Le CHU de Liège, précurseur en matière d’accès du patient à ses données médicales

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Le CHU de Liège, précurseur en matière d’accès du patient à ses données médicales 

C’est une petite révolution mais elle était annoncée depuis …2002, année d’adoption de la loi relative aux droits du patient. Le CHU de Liège permet dès à présent à ses patients d’accéder à leur dossier médical par internet via le Réseau Santé Wallon (RSW). Cet accès à l’information, totalement sécurisé sur base du recours à la carte d’identité, implique que les médecins communiquent dans un langage compréhensible pour les patients. Le Directeur médical du CHU de Liège, le Pr Pierre Gillet, et le Directeur du Service des Applications Informatiques en charge pour le CHU du RSW, Mr Yves Jacquemart, vous présentent ce nouvel outil qui va changer vos vies. Il s’agit d’une révolution « win –win » à quatre niveaux : elle est en effet profitable aux patients, à leur médecin traitant, au bon fonctionnement du CHU de Liège et aux dépenses de santé.  Explications et mode d’emploi.

Base juridique et évolution technologique


Logo RSW webL’accès du patient aux informations médicales qui le concernent est un des neuf droits qui se retrouvent dans la loi
du 22/8/2002 relative aux droits du patient. Celle-ci prévoit qu’un patient peut avoir, à sa demande, un droit de consultation de son dossier. Elle prévoit également les obligations du médecin de communiquer dans un langage intelligible, de ne pas communiquer des informations dangereuses pour le patient, de ne pas donner accès à des notes personnelles, de ne pas communiquer s’il y a évidence de pressions d’un assureur/employeur et de ne pas donner accès si ce n’est pas dans l’intérêt du patient.

Jusqu’à aujourd’hui, un Arrêté royal fixait les modalités de cet accès qui devait se faire par demande écrite et contre payement « raisonnable ». Depuis 2004, face à ce système très « chronovore », certains hôpitaux, dont le CHU de Liège, ont informatisé leurs dossiers médicaux. On est donc passé progressivement, dès 2006, des copies papier à un enregistrement sur CD. Quelque 2000 demandes parviennent ainsi chaque année au CHU. Fin 2009, arrivent les serveurs d’images. Le stockage numérique de celles-ci permet la récupération de 1000 m² d’archives.  Dès 2015, les images sont consultables par le patient. Avec le Réseau Santé Wallon, une nouvelle étape s’est ouverte : le dossier médical est accessible par le patient, de partout, via internet et avec une sécurité maximale.

 

Le revirement du Conseil de l’Ordre

De 2002 à septembre 2015, le Conseil de l’Ordre des Médecins a été frileux, voire même opposé, par rapport à cet accès du patient à son dossier par internet.

Revirement de situation le 19/9/2015. Dans la décision du Conseil, on relève que :

La consultation du dossier patient en présence du médecin qui l'a constitué permet au patient de recevoir toutes les explications nécessaires à la bonne compréhension des données qu'il contient. Cela étant, le patient a le droit de consulter le dossier le concernant hors de la présence du médecin qui l'a constitué.

Dans la rédaction du dossier, le médecin doit prendre en considération que le dossier est susceptible d'être consulté par le patient. Bien que les annotations personnelles et les données relatives aux tiers ne soient pas directement accessibles au patient, le Conseil national préconise que le médecin s'abstienne de considérations subjectives relatives à la personne du patient étrangères à l'anamnèse ou à la thérapeutique et qu'il évite les mentions concernant des tiers recueillies en dehors de l'anamnèse du patient.

L'accès du patient, via internet, à son dossier médical informatisé peut favoriser le développement de son «empowerment» face à sa situation médicale. On pense en particulier à la consultation par le patient, en temps réel, des paramètres déterminant l'éventuelle adaptation de sa thérapeutique. Cet accès ne se substitue pas au devoir du médecin d'informer personnellement son patient, pas plus qu'il ne l'en décharge.

La Wallonie n’a pas perdu son temps avec le Réseau Santé Wallon

En 2003, les deux sites pilotes d’un projet fédéral visant à centraliser les initiatives de dossier partagé informatisé échouent. Des subsides sont alors alloués par le Fédéral aux associations de télématiques wallonnes et flamandes, pour le développement de plateformes informatiques. Alors que, en Flandre, certains font cavalier seul, en Wallonie, les associations de télématique régionales se fédèrent dès 2005, pour construire le Réseau Santé Wallon et prendre une longueur d’avance.

Le Réseau Santé Wallon a pour unique but « la continuité des soins » dans une structure « ultra sécurisée »

Gouvernance & Garanties

Le projet est mené par la FRATEM (Fédération Régionale de Télématique Médicale) dont le conseil d’administration est composé d’uneRSW zoom enews majorité de médecins hospitaliers et généralistes, et est présidé par le Dr Philippe OLIVIER. Le conseil d’administration accueille déjà, en tant qu'invités, plusieurs acteurs de soins tels que des infirmiers et des pharmaciens.

Le comité de surveillance indépendant constitué de représentants de l’ordre des médecins, de la vie privée, des associations de défense des patients et d’autorités académiques veille au respect des objectifs du projet.

Le comité de direction est constitué de trois administrateurs délégués (Stratégie et Direction projet: Dr André VANDENBERGHE, Médical : Dr Philippe JONGEN, Administratif : Yves JACQUEMART) et d’un directeur opérationnel (Isabelle POLET).

Un comité de pilotage constitué du comité de direction et d’acteurs de terrain de différentes disciplines assure l’évolution du projet.

Qu’en est-il des garanties de sécurité ? 

La sécurité est garantie à six niveaux.

1. Un patient s’inscrit volontairement au RSW, soit via le portail www.rsw.be (avec sa carte d’identité et son PIN code), soit chez son médecin généraliste ou spécialiste, soit dans une structure hospitalière. Un patient peut à tout moment se désinscrire.

2. Un médecin s’inscrit volontairement au RSW, soit via le portail www.rsw.be (avec sa carte d’identité et son PIN code), soit via son institution. En s’inscrivant, le médecin adhère au règlement vie privée de la FRATEM et garantit qu’il n’utilisera le système que dans une visée de continuité des soins.

3. Le médecin qui s’est inscrit est parrainé par un autre médecin responsable (Directeur Médical de la FRATEM, Directeur médical hospitalier ou responsable de cercle) qui garantit que le médecin inscrit travaille bien dans le contexte de la continuité des soins.

4. Le patient définit ses liens thérapeutiques avec les médecins qui le prennent en charge, soit via le portail www.rsw.be, soit chez son médecin généraliste (double lecture de la carte d’identité), soit en structure hospitalière lors de la prise en charge. Il peut à tout moment couper un lien thérapeutique, exclure un médecin… via le portail.

5. La tracabilité est totale, historisée et transparente. A tout moment, le patient ou le médecin qui le soigne, peut consulter les accès réalisés au dossier médical. Les accès illicites peuvent ainsi être dénoncés et des recours sont possibles.

6. L’architecture hardware et software du RSW est auditée régulièrement par un organisme externe qui lui a accordé un haut niveau de sécurité informatique.

Par ses mécanismes, le RSW garantit donc aux patients une sécurité maximale, une tranparence totale et met le patient au centre de la gestion de son dossier.

Qui utilise aujourd'hui le RSW ? 

Tous les hôpitaux généraux wallons sont actifs dans le RSW. Les hôpitaux psychiatriques, les laboratoires privés et les centres d’imagerie médicale privés sont aussi en train de rejoindre le RSW. Les médecins généralistes et spécialistes extra-hospitaliers ont rejoint le réseau via leurs associations représentatives, dont la FAG (Fédération des Associations de Médecins Généralistes), et d’autres acteurs de soins (infirmier(e)s de terrain, pharmaciens…) participent quant à eux à différents projets pilotes. D’autre part, le RSW a de plus en plus de synergies avec l’industrie dans des domaines divers comme le télémonitoring, la dosimétrie et le suivi à domicile.

> 66% des médecins généralistes et spécialistes wallons utilisent le RSW
> 20% des patients wallons sont inscrits sur le RSW, avec une croissance importante de 32.000 patients par mois
> 20 millions de documents sont indexés sur le RSW

Au niveau national, 18% de Belges ont déjà donné leur consentement quant à l’échange par voie électronique de leurs données de santé entre prestataires de soins.

 

Qu’est ce qui a poussé à cette évolution rapide vers l’accès patient ?

img connecté webLe Dr André Vandenberghe est directeur de projet au Réseau Santé wallon.  Il explique d’abord la volonté politique du Gouvernement d’aboutir. « Ce plan a été entériné par l’ensemble des ministres de la santé belges (la ministre fédérale et les …huit ministres régionaux). La ministre De Block semble y être fort attachée. Il y a donc une volonté politique forte de réaliser cela d’ici 2018 ». Il y a ensuite le poids des Mutuelles, des associations de Patients et de la commission « droits des Patients » qui défendent cet accès, en Wallonie comme en Flandre où les mutualités chrétiennes plaident même pour un accès « immédiat et inconditionnel ». L’ordre national des médecins s’est aussi rallié à cet accès direct, en en soulignant l’intérêt dans le cadre de l’empowerment du patient, «  il me semble utopique et contre- productif de vouloir s’opposer catégoriquement à cette évolution. Puisque l’accès du patient a ses données informatisées semble inéluctable, la FRATEM souhaite s’y impliquer afin d’en influencer les modalités pour tenir compte notamment du point de vue des médecins » explique le Dr André Vandenberghe. Ce qu’il garantit en trois recommandations :  

1. L’interdiction formelle des employeurs/assureurs de pouvoir faire usage de ces informations ;

2. Le patient ne doit jamais découvrir les résultats avant son médecin. Un délai est ainsi prévu avant que le patient puisse voir ses documents.

3. Enfin, c’est le médecin auteur du document qui décide si le document peut être accessible au patient. Si ce document est préjudiciable au patient, il peut donc en bloquer l’accès. Il peut aussi réduire le délai d’accès s’il l’estime utile (avec accès immédiat éventuel).

Dans le RSW, le médecin reste maître des modalités d’accès et il peut continuer à protéger le patient de lui-même. « Nous construisons un système en collaboration avec les patients pour une ouverture progressive et réfléchie de ses accès via un intermédiaire soucieux de la protection de la vie privée.».

Et le Fédéral y trouve évidemment son intérêt financier…

Pour la ministre de la santé Maggie De Block, c’est du win-win-win. Tout le monde y gagne : le patient, le prestataire de soins et…l’Etat. « Il est dans l’intérêt des patients que les prestataires de soins puissent les traiter sur la base de l’information la plus récente dans leur dossier médical. Cela vaut également lorsqu’un patient qui se balade de l’autre côté du pays doit se rendre en consultation chez un prestataire qu’il n’a encore jamais vu auparavant. Grâce à ces informations mises à jour, ce prestataire de soins pourra par exemple connaître les allergies du patient et il disposera immédiatement de toutes les informations opportunes afin d’établir plus rapidement un diagnostic et, éventuellement, d’éviter de faire certains examens en double. »

Comment cela marche-t-il au CHU de Liège ?

Mandaté par le SPF Santé Publique, le Réseau Santé Wallon (RSW) a développé un accès pour le patient à son propre dossierconnexion dossier patient (via le portail www.rsw.be) tout en respectant les recommandations européennes et les consignes de l’ordre des médecins et de la vie privée. Le CHU de Liège, partenaire du RSW, a adapté son Dossier Médical Informatisé OmniPro de manière à offrir ce type d’accès à ses patients. Avec le CHU de Charleroi, le CHU de Liège fait ainsi partie des deux premiers hôpitaux à fournir ce service aux patients.

Mme De Block a un slogan qu’elle répète : « Le patient face à sa maladie en 2019 ». Au CHU de Liège, 2019, c’est aujourd’hui ! 

Depuis 2011, le CHU a indexé progressivement une grande partie des documents électroniques validés sur le RSW. La Direction Médicale a sélectionné les types de rapports pouvant être ainsi indexés (ex : les courriers) ou non (ex : les notes personnelles). 

Début juin, le CHU de Liège a ouvert l’accès au contenu des documents indexés pour les patients inscrits sur le RSW.

L’accès par le patient au contenu de ses documents indexés est ainsi déterminé par un des trois états suivants : «  Jamais accessible », « Accessible après accord d’un médecin », « Accessible après délai ». Ce délai a été fixé à 30 jours par le CHU  afin de laisser le temps au patient et au médecin de consulter ensemble les documents. Quelques courriers de type certificats, consentement, consignes patient, sont quant à eux directement disponibles et ceci, sans délai.

Comment cela marche au CHU

Le médecin auteur d’un document conserve la possibilité de modifier l’état par défaut d’un document en un autre état (flèches brunes). Le DMI hospitalier Omnipro a été adapté en ce sens au CHU de Liège.

Comment cela marche au CHU2

Un médecin généraliste ou spécialiste ayant un lien thérapeutique avec le patient peut modifier l’état « accessible après accord d’un médecin » en « accessible » (flèches rouges). Les DMI des médecins généralistes sont en cours d’adaptation chez leurs fournisseurs. Dans l’attente de cette adaptation, le médecin généraliste utilisera le portail www.rsw.be.

écran portail

En conclusion, le médecin doit-il craindre cette évolution ?

médecins CHU web« Non, absolument pas.  Au contraire, il doit même y participer ! Par le passé, le médecin de famille, c’était l’image paternelle : le médecin savait, et le patient ne savait pas. Aujourd’hui, le modèle a changé : le patient est partenaire. Il vit avec sa maladie, il la connait, il est le meilleur veilleur de son évolution et il va aider le médecin à le soigner. Il ne faut pas craindre l’émergence de patients « cybercondriaques », adeptes de la « google médecine ». Aujourd’hui, le patient devient « éducateur » de son médecin. Qui mieux que le patient peut décrire les effets secondaires de tel ou tel médicament que le médecin prescrit ? »

Les études prospectives, dans les pays où le dossier médical informatisé consultable par le patient est plus avancé (ex : Canada) démontrent que les relations entre le patient et le médecin généraliste augmentent en qualité et en quantité. En qualité, le patient est mieux informé, va plus vite à l’essentiel, n’oublie pas de parler de symptômes, participe mieux au traitement et améliore sa compliance. En quantité, le système est ainsi fait que l’accès aux dossiers « sensibles » n’est accordé qu’après le contact avec le médecin généraliste et/ou son spécialiste. Le patient n’a donc pas accès à tous les éléments de son dossier, tout de suite.

Première action du médecin : s’inscrire et inscrire ses patients

Je m'inscris web

Les citoyens peuvent faire enregistrer leur consentement éclairé à l’aide d’un formulaire électronique sur la plate-forme RSW ou peuvent en faire la demande chez leur médecin traitant ou un autre prestataire de soins, auprès de leur mutuelle ou du service d’admission de l’hôpital. La croissance exponentielle du nombre de consentements éclairés prouve bien que les technologies ainsi que les applications d’échange de données sont désormais omniprésentes dans nos soins de santé. Celles-ci permettent d’organiser les soins des patients de la manière la plus efficace, et ce, avec le moins de « paperasse » possible. À partir de 2018, par exemple, les attestations vertes et blanches ainsi que les vignettes des mutualités disparaîtront.  D’ici le 1er janvier 2017, la prescription électronique de médicaments aura priorité sur la prescription papier, qui disparaîtra, sauf à la demande explicite du patient.


« Concrètement, le patient qui s’inscrit aujourd’hui sur le RSW pourra voir l’ensemble des documents médicaux qui le concernent dès le lendemain matin (le transfert vers le RSW des documents archivés dans le DMI aura lieu durant la nuit). Les documents relatifs aux consultations ou examens effectués après son inscription sur le RSW seront, eux, directement visibles. Le contenu de tous ces documents partagés sera accessible en fonction des critères d’accès définis pour chaque type de document. »

> Télécharger la procédure d'inscription "interface patients "

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