Jeûner, c'est bon pour la santé ?

07 PORTRAIT| QUI EST ARSENE BURNY ? Grande figure de la recherche belge en cancérologie, Arsène Burny est surtout connu du grand public pour être le père scientifique du Télévie, qu’il a co-fondé il y a plus de 30 ans. Michaël Herfs, coordinateur actuel des activités liégeoises du Télévie au CHU et à l’ULiège, incarne quant à lui une nouvelle génération de chercheurs engagés dans la lutte contre le cancer. Il retrace sa rencontre avec Arsène Burny et nous raconte l’héritage d’un grand scientifique, mais aussi d’un grand homme. Comme n’importe quel autre jeune doctorant en cancérologie, je savais qui était Arsène Burny. Un incontournable, l’un des pionniers de la recherche sur le cancer, reconnu dans le monde entier. Mais j’ignorais ce qu’il représentait pour le grand public. La première fois que je l’ai vraiment rencontré…C’était lors du rallye duTélévie en2013, sous la tente duFondsNational de la Recherche Scientifique (FNRS). J’étais censé être là pour sensibiliser, expliquer aux gens ce qu’était le cancer… Mais à la place, j’ai passé mon après-midi à tirer le portrait des visiteurs qui voulaient tous se faire photographier avec Arsène ! Ce qu’il acceptait de bonne grâce. Par la suite, une complicité naîtrait entre nous, au fil de mon engagement au Télévie. Ce qui frappe d’abord chez lui, c’est son incroyable gentillesse et sonhumilité. Tout grand scientifique qu’il est, il vous parle toujours d’égal à égal, il s’intéresse à vous. Et le plus surprenant, c’est que sur un sujet aussi grave que le cancer, on ressort toujours d’une conversation avec Arsène empli d’un sentiment très positif. En tout temps, il parvient à communiquer de l’espoir et de la joie de vivre… ! IL A FAÇONNÉ TOUTE UNE GÉNÉRATION DE CHERCHEURS " La recherche actuelle en Wallonie doit énormément à Arsène. Et pas seulement sur un plan scientifique. Bien sûr, il a été lementor de nombreux chefs de labo,mais c’est aussi grâce à lui qu’aujourd’hui de nombreux jeunes chercheurs commemoi trouvent des financements pour leurs travaux, via le Télévie. Dans les années 1980, Arsène a vuflamber le nombre de diagnostics de cancers, alors que les financements devenaient de plus en plus di" ciles à obtenir. Il a compris très tôt que pour faire progresser les connaissances sur la maladie il faudrait faire appel aux dons, à la générosité des gens, et que pour y parvenir il fallait s’allier aux grands médias. Alors vice-président de la Commission cancérologie du FNRS, il s’est retrouvé un matin de 1989 à déjeuner avec les patrons de RTL, Jean Pierre de Launoit et JeanCharles De Keyser. Le Télévie était né. 33 ans plus tard, à 89 ans, Arsène préside toujours la commission scientifique. Avec cette carrière remarquable derrière lui, il n’a plus rien à prouver aujourd’hui. Pourtant il court toujours aux quatre coins de la Wallonie pour participer à des centaines d’activités Télévie, pour sensibiliser les gens à l’importance de la recherche et récolter des dons pour la cause. On peut dire qu’il aura vraiment donné sa vie pour la recherche sur le cancer. Un autre aspect fascinant pour moi, c’est qu’Arsène est aussi le témoin d’une certaine science « historique », dont il détient une foule d’anecdotes qui paraissent aujourd’hui incroyables. Un jour par exemple, il avait été invité à un congrès scientifique en Russie. On était alors en pleine guerre froide, si bien que le taxi a dû le déposer à plus de 500 mètres du rendez-vous, pour ne pas se faire repérer par le KGB…Mais cela ne l’avait pas e# rayé lemoins dumonde, tellement il était enthousiaste à l’idée de discuter avec d’éminents scientifiques russes ! UNE ! ENCYCLOPÉDIE HU# MAINE " DE LA RECHERCHE Arsène s’intéresse à tout, lit tout, retient tout, comprend tout ce qui se passe en cancérologie. Et comme en tant que président de la commission scientifique il lit depuis plus de 30 ans tous les projets déposés au Télévie, il sait exactement sur quoi travaille chaque jeune chercheur. Je me souviens, à 23 ans alors que je n’étais encore nulle part, d’avoir été sidéré qu’il connaisse si précisément la teneur de mes travaux… Il a accumulé un savoir quasi encyclopédique de la recherche sur le cancer et il nous en fait profiter, pour stimuler nos recherches. Il m’envoie par exemple plusieursmails par semaine pour me conseiller tel ou tel article intéressant, pourmemettre en contact avec tel autre chercheur qui travaille sur des thématiques proches… À lui seul, il est une véritable agencematrimoniale scientifique ! Il y aurait encore tant de choses à dire… Ce qui est certain, c’est qu’il laissera une empreinte indélébile. Je sais que tout le monde est remplaçable. Mais personne ne lui arrivera jamais à la cheville. « On veut que l’ICAB soit à l’image d’Arsène » Le nom d’Arsène Burny est désormais gravé dans celui du tout nouvel Institut de Cancérologie Wallon. Un hommage à « quelqu’un de rare », pour reprendre les termes du Pr. Yves Beguin, « qui symbolise le double idéal que nous cherchons à atteindre : l’excellence médicale et l’humanité ». Le président du conseil de gouvernance de l’ICAB revient sur les raisons de ce choix. « Arsène Burny, c’est d’abord une figure de proue de la recherche belge en cancérologie. C’est un scientifique passionné et insatiable, qui a fait avancer les connaissances sur le cancer et le SIDA humain notamment grâce à ses travaux sur les leucémies chez les bovins. Mais c’est aussi tout l’opposé du stéréotype du scientifique perché dans sa tour d’ivoire : il a ce talent remarquable de parvenir à rendre les progrès médicaux accessible à tous et à expliquer les recherches les plus pointues d’une façon compréhensible pour le public. C’est surtout une personne d’une humanité rare, extrêmement proche des gens, qui possède un sens du contact et une empathie absolument hors du commun. Alors qu’il n’est pasmédecin, il a passé sa carrière à aller à la rencontre desmalades et de leur famille, à les écouter, à tenter de comprendre leurs di" cultés, et surtout à les conseiller, les rassurer et leur donner espoir. Il ne s’est pas intéressé qu’aux aspects scientifiques et médicaux de la maladie, mais à tout ce qui pouvait aider les personnes notamment en soins de support, psychologique, social, diététique… Car mieux que quiconque, il sait que le cancer n’est pas seulement une maladie grave, c’est aussi une épreuve qui a un impact énorme sur tous les aspects de la vie et qui touche non seulement le patient, mais aussi son entourage. C’est pour toutes ces raisons que nous avons choisi le nom d’Arsène Burny pour baptiser le Centre de Cancérologie. Car nous l’avons voulu à son image : un centre d’excellence scientifique et médicale qui soit enmême temps un lieuprofondément humain, capable d’entourer au mieux le patient dans tout ce qu’il traverse au quotidien. » Propos recueillis par Jen D. Arsène Burny raconté par Michaël Herfs et Yves Beguin LES GRANDES DATES ■ 1933 : naissance à Mellery (Villers-la-Ville) ■ 1958 : diplômé Ingénieur agronome à Gembloux ■ 1966 : diplômé Docteur en Sciences zoologiques à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) ■ 1968-1972 : Professeur associé à l’université de Columbia, New York ■ 1973-1999 : Professeur à la Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux et à l’ULB ■ 1989 : Fondation du Télévie, dont il préside depuis lors la commission scientifique au Fonds national de la recherche scientifique (FNRS) ■ 2006 : Président de l’Académie Royale de Médecine

RkJQdWJsaXNoZXIy MjkwMTYw