L’épidémie de grippe officiellement déclarée, piqûre de rappel des bonnes pratiques

 

« Les médecins vigies ont récolté 18 échantillons respiratoires lors de la semaine 5, dont 72% étaient positifs pour la grippe. Ce sont principalement des virus de type influenza A qui circulent, avec une prédominance des virus influenza A(H3N2) », précise le Centre National de Référence de la grippe.

Fièvre thermomètre 

A ce stade précoce de l’épidémie, on observe une augmentation du nombre d’hospitalisations, mais pas de signes de sévérité accrue et les complications sévères restent limitées.

L’épidémie de grippe dure en moyenne 12 semaines, avec un pic qui se marque généralement à six semaines, puis une descente progressive du nombre de consultations, jusqu’à se tarir début avril.

Les bulletins hebdomadaires du suivi de la saison grippale en cours en Belgique sont à lire ici. Au niveau européen, c'est ici.

 

Qui êtes-vous, Dr Christelle Meuris?

Diplômée de Médecine de l’UCLouvain promotion 2001, Christelle Meuris fait sa spécialisation en Infectiologie à l’UCL et à Erasme. Elle rejoint le service des Maladies infectieuses du CHU de Liège en 2007, sous la supervision du Pr. Moutschen. De 2013 à janvier dernier, le Dr Meuris assure aussi la fonction de Médecin hygiéniste de l’hôpital universitaire liégeois. Parallèlement, elle préside la Plateforme régionale d’hygiène hospitalière.

En tant qu’infectiologue-hygiéniste, elle s’intéresse tout particulièrement à la grippe, à la lutte contre sa transmission en milieu hospitalier notamment via la vaccination du personnel soignant, aux campagnes d’hygiène des mains, ainsi qu’à tout ce qui touche au VIH.

Mariée, maman d’un jeune garçon de 6 ans, le Dr Christelle Meuris habite à Liège.

 

Christelle Meuris 

L’épidémie de grippe, ce rendez-vous annuel

« Chaque année, entre la fin du mois de novembre et début janvier, on sait qu’on assiste à une augmentation progressive des infections virales au sein de la population, hausse caractérisée par des syndromes de type grippal: début abrupt, fièvre qui peut être forte selon les individus, sensation d’abattement généralisé, catarrhe et autres symptômes de la sphère ORL et, parfois, des douleurs abdominales et des plaintes digestives», rappelle la spécialiste.

La grippe se transmet par l’air via des gouttelettes infectieuses. Les personnes grippées sont contagieuses 48h avant l’apparition des symptômes, et le restent jusqu’à 5 à 7 jours après. Le temps d’incubation varie d’une demi-journée à un jour et demi.

La grippe, on le sait, est due à des virus de la famille ‘Influenzae’, « de type A et B, avec tous leurs sous-types possibles et évolutifs », poursuit le Dr Meuris. « Ces dernières années, on voit principalement des souches A(H1N1) et A(H3N2), ainsi que des souches de type B, de type Yamagata. Ce sont ces souches que l’on retrouve d’ailleurs dans les vaccins quadrivalents administrés durant la saison 2018-2019.

Femme mouche mouchoir grippe Les vaccins anti-grippaux utilisés cet hiver sont tous des quadrivalents inactivés, comportant tous des antigènes contre les deux souches les plus courantes de type A, et des composants contre deux souches de type B en circulation: B/Victoria/2/87 et B/Yamagata/16/88. Plus précisément, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et l’EMA (Agence européenne du médicament) ont recommandé cette année:

Une souche analogue à A/Michigan/45/2015 (H1N1) pdm09

+ Une souche analogue à A/Singapore/INFIMH-16-0019/2016 (H3N2)

+ Une souche analogue à B/Colorado/06/2017 (lignée B/Victoria/2/87)

+ Une souche analogue à B/Phuket/3073/2013 (lignée B/Yamagata/16/88)

 

Le vaccin de cette année « matche-t-il » bien ?

« Il semble - mais nous avons évidemment encore très peu de recul - que le sous-type A(H1N1) utilisé dans le vaccin pour cette saison présente une bonne concordance avec les virus en circulation parmi la population », continue l’infectiologue. « On sait toutefois que ce n’est pas toujours le cas avec A(H3N2); ce pourrait être le cas cette année, avec un vaccin un peu moins efficace face à ce virus-là. »

Il n'existe aucune protection croisée entre les deux souches de type A et, avec le temps, on observe une diminution de celle existant entre les lignées B. L’an dernier, une « inadéquation » - soit une moins bonne concordance entre couverture vaccinale et virus circulants observés sur le terrain - avait été observée avec les vaccins trivalents, pour lesquels seule une des lignées B était choisie.

Vaccination grippe Christelle Meuris

« Le rapport d’analyse de l’épidémie de grippe de l’an dernier (2017-2018), qui vient juste de sortir, montre que le virus A(H3N2) évolue très rapidement, avec l’émergence de ‘clusters’, et qu’il s’éloigne plus facilement de la base vaccinale. D’où la difficulté d’arriver à bien « matcher ». C’est ainsi qu’on peut avoir une efficacité du vaccin qui grimpe à 97% pour H1N1, et à seulement 20% pour H3N2… Mais il est de toute façon trop tôt dans la saison pour déjà tirer des conclusions. Surtout que l’épidémie débute un peu plus tard, cette année. »

Le dernier rapport disponible de l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) a détecté jusqu’ici 97,7% de grippes A (majoritairement des H1N1/pdm09) pour 2,3% de B (à 64% des souches Yamagata).

L’antigène de surface H, pour hémagglutinine, ne comporte pas moins de 16 sous-types de glycoprotéine différents connus à ce jour. N, pour neuraminidase, a au moins 9 lignées connues, dont N1 et N2 sont pathogènes pour l’homme.

 

De l’importance de veiller aux publics à risque

La plus ou moins bonne concordance entre le "cocktail" prévu dans le vaccin censé nous protéger et la réalité du terrain fait que certaines personnes, bien que vaccinées, présentent quand même un syndrome grippal qui tient souvent plus de la « grippette » que de la vraie grippe qui, elle, cloue au lit jusqu’à une semaine.

Personne à risque viellle femme grippe

« Chez la femme enceinte, le virus de la grippe n’est pas tératogène mais à risque de complications pour la santé maternelle », explique le Dr Meuris, « et ce risque grandit au fur et à mesure de l’avancée de la grossesse en période épidémique. Chez les autres patients à risque, les complications sont principalement d’ordre pulmonaire, comme un syndrome de détresse respiratoire aigu, ou une pneumonie bactérienne dans un second temps. Les patients qui souffrent de BPCO ont un risque de décompensation aiguë, qui peut nécessiter une assistance ventilatoire. »

 

Quel traitement face à une "vraie grippe"?

La grippe étant d’origine virale, son traitement en première intention est uniquement symptomatique, et ne passe certainement pas par la prescription d'antibiotiques (www.usagecorrectantibiotique.be).

« On va soulager les symptômes avec du paracétamol, éventuellement des anti-inflammatoires (AINS) chez les patients dont les antécédents le permettent, un lavage régulier des fosses nasales au sérum physiologique ou avec un spray à l’eau de mer, un sirop pour la toux, etc. », rappelle l’infectiologue.

Les antiviraux de type oseltamivir (Tamiflu®) existent toujours, mais ils ne sont utilisés que dans de rares cas, dans les formes graves de la grippe, endéans les 48 heures des premiers symptômes, et plutôt en milieu hospitalier qu’en ambulatoire. « Il faut que la grippe soit d’abord avérée par un prélèvement, et on ne les utilise que dans des cas précis. On les réserve car on sait qu’il y a un risque de résistance à ces molécules. » Molécules qui seraient bien utiles si une pandémie menaçait un jour, autant les préserver…

Alitée grippe fièvre

« Les antibiotiques n’interviennent que dans une minorité de cas, uniquement lorsqu’apparaissent des complications surinfectieuses: si le patient continue à présenter de la fièvre en plateau, ou si son état se dégrade subitement après plusieurs jours. Il peut y avoir une infection bactérienne due à un pneumocoque, un Haemophilus influenzae, un staphylocoque… La grippe fragilise les défenses immunitaires locales et l’on devient plus susceptible de développer autre chose. Cette surinfection doit être recherchée avant de donner une antibiothérapie. »

Un diagnostic formel de la grippe s’obtient par prélèvement nasopharyngé, soit par frottis, soit par aspiration. Deux tests sont possibles, antigénique ou par PCR (40€ à charge du patient à réserver uniquement aux patients à risque de complications).

Pour rappel, la vraie grippe dure 5 à 7 jours. Elle provoque souvent une hyper-réactivité bronchique qui entraîne une toux latente jusqu’à trois semaines après la grippe: « c’est une inflammation locale du tractus respiratoire, qui peut aussi survenir suite à d’autres viroses. Des aérosols peuvent aider », conseille Christelle Meuris.

 

Message aux médecins généralistes

« La grippe et les syndromes grippaux ne se traitent QUE par des traitements symptomatiques, les antibiotiques sont réservés aux complications bactériennes. Le patient doit être envoyé vers l’hôpital si son état se dégrade, en fonction des signes cliniques, en particulier chez les malades chroniques pulmonaires comme les BPCO. Pour les bébés et les petits enfants, en-dehors des Urgences, il existe une consultation sans rendez-vous, en matinée, sur le site du CHU Notre-Dame des Bruyères. »

Le message le plus important à garder à l’esprit (pour l’automne prochain) est de vacciner au maximum les groupes à risque: « Si l’on pouvait déjà se concentrer sur ces populations-là, on pourrait faire baisser la surmortalité liée à la grippe », conclut la spécialiste.

Les groupes à risque sont, selon les dernières recommandations du Conseil supérieur de la Santé (CSS):

  • Toutes les femmes enceintes, quel que soit le stade de grossesse;
  • Tout patient (à partir de 6 mois) souffrant d’une affection chronique d’origine pulmonaire (incluant l’asthme sévère), cardiaque (sauf l’hypertension), hépatique, rénale, métabolique (incluant le diabète), un IMC > 35, neuro-musculaire ou des troubles immunitaires;
  • Toute personne de 65 ans et plus;
  • Les personnes vivant sous le même toit que des personnes à risque et/ou des enfants de moins de 6 mois;
  • Les personnes en institution et le personnel du secteur de la santé;
  • Il faut envisager de vacciner toutes les personnes de 50 à 64 ans compris même si elles ne souffrent pas d'une pathologie à risque, car il existe une chance sur trois qu’elles présentent au moins un facteur augmentant le risque de complications, risque d’autant plus présent chez les fumeurs, les alcooliques et les personnes obèses.  

 

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