doit être réalisée chez ces patients pour comprendre l’origine des symptômes, mettre un nom sur l’éventuelle maladie sous-jacente et/ou expliquer les anomalies biologiques », insiste le Pr. Bours. « A contrario, nous voyons aussi des médecins qui ne lâchent rien et trouvent eux-mêmes des choses qui sont pourtant hyper rares », nuance Vincent Bours.

« Sans diagnostic, on ne sait pas comment la maladie va évoluer… Poser le diagnostic permet d’instaurer un traitement de fond quand il en existe, de dispenser des conseils adaptés. Se confronter avec ce que d’autres savent permet aussi d’éviter de tourner en rond. Plusieurs de nos patients ont d’abord été catalogués ‘psy’, à défaut d’avoir pu mettre un diagnostic sur leurs symptômes, qui restent vagues… Or, tous les symptômes bâtards ne sont pas forcément psychosomatiques ».

Une prise en charge adéquate, la plus précoce possible, permet en effet souvent d’améliorer le pronostic et la qualité de vie des patients.

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D’autre part, les patients atteints de maladies rares nécessitent qu’un acteur central – et le médecin généraliste est le plus indiqué pour ce rôle- coordonne véritablement la prise en charge, très multidisciplinaire et multifactorielle de ces patients. Une des critiques qui peut être adressée aux centres spécialisés de prise en charge d’une pathologie (ex : centre muco) est justement qu’ils soustraient les patients au suivi par le médecin généraliste. C’est un des éléments sur lesquels nous devons travailler à l’avenir afin de promouvoir la collaboration et assurer la continuité des soins.

Nos confrères généralistes peuvent contacter Madame Sylvie Taziaux au 04 323 36 40 qui fera l’intermédiaire pour un avis particulier et/ou une prise de rendez-vous. L’inscription du patient sur le RSW reste également une grande plus-value pour la prise en charge pluridisciplinaire et interlignes de soins de ces patients.


A lire

→ L'édito de Pierre Gillet, directeur médical