Don d'organes, vous aussi sauvez des vies

PNEUMOLOGIE P. 14 Une personne sur trois traitée n'est pas asthmatique L'EXCELLENCE D'UNE PRISE EN CHARGE PERSONNALISÉE ICAB CANCER PP. 04-05 ÉGALITE DES CHANCES La médiation interculturelle pour mieux vous soigner P. 12 CARDIOLOGIE P. 10 Traitement novateur au CHU pour la valve oubliée JOURNÉE MONDIALE DU DON D’ORGANES PP. 02-03 Votre santé nous tient à cœur Le magazine de votre hôpital universitaire I Mensuel N°67 I OCTOBRE 2022 Don d'organes, vous aussi sauvez des vies

2 Éditeur responsable I Sudinfo - Pierre Leerschool Rue de Coquelet, 134 - 5000 Namur Rédaction I Jenifer Devresse, Caroline Doppagne, Liliane Fanello, Vincent Liévin, Charles Neuforge, Frédérique Siccard Coordination I Delphine Gilman, Vincent Liévin, Rosaria Crapanzano Photographies I CHU de Liège, iStock, Pexels Mise en page I Creative Studio Impression I Rossel Printing EDITO I L’excellence à votre service A chaque instant, l’ensemble du personnel veille à la santé des patients qui entrent en urgence ou pour des soins chroniques. Ces patients et leur famille sont pris en charge avec soin et dans leur langue notamment grâce au service de médiation interculturelle. Cette volonté de proximité et d’excellence s’inscrit à chaque étape du parcours du patient. Elle est au cœur de l’ouverture de l’Institut de Cancérologie Arsène Burny (ICAB), où des professionnels dispensent des soins personnalisés contre le cancer avec des instruments de pointe et une approche profondément humaine. Tous les cancers bénéficient de la recherche et des avancées comme l’immunothérapie. Toutefois, pour le patient, le dépistage précoce du cancer doit rester une priorité notamment pour les cancers du sein. Cette démarche augmente les chances de guérison complète et permet, dans certains cas, un traitement moins intrusif. Dans un tout autre domaine, celui de l’insuffisance cardiaque, les techniques innovantes permettent de mieux prendre en charge les patients, comme ce système de « clips » remarquablement efficace, positionnant le CHU de Liège comme seul centre en Wallonie à réaliser ce type d’intervention. Au quotidien, le CHU continue à vouloir améliorer le trajet de soins des milliers de patients qui souffrent de maladie chronique. Avec l’ULiège, le Pr Louis et d’autres ont mené une « task force » européenne sur l’asthme durant quatre ans et ont pu édicter des « guidelines » internationales qui devraient améliorer le diagnostic de l’asthme. Parfois, enfin, les patients du CHU permettent à d’autres de continuer à vivre au travers du don d’organes. Un acte qui demande de la réflexion et de l’écoute, mais que l’on peut anticiper. Y avez-vous déjà pensé ? Les équipes du CHU peuvent répondre à vos questions. LA RÉDACTION JOURNÉE MONDIALE | DON D’ORGANES Publiée entre 2 confinements, au début d’un été au goût de liberté retrouvée, elle est passée pratiquement inaperçue. La loi du 1er juillet 2020 sur le don d’organes facilite pourtant la tâche de celles et ceux qui, dans un sens ou dans l’autre, souhaitent faire connaître leurs volontés en la matière. « Il ne s’agit plus d’aller faire la file à l’administration communale pendant des heures d’ouverture parfois difficilement compatible avec une vie bien remplie », souligne Marie-Hélène Delbouille, Coordinatrice de Transplantation au CHU de Liège. « Désormais, en quelques clics sur masante.be*, on peut marquer son accord (ou non) sur le don d’organes, mais également sur le don de matériel corporel humain (comme les valves cardiaques, la cornée, les os…) à des fins de transplantation. Ce matériel corporel peut également être utile au développement de thérapies innovantes, ou contribuer à la recherche scientifique. Chaque option est expliquée et acceptable, ou non, selon le ressenti et les souhaits de chacun. » Tous organes confondus, la liste d’attente compte aujourd’hui 1500 Belges qui espèrent qu’un don leur permettra de vivre. « On dit qu’un don d’organes vitaux (cœur, poumons, reins, foie, pancréas) sauve jusqu’à 8 vies. En réalité, il améliore la vie de dizaines de personnes, si on compte également l’entourage d’un patient atteint de maladie chronique », indique encore la Coordinatrice. UN PRÉLÈVEMENT, ÇA SE PASSE COMMENT ? « Rappelons que le don d’organes n’est possible que lors d’un décès en milieu hospitalier, dans des conditions propices à la bonne conservation des organes. Deux tiers des donneurs sont en état de mort cérébrale. Un tiers a subi des dégâts cérébrauxmajeurs : ils sont si importants que le patient ne survivra pas. Cet avis est toujours confirmé par 3 médecins distincts dont, au CHU, un neurochirurgien ou un neurologue. C’est la première étape vers le don d’organes », détaille le Docteur Didier Ledoux, anesthésiste — réanimateur aux Soins Intensifs. « L’étape suivante est l’information aux proches. C’est un moment difficile, chargé en émotion. Nous ne leur demandons pas de comprendre, mais d’entendre que nous ne sommes pas autorisés à pratiquer l’acharnement thérapeutique. C’est seulement lors de l’entretien suivant que nous demandons si le patient était opposé au don d’organes, formellement ou non. Si ce n’est pas le cas, nous expliquons que nous avons l’intention de procéder au prélèvement. La famille doit encore pouvoir accepter que l’arrêt des soins aura lieu au bloc. Nous humanisons la procédure autant que possible. Nous laissons à chacun le temps de faire ses adieux. Il arrive que l’on attende qu’un proche revienne de l’étranger. Très souvent, c’est l’équipe de prélèvement (différente de l’équipe qui a acté la décision d’arrêt des soins) qui se plie aux délais. » LA GÉNÉROSITÉ DES BELGES « Nos équipes de prélèvement se déplacent également vers d’autres hôpitaux partenaires. À l’inverse, des organes prélevés au CHU peuvent être envoyés vers d’autres « On dit qu’un don d’organes vitaux (cœur, poumons, reins, foie, pancréas) sauve jusqu’à 8 vies. En réalité, il améliore la vie de dizaines de personnes » UN SEUL CLIC peut sauver des vies

Le don, en cas d’euthanasie aussi À condition d’être pratiquée enmilieu hospitalier, et s’il n’y a pas de contre-indicationmédicale, l’euthanasie est compatible avec le don d’organes. « C’était un patient jeune encore, ancien marathonien, atteint de la maladie de Charcot. Également appelée sclérose latérale amyotrophique (SLA), cette maladie neurodégénérative entraîne une faiblesse musculaire et, à terme, une paralysie. Cet homme ne voulait pas atteindre le stade où il serait incapable de se mobiliser, et souhaitait une euthanasie. Quand je l’ai rencontré, il ne pouvait déjà plusmarcher. Il souffrait tant qu’il ne pouvait dormir que par terre, sur une planche. Mais en dépit de toute cette souffrance, il rêvait de donner ses organes et, plus encore, de donner son cœur », se souvient le Docteur Ledoux. « Après obtention d’un deuxième avis, nécessaire pour enclencher la procédure, je lui explique en détail les différentes étapes de l’euthanasie, au bout desquelles le cœur s’arrête. Et je lis dans ses yeux que non, ce ne peut pas être comme cela : son cœur, il veut pouvoir le donner ! Or nous sommes en mesure de ranimer le cœur après un arrêt circulatoire, mais c’est une procédure qui exige une certaine urgence. Il avait acquis l’idée de finir ses jours à l’hôpital, entouré des siens, mais ses proches devaient encore accepter que nous l’emmenions au bloc très vite après son décès. Il les a convaincus. Il était rayonnant. Réellement heureux à l’idée de pouvoir aider quelqu’un à vivre, alors même qu’il souffrait tellement. C’est un patient que je n’oublierai jamais, qui m’a donné en quelques heures l’impression de l’avoir connu toute une vie. » F.Si. MARIE-HÉLÈNE DELBOUILLE Coordinatrice de Transplantation au CHU de Liège DIDIER LEDOUX Anesthésiste – réanimateur aux Soins Intensifs au CHU de Liège OLIVIER DETRY Professeur au service de Chirurgie abdominale et transplantation au CHU de Liège LE DON D’ORGANES, C’EST UN GESTE SIMPLE… Mais aussi une affaire d’équipe et une sacrée course contre la montre ! Découvrez ici nos équipes. centres, en Belgique ou à l’étranger », poursuit Marie-Hélène Delbouille. Les tissus, quant à eux, sont «mis en banque » dans l’attente de receveurs. « Les choses ne sont pas parfaites, mais elles sont loin d’être mauvaises en Belgique », conclut le Professeur Olivier Detry, Chargé de Cours dans le service de chirurgie abdominale et transplantation. «Nous restons à la pointe en termes de donneurs par million d’habitants et de durée d’attente : ce qui prend 2 ans et demi en Belgique en prend 8 en Allemagne, par exemple. Nous aimons à penser que c’est parce que les Belges ont confiance en leurs médecins. » FRÉDÉRIQUE SICCARD *https://clicpourledondorganes.be/fr/accueil/ 03

04 ONCOLOGIE | LE PATIENT AU CENTRE Du matériel et des soins de qualité avec des études cliniques de pointe permettent une prise en charge personnalisée. Au cœur de l’Institut de Cancérologie Arsène Burny (ICAB) du CHU de Liège, la qualité des soins est une priorité afin de permettre une prise en charge qualitative, individualisée et humaine. Le personnel de soins s’investit dans cette prise en charge centralisée autour du patient avec à son service des techniques d’excellence tant en radiothérapie (nouvelles machines de pointe) qu’en médecine nucléaire avec une imagerie moins irradiante (2 PET/CT digitaux larges champs, les seuls de ce type en Belgique). Pour que cette prise en charge soit optimale, l’un des atouts principaux du nouveau centre est la proximité : toutes les technologies les plus évoluées sont à disposition des patients qui peuvent bénéficier du suivi de professionnels formés. Les technologies proposées constituent de réelles avancées pour le patient (via l’application de techniques moins invasives), ainsi que pour les professionnels de santé autour du patient (grâce à des équipements permettant la plus grande précision). LA RADIOLOGIE, UN ÉLÉMENT CENTRAL Alors que le 8 novembre prochain se tiendra la journée mondiale de la radiologie, le Dr François Cousin, radiologue dans le service d’Imagerie Oncologique du CHU de Liège insiste sur l’importance de la discipline dans la bonne prise en charge du patient : « L’imagerie joue un rôle central à chaque étape du parcours de soins du patient en oncologie : cela va de la détection de la tumeur au suivi de la réponse sous traitement en passant par le bilan d’extension. Elle permet même la recherche éventuelle de complications potentielles liées au traitement. » Le cancer est une maladie assez complexe qui bénéficie du développement de nouveaux traitements avec des prises en charge de plus en plus personnalisées : « L’imagerie du cancer nécessite une expertise particulière par les radiologues avec des compétences spécifiques et qui prennent également part aux réunions oncologiques multidisciplinaires (COM) au cours desquelles le cas de chaque patient est discuté, souvent avec l’appui du résultat des examens d’imagerie... Nous avons créé un service d’imagerie qui est moins organisé par organe ou par région anatomique, mais «Nos machines PET/CT moins irradiantes sont les seules de ce type en Belgique » L’excellence d’une prise en charge centralisée autour du patient qui est plus focalisé sur la maladie oncologique dans son ensemble. » La qualité du matériel permet une prise en charge optimale : « Nous avons fait l’acquisition de machines spécifiques avec un CT Scanner, une IRM, un échographe et une table de radiographie standards pour couvrir tout le panel de l’imagerie médicale. » La nouvelle architecture améliore la qualité des soins : « Elle permet de rassembler les compétences radiologiques en termes d’interprétations des images. Les radiologues qui travaillent dans notre service sont spécialisés dans ces bilans. Les technologues font également un travail primordial dans la manipulation des machines et la prise en charge des patients. Cette organisation facilite aussi la communication entre le service d’imagerie, les oncologues, les radiothérapeutes, les nucléaristes.... L’imagerie est mieux intégrée dans l’environnement thérapeutique du patient et cela permet d’améliorer les soins. » La philosophie est claire : « Nous voulons vraiment organiser les soins autour du patient et pas l’inverse. D’ailleurs, des e‹orts ont été fait pour rendre l’environnement de soins le plus agréable possible pour les patients. » LA QUALITÉ DES ESSAIS CLINIQUES Les patients et les équipes de soins du CHU de Liège peuvent aussi compter sur des essais cliniques de pointe comme le rappelle le Pr. Guy Jérusalem, Membre du bureau de l’ICAB, Chef du service Oncologie Médicale, Professeur à l’Université de Liège, « Ce qui nous distingue par rapport à nos voisins, c’est que nous avons de nombreux nouveauxmédicaments disponibles et/ou en voie de développement. Par exemple, si tout le monde connaît aujourd’hui l’immunothérapie, je rappelle que nous avons eu accès aux premiers essais d’immunothérapie en Europe au CHU de Liège, il y a de nombreuses années. D’ailleurs, certains des patients sont toujours en vie alors qu’on a commencé les traitements dans un contexte où il n’y avait pas de grands espoirs pour eux. » Ce travail, pour

05 FRANÇOIS COUSIN Radiologue dans le service d’Imagerie Oncologique du CHU de Liège ARNAUD DE ROOVER Chef du service de Chirurgie abdominale, endocrinienne et de transplantation du CHU de Liège GUY JÉRUSALEM Membre du Bureau de l’ICAB, Chef de service Oncologie médicale au CHU de Liège, Professeur à l’Université de Liège la santé des patients du CHU, est l’œuvre d’une équipe de pointe : « Nous avons une très bonne équipe pour les recherches cliniques : pour les tumeurs solides nous avons 15 Datamanagers et infirmières de recherche. Ils s’investissent dans 50 études en cours actuellement pour le développement de nouveaux médicaments. Cela concerne des premières utilisations de traitement chez l’être humain ou des comparaisons entre le traitement standard et ce que l’on pense devenir le nouveau standard. » Pour lui, la priorité est de rester à la pointe de la recherche de qualité : « Nous proposons aux patients de participer aux essais cliniques. » La nouvelle architecture du bâtiment va améliorer aussi la qualité de l’environnement pour mener ces essais. « Le nouveau bâtiment va permettre une plus grande proximité entre le laboratoire de recherche et les patients. Cela crée des opportunités de soins et de recherches plus grandes. Les équipes vont pouvoir échanger. Ce regroupement va permettre aux différentes spécialités de se concerter encore plus souvent » (radiothérapie, chirurgie, oncologie médicale, spécialistes d’organe, imagerie oncologique....). Au quotidien, rien n’est laissé au hasard. « Nous eƒectuons en permanence des contrôles qualité sur les dossiers. Nous sommes très vigilants aux eƒets secondaires en plus de l’évaluation des eƒets cliniques. Le patient qui est dans une étude clinique peut aussi bénéficier comme tous les autres patients de l’espace bien-être. » Le tout se fait avec une équipe très spécialisée : « Nous avons de nombreux médecins : 12 seniors en oncologie médicale et 6 assistants. Nous avons aussi évidemment des collègues oncopneumologues, oncodigestifs, oncogynéco.... Cela permet une surspécialisation indispensable aujourd’hui pour oƒrir la plus haute qualité des soins. » LA CHIRURGIE COMPLEXE ET PRÉCISE Toute cette prise en charge ne pourrait se réaliser sans une chirurgie de pointe comme le rappelle le Pr. Arnaud De Roover, chef du Service de Chirurgie abdominale, endocrinienne et de transplantation du CHU de Liège. La chirurgie oncologique est un pôle d’excellence du service depuis de nombreuses années, que ce soit dans les domaines du cancer colorectal avec, par exemple, le développement de la chimiothérapie intrapéritonéale ou du cancer hépatobiliaire qui bénéficie de notre expérience en transplantation hépatique. Nous participons ainsi à des études prospectives dans la greŽe de foie pour métastases du cancer colorectal dans des cas sélectionnés. La chirurgie endocrine comprenant notamment les cancers de la thyroïde ou de la surrénale repose sur une équipe spécialisée depuis de nombreuses années. Nous sommes également l’un des quelques centres belges de référence pour la chirurgie complexe de l’œsophage (7 centres) et du pancréas (15 centres). Cette centralisation des cas a un bénéfice pour le patient avec des chiŽres faibles de morbi-mortalité. Elle nous permet également d’accroître la recherche dans ces domaines et de participer à des études multicentriques qui, à terme, vont améliorer la prise en charge de ces cancers. » « Nous travaillons au CHU au sein d’une équipe multidisciplinaire associant des radiologues, des oncologues, des radiothérapeutes, nucléaristes, gastroentérologues..., des médecins des soins intensifs. Le personnel infirmier et paramédical est également formé pour fournir les meilleurs soins au patient avec une attention particulière sur la nutrition pré- et postopératoire et la revalidation précoce du patient. Nous maintenons également des liens étroits avec les spécialistes des hôpitaux-partenaires qui nous réfèrent leurs patients pour la chirurgie après une discussion sur le plan de traitement. » V.Li. À LAPOINTE EN IMMUNOTHÉRAPIE Parmi les soins à destination des patients cancéreux, l’immunothérapie prend de plus en plus de place : « Ce traitement a révolutionné la prise en charge de multiples cancers de stade avancé. Toutefois, le suivi radiologique des patients sous immunothérapie est compliqué. Ces traitements ont un mécanisme d’action très particulier qui fait intervenir le système immunitaire du patient pour combattre la tumeur. » Cet aspect demande un travail spécifique : « Nous observons en imagerie, des profils de réponses inhabituels. Parfois, un patient peut répondre au traitement alors que la tumeur augmente de taille... ou alors que de nouvelles lésions apparaissent. » L’équipe de soins du CHU a pleinement intégré ces nouveaux aspects : « Nous connaissons ces particularités et nous en tenons compte dans le suivi des patients, qui peuvent également devoir composer avec des eƒets indésirables qu’il faut reconnaître rapidement afin de les traiter au mieux. »

06 L’Institut de Cancérologie Arsène Burny

VACCINATION OBLIGATOIRE| PRÉVENTION En juillet dernier, les autorités de santé publique de l’État de New York rapportaient un cas de poliomyélite, mieux connue sous le nom de «polio», chez un adulte non vacciné. Une première en 10 ans. « La polio est une maladie virale hautement contagieuse, qui touche en grande partie les enfants âgés de moins de 5 ans. Elle se transmet par les selles ou les sécrétions orales et nasales d’une personne infectée. Elle peut également être attrapée en buvant de l’eau ou en mangeant des aliments contaminés », rappelle le ProfesseurMichel Moutschen, infectiologue et chef du Centre de médecine des Voyageurs au CHU de Liège. « Chez les enfants, la polio provoque une paralysie des membres, qui ne se développeront pas comme le reste du corps. Chez l’adulte, qui a terminé sa croissance, on ne constate pas d’atrophie, mais des paralysies ou une atteinte respiratoire, qui a donné naissance aux fameux poumons de fer dans les années 1950. Il n’y a aucun traitement contre la poliomyélite. La vaccination seule permet de se protéger. » 99 % DE MALADES DANS LE MONDE L’objectif de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) était d’éradiquer cette maladie, d’origine humaine, pour l’an 2000. Les cas ont e‡ectivement diminué de 99 % depuis 1988, lorsque la polio était encore endémique dans 125 pays et que 350000 cas avaient été recensés. La polio aurait réellement pu disparaître, si la couverture vaccinale avait été su“sante dans toutes les régions du monde. « Deux de ses trois souches sauvages ont d’ailleurs été complètement éradiquées grâce à la vaccination », insisteMichel Moutschen. « Une troisième subsiste, principalement dans la région de l’Afghanistan, où la couverture vaccinale reste aléatoire. Reste également, pour les mêmes raisons de vaccination incomplète, des contaminations liées à la mutation de vaccins vivants. » Un millier environ dans le monde en 2020, près de 700 l’année suivante : « L’Europe et les pays riches n’utilisent plus cette forme de vaccination depuis les années 1970 : chez nous, on administre un vaccin “tué”, stable et sans risques, qui nécessite des doses de rappel. Dans les pays où la vaccination est compliquée, en revanche, on administre encore le vaccin vivant, qui permet d’immuniser plusieurs enfants d’une même famille : le virus vivant, mais atténué, inoculé à l’un, se transmet aux autres pour conférer une protection élargie, et durable. Il arrive cependant, dans de rares cas, que ce virus se réplique, mute et récupère une certaine agressivité au fil des transmissions. C’est ce virus dérivé du vaccin qui peut poser problème aux personnes qui ne sont pas vaccinées du tout, dans nos pays industrialisés. » UN VACCIN OBLIGATOIRE EN BELGIQUE Cette forme atténuée du virus aurait d’ailleurs été détectée dans les eaux usées de New York, « suggérant que le virus circule probablement localement ». Les autorités sanitaires de la ville ont appelé les habitants à se faire vacciner s’ils ne le sont pas déjà : seuls 86 % des enfants new-yorkais âgés de 6 mois à 5 ans, en e‡et, ont reçu les trois doses du vaccin qui confèrent une immunité totale. « Le vaccin contre la polio est le seul obligatoire en Belgique », rappelle le Professeur Moutschen. On comprend pourquoi… FRÉDÉRIQUE SICCARD MICHEL MOUTSCHEN Infectiologue et Chef du Centre de médecine des Voyageurs au CHU de Liège POLIO ET VACCINATION le point sur la question 07

08 OCTOBRE ROSE IPRÉVENTION Lutter en informant, en dialoguant, en diagnostiquant Le dépistage précoce du cancer du sein augmente les chances de guérison complète et permet, dans certains cas, un traitement moins intrusif. Rencontre avec le Professeur Éric Lifrange, sénologue au CHU de Liège, à l’occasion du mois de lutte contre les cancers du sein. En 2019, la Belgique comptait 71 651 cas de cancers, dont 10 962 cancers du sein, soit 15 %. « Les chi res n’ont guère changé en 3 ans », relève le Professeur Lifrange. « En revanche, la médecine a fait des progrès considérables, en ce qui concerne les diagnostics et les traitements, au cours des 20 dernières années. » « On ne parle pas du cancer du sein, mais des cancers du sein », précise-t-il. «Même s’il existe de grands groupes de cancers comparables, chaque cancer est propre au patient. Il s’agit de tenir compte de ces di érences : la prise en charge doit être individuelle dès le choix des examens de dépistage. » Ainsi, la mammographie seule ne su‚t plus : « 5 à 10 % des cancers palpables — et davantage encore pour les cancers non palpables — ne sont pas détectables à la mammographie. Au CHU, nous procédons toujours à un examen clinique avec palpation, et nous pratiquons des mammographies en tomosynthèse, c’est-à-dire en 3D, depuis plus de 10 ans. Nous leur ajoutons un examen échographique, d’un apport considérable lorsque les seins sont radiologiquement denses. » 80 % DE GUÉRISONS En deuxième intention, si les premiers examens ont montré une anomalie, le Professeur Lifrange préconise une ponction diagnostique ou une biopsie à l’aiguille : « Si le résultat n’est pas clair, on peut recourir à l’imagerie magnétique nucléaire (RMN), dont le seul défaut, hors son coût, est de parfois créer l’alerte sur des choses qui ne sont pas cancéreuses. » Dans deux tiers des cas, un diagnostic précoce augmentera sérieusement les chances de guérison. « Les cancers du sein sont les cancers les plus fréquents, en Belgique. Ils sont aussi parmi ceux dont on guérit le mieux : 80 % de taux de guérison à 10 ans. » « 70 % des cancers du sein sont hormonosensibles : la plupart répondent à un traitement antihormonal. Certains néÉRIC LIFRANGE Sénologue, Chef du service de Sénologie au CHU de Liège « On ne parle pas du cancer du sein, mais des cancers du sein » cessitent une chimiothérapie et des traitements plus ciblés. Aujourd’hui, nous avons recours à l’analyse génomique pour préciser le traitement : le profilage des gènes des tumeurs permet en e et de préciser, sur une échelle de 0 à 100, comment le cancer répondra à tel ou tel traitement. C’est une avancée majeure pour le traitement et la guérison de nos patients », indique encore Éric Lifrange. LE RÔLE DE LA MÉDECINE CONCERTÉE « Au CHU, l’organisation du traitement des patients sou rant d’un cancer du sein est toujours discutée en Concertation Oncologique Multidisciplinaire (COM). S’y réunissent, pour donner leur accord sur la ligne de traitement proposée, les diagnosticiens, les chirurgiens, les chimiothérapeutes, les radiothérapeutes, les psychologues et les infirmières de liaison. Le rôle de ces dernières est central : elles sont, tout à la fois, la personne de référence du patient pendant son parcours de soin, et le lien entre les di érents spécialistes », indique le Docteur Éric Lifrange. L’Institut de Cancérologie Arsène Burny (ICAB) devrait renforcer encore, et souligner, cette médecine ouverte et collaborative, à laquelle sont associés le patient et son médecin traitant. « Nous avons toujours travaillé de manière intégrée. Mais la proximité de l’Université et des laboratoires de recherche font de l’ICAB, un outil de travail exceptionnel, au bénéfice des patients », conclut-il. FRÉDÉRIQUE SICCARD

LE CHERCHEUR DU MOIS| LA FONDATION LÉON FREDERICQ Lemois d’octobre est synonyme de ruban rose et de sensibilisation au cancer du sein. Si cette maladie touche encore beaucoup de femmes, la lutte contre le cancer continue et les traitements évoluent. VincentWuidar, 25 ans, cherche à diminuer le risque pour une femme de développer un cancer du sein. En Belgique, on estime que 10500 nouveaux cas de cancer du sein sont déclarés chaque année. Le cancer du sein représente la cause la plus importante de décès par cancer chez les femmes dans le monde entier. Il est dès lors important de se faire dépister et de continuer la recherche médicale. C’est le but de Vincent Wuidar, qui cherche à permettre aux femmes d’utiliser des traitements de laménopause sans augmenter leur risque de cancer du sein. Le Sprimontois a réalisé ses études secondaires à l’Institut Saint-Roch à Theux. Il se dirige naturellement vers les options de sciences et mathématiques. « Depuis tout petit, je suis passionné par le monde scientifique. J’étais fasciné par la découverte de ce qu’on ne pouvait voir à l’œil nu. » Il ne perd pas le fil de sa passion puisqu’il suit un bachelier en Sciences Biomédicales à l’Université de Liège dès 2015 puis unmaster dans la même branche qu’il obtient en 2020. Depuis, il est doctorant au sein du GIGA-cancer, dans le Laboratoire de Biologie des Tumeurs et du Développement sous la supervision du Docteur Christel Péqueux. LA VOIE D’ADMINISTRATION PEUT TOUT CHANGER Tout commence dans les années 2000, lorsqu’un traitement hormonal de la ménopause est mis sur lemarché sous forme de spray intranasal, une autre voie d’administration que la voie orale devenue la plus utilisée de nos jours pour ces traitements hormonaux. « Il a été mis sur le marché en même temps que les premières publications des études épidémiologiques qui décrivaient l’association entre la prise des traitements hormonaux de laménopause et un risque accru de développer le cancer du sein. » Dans ce climat où hormones et santé des femmes posaient question, les prescriptions pour le traitement ont diminué et le traitement a été retiré du marché. « Une étude a démontré qu’il était tout aussi e cace que les autres traitements, mais sa sécurité au niveau du cancer du sein n’a pas été évaluée. » La recherche de Vincent Wuidar s’inscrit dans cette continuité. « Dans nos études précliniques, nous évaluons l’e et des voies d’administration des œstrogènes sur le cancer du sein et nous étudions les mécanismes moléculaires qui expliqueraient les di érences observées. » Deux modes d’administration sont étudiés : une administration continue mimant la voie orale et une administration pulsée mimant les voies intranasale et sublinguale. L’objectif de l’étude, explique le Sprimontois, « c’est de développer des traitements hormonaux qui soient plus sûrs. Nous travaillons plutôt sur le côté préventif. » Plusieurs modèles sont mis en place pour étudier ces e˜ets. « Pour le premier, nous utilisons des cellules cancéreuses humaines que l’on traite avec nos di érents types d’administration d’œstrogènes. » Le deuxième est l’utilisation de la souris : « Nous prenons un tissu du cancer du sein du patient qu’on met en sous-cutané chez la souris. Nous la traitons ensuite soit demanière continue, soit demanière pulsée avec les di érents types de traitement oestrogénique et nous observons l’évolution du cancer. » Le dernier modèle est tout récent : « C’est le modèle d’organoïde, nous reproduisons l’organe humain en culture. Nous pouvons ainsi traiter le tissu de la patiente et voir directement comment il réagit en fonction des di érents traitements administrés. » À LA MÉNOPAUSE, 80 % DES FEMMES VONT DÉVELOPPER DES SYMPTÔMES « Beaucoup de femmes ont peur de prendre des hormones, car elles savent qu’il y a un risque, et donc beaucoup ne se traitent pas. Pourtant, à la ménopause, il y a au moins 80 % de femmes qui vont développer des symptômes, comme des bou ées de chaleur qui impactent très négativement leur qualité de vie. » Le but de l’étude en cours est donc de développer un traitement qui contre les symptômes de la ménopause sans augmenter le risque de cancer du sein. « Ça leur permettrait d’être beaucoup plus sereines. » Pour mener ce projet à bien, Vincent Wuidar est aidé par plusieurs organismes, notamment la Fondation Léon Fredericq. « Nous avons reçu plusieurs bourses d’études de la part de la Fondation Léon Fredericq. Nous avons été soutenus chaque année. Plus récemment, nous avons également reçu la bourse Mithra Pharmaceuticals. » En parallèle, le Télévie et le FNRS financent également l’étude. « D’une part, cela finance mon salaire et d’autre part, cela permet de financer les frais de fonctionnement liés à l’étude. Toutes ces aides sont indispensables et à ne pas négliger. » MILÉNA DE PAOLI CONCILIER œstrogènes, ménopause et cancers du sein VINCENT WUIDAR Chercheur du mois Plus d'informations : quentin.boniver@chuliege.be | | | Promotion des Jeunes Talents Scientifiques sélectionnés pour 2023 www.fondationleonfredericq.be 25 novembre 2022 23 novembre 2022 18.30 Cocktail à la Griffe de la Médiacité 20.00 Dîner de gala au Studio 40 de Média Rives Soirée de Gala PRO.JE.T.S 2023 | SAVE THE DATE Bd Raymond Poincaré 15, 4020 Liège 09

Longtemps négligée parce qu’elle ne menace pas directement la vie, l’insu sance tricuspide peut en réalité devenir très sévère et mener insidieusement à l’insu sance cardiaque. Bonne nouvelle : un système de « clips » remarquablement e cace permet désormais de traiter la maladie sans chirurgie lourde ! En Wallonie, le CHU de Liège est le seul centre à réaliser ce type d’intervention. Les conditions d’accès sont encore strictes, mais appelées à s’élargir dans les années à venir. Contrairement aux valves du cœur gauche, celles du cœur droit (dont la tricuspide) peuvent fuiter légèrement sans mettre en danger la vie du patient dans l’immédiat. « D’ailleurs énormément de personnes (environ 70 %) ont une petite insu sance tricuspide sans sou rir de symptômes particuliers », entame le Pr. Patrizio Lancellotti, chef du Service de Cardiologie du CHU de Liège. « C’est pourquoi jusqu’ici la pathologie n’inquiétait guère les cardiologues… Mais on a récemment mis en exergue qu’il existait des formes très sévères d’insu sance tricuspide, et même extrêmement sévères ». Au fur et à mesure que le patient avance en âge, ces formes sévères évoluent insidieusement en insu…sance cardiaque irréversible, provoquant petit à petit des di…cultés à respirer (dyspnées), de l’hypotension, des troubles de la coagulation du sang et même des troubles du foie pouvant aller jusqu’à la cirrhose. Unmal qui concernerait tout demême 1 personne sur environ 60000 personnes en Belgique! UNE SORTIE DU DÉSERT THÉRAPEUTIQUE Comme on a longtemps pensé que les fuites de la valve tricuspide étaient bien tolérées sur le long terme, aucun traitement e…cace n’avait encore été mis au point, raison pour laquelle on l’appelle la «valve oubliée» du cœur. Il existe bien une opération chirurgicale possible, mais comme l’explique le Pr. Lancellotti « avec un taux de mortalité postopératoire qui frise les 10 %, on comprend que les médecins ne s’y risquent pas ! ». Si bien que jusqu’ici, la seule chose que l’on pouvait proposer aux patients était des diurétiques pour atténuer les symptômes de la maladie. « Moyennement e caces, ces médicaments n’ont surtout aucun e et sur l’évolution de la maladie ni sur l’espérance de vie... ». Dans ce contexte, on devine à quel point l’arrivée récente d’un traitement spécifique à l’insu…sance tricuspide représente une petite révolution pour des millions de patients à travers le monde! Baptisé «TriClip», il s’agit d’un système « de petites pinces à linge que l’on vient placer sur un ou plusieurs feuillets défaillants de la valve tricuspide (qui en comporte trois, d’où son nom) pour améliorer son étanchéité. L’étanchéité n’a pas besoin d’être parfaitement restaurée : comme cette valve est soumise à une basse pression, toute diminution de la fuite améliore considérablement la situation du patient », explique le cardiologue. Enfin un traitement pour la « valve oubliée » du cœur ! CARDIOLOGIE | INSUFFISANCE TRICUSPIDE ÀQUOI SERVENT LESVALVESCARDIAQUES? Au nombre de quatre, les valves du cœur forment un système d’étanchéité qui assure le passage du sang d’une cavité à l’autre, toujours dans le même sens (un peu à la façon d’une soupape de sécurité qui empêche l’air de s’échapper, comme les bouchons anti-retour des matelas pneumatiques). Lorsque ces valves fuitent, elles provoquent des régurgitations (ou reflux) du sang dans le cœur, et mènent progressivement à l’insu…sance cardiaque. PATRIZIO LANCELLOTTI Chef du service de Cardiologie du CHU de Liège L’INTERVENTION EN PRA TIQUE AU CHU DE LIÈGE Pionnier de la technique en Wallonie, le CHU de Liège a placé ses premiers TriClips il y a deux ans, sous les doigts experts du Pr. Lancellotti et de ses collègues. Si le principe est relativement simple, sa mise en place réclame une solide expérience. Principalement parce qu’il s’agit d’une technique percutanée : les clips se placent sans ouvrir le cœur, à l’aide d’un cathéter qui passe à travers la peau. Le cardiologue interventionnel se guide alors à l’aide du contrôle échographique en direct pour atteindre les feuillets endommagés de la valve tricuspide. Après deux ans de pratique, le cardiologue constate « d’excellents résultats avec ce système : les symptômes s’améliorent très rapidement, et les patients sont ravis ! ». 10

11 Énormément de personnes (environ 70%) ont une petite insu sance tricuspide sans sou rir de symptômes particuliers « On est très loin d’une opération à cœur ouvert ! » À l’instar d’autres techniques percutanées, ses avantages pour le patient sont indéniables comparés à une chirurgie : « La pose d’un TriClip présente peu de risque, elle ne nécessite qu’une courte hospitalisation de deux ou trois jours, et aucune convalescence liée à l’intervention! ». Réalisée en 20minutes voire maximum deux heures (en fonction du nombre de clips), « elle se fait sous anesthésie générale simplement pour éviter que le patient ne bouge ». La technique n’est pas encore remboursée en Belgique, de sorte que c’est l’hôpital qui prend en charge les coûts de l’intervention (exceptés ceux de l’hospitalisation proprement dite). Une véritable aubaine pour les patients qui ont la chance d’être admis, « car les conditions d’accès sont encore assez strictes », tempère le Pr. Lancellotti. « Il faut présenter une forme sévère, sourir d’un certain nombre de symptômes, ne pas avoir d’hypertension pulmonaire… ». Toutefois à en croire le cardiologue, « ces conditions devraient s’élargir dans les années à venir et nous permettront de soigner davantage de patients ! ». JEN D. TÉMOIGNAGE MA VIE A COMPLÈTEMENT CHANGÉ EN QUELQUES JOURS ! Atteint d’insu‹sance tricuspide sévère depuis des années sans le savoir, L. H., 88 ans, résident de Mehagne (Embourg), a été opéré au CHU de Liège pour la pose d’un Triclip le 29 juin dernier. Il n’en revient toujours pas. « Cela fait plus de vingt ans que j’ai des problèmes cardiaques. On m’a posé un pacemaker en 2002, mais mon quotidien n’a pas cessé de se déteriorer. Petit à petit, je me suis senti de plus en plus mal et essouˆé, je perdais l’équilibre et mes jambes sont devenues terriblement gonflées, au point d’avoir de grandes difficultés pour marcher, alors que j’adore cela. J’avais de plus en plus de mal à respirer aussi, surtout durant les grosses chaleurs d’été. Chaque mois qui passait me voyait perdre un peu plus d’autonomie. Mon épouse et ma fille devaient m’aider pour tout car même me baisser ou lacer mes chaussures, je ne savais plus le faire seul. Je me sentais de plus en plus faible, comme une loque… Pourtant je suis un ancien militaire entraîné aux eort soutenus, j’ai toujours eu une bonne condition physique et une bonne hygiène de vie. Alors c’est dur. Le moral en prend un coup. Mon cardiologue pensait que j’avais peut-être un problème de valve du côté droit. Il m’a prescrit des diurétiques, sans que les choses ne s’améliorent vraiment, excepté que je perdais des litres d’eau… Jusqu’à ce qu’il me conseille de contacter le Professeur Lancellotti. Qui a tout de suite décelé que je sourais en fait d’insu”sance tricuspide. Je songeais qu’à 88 ans, personne ne voudrait plus m’opérer... Et pourtant si ! Après une série d’examens préliminaires, l’opération fut planifiée. C’était le 29 juin dernier. Lorsque je me suis réveillé dans la chambre aux côtés de mon épouse, je lui ai demandé « C’est quand qu’on m’opère ? ». Aucune douleur, aucun malaise, comme si rien ne s’était passé. Mais une fois descendu du lit, quelle diérence ! L’eet a été immédiat : je sentais à nouveaumes pieds, mes tibias, mes mollets… Comme si mon corps avait été endormi depuis longtemps. Je ne suis resté que quelques jours à l’hôpital. Et depuis, ma vie a complètement changé ! Je revis ! Je respire à nouveau convenablement et j’ai pu recommencer à marcher, au bras de ma fille puis avec une canne, le temps de récupérer du muscle et de l’équilibre. Aujourd’hui je monte les escaliers à mon aise et fais à nouveau moi-même tous ces petits gestes du quotidien qui m’ont manqué… C’était inespéré. À présent, je suis impatient du retour des beaux jours pour partir en promenade ! Je tiens à remercier vivement le Professeur Lancellotti et ses assistants qui, avec cette opération, ont fortement amélioré mon confort de vie. » PROPOS RECUEILLIS PAR JEN D.

12 ÉGALITE DES CHANCES | SANTÉ Tout le monde a droit à des soins de santé de qualité. Cela suppose toutefois de pouvoir interagir avec les personnes qui nous soignent. Expliquer, comprendre, poser des questions… Comment faire quand la langue est un obstacle ? Personne ressource précieuse, le médiateur interculturel est bien plus qu’un interprète. Il est là pour créer des ponts entre la culture et la langue du patient et celles de son médecin. Depuis quelques années, le nombre de patients du CHU de Liège ne parlant pas (ou pas bien), le français est en augmentation. Pour aider ceux-ci à comprendre et à se faire comprendre, on pense tout naturellement à des interprètes. Il est vrai que le CHU de Liège peut faire appel à un réseau d’interprètes pour un nombre important de langues. Ces interprètes sont soit des membres du personnel volontaires qui maîtrisent une langue étrangère et viennent dépanner en cas de besoin ponctuel ou urgent, soit des personnes extérieures formées, car certaines langues sont rares et plus compliquées à trouver. On pense par exemple au mandarin, au japonais, à certaines langues ou dialectes africains… Nous recevons aussi des patients qui ne communiquent qu’en langage des signes. AU DELÀ DES MOTS Si le rôle d’un interprète est de traduire mot à mot, parfois, pour se comprendre vraiment, il est bon d’aller au-delà. C’est à cela que sert un médiateur interculturel. « Si je dois définir le but de la médiation interculturelle en quelques mots, je dirais que c’est de permettre de faire tomber un maximum de barrières socioculturelles, et donc de permettre aux personnes qui ne parlent pas la langue d’accueil de pouvoir comprendre, dans leur langue, tout ce qu’on leur demande et tout ce qui va leur arriver, tout en permettant une meilleure compréhension de la culture d’accueil et de la culture du patient », explique Tuna Cam, coordinatrice de médiation interculturelle et assistante sociale au Service de Psychologie Clinique et d’Action Sociale du CHU de Liège. « La médiation interculturelle permet d’éviter les incompréhensions inutiles qui peuvent survenir entre des personnes de cultures diérentes, et dont certaines peuvent conduire à une coupure de la relation entre médecin et patient. » Par exemple, dans certaines cultures, les personnes parlent fort ou s’expriment avec une intonation marquée. « Le médecin pourrait alors se demander pourquoi la personne “crie” ou pourrait se sentir agressé. Mais en fait, la personne ne fait que parler ! » UN CLIMAT DE CONFIANCE ESSENTIEL Autre situation que l’on rencontre parfois : « Un rendez-vous est pris pour une patiente musulmane avec un médecin homme. Cela pourrait engendrer certaines di„cultés, car dans la culture musulmane, certaines femmes préfèrent être auscultées par des femmes. Si elles se retrouvent face à un médecin homme, elles risquent de se fermer », explique notre coordinatrice de médiation interculturelle. Un médiateur interculturel est donc là pour veiller à instaurer un climat serein et de confiance. Qui fait appel à un médiateur interculturel ? « Parfois, la famille nous contacte. Parfois, en cas d’hospitalisation, les secrétariats médicaux de l’hôpital se rendent compte que le patient ne parle pas français, parfois ce sont les médecins ou les infirmières de coordination, ou les assistants sociaux… » Vu l’importance de la confiance, il arrive que des patients réclament le même médiateur interculturel tout au long de leur trajet de soins au CHU de Liège. « Cela nous amène à jouer parfois un peu un rôle de psychologue », confie Tuna Cam. Un rôle qui peut être très éprouvant émotionnellement, mais tellement indispensable pour faire sauter les barrières entre les personnes. LILIANE FANELLO Comment faire appel à la médiation interculturelle au CHU de Liège ? Contactez le secrétariat du Service de Psychologie Clinique et d’Action Sociale au 04/323 70 74. Ou bien complétez le formulaire de demande d’interprète sur le site du CHU de Liège. En tapant « interprète » dans la barre de recherche, vous arriverez directement sur la bonne page ! TUNA CAM Coordinatrice de médiation interculturelle et assistante sociale au Service de Psychologie Clinique et d’Action Sociale du CHU de Liège LAMÉDIATION INTERCULTURELLE pour franchir les barrières 18 LANGUES Actuellement, au sein du CHU de Liège, nous disposons d’à peu près 100 agents qui parlent une ou plusieurs langues, et 18 langues di érentes sont représentées.

13 LE CAS DE LA MÉDIATRICE| CAS CONCRETS Contact : mediation.hospitaliere@chuliege.be UN PATIENT CAROLINE DOPPAGNE Médiatrice Quand la médiation hospitalière fait appel à la médiation culturelle RÉPONSE DE LA MÉDIATRICE : Lorsque j’eus à traiter ce dossier, il y a presque 10 ans, il m’a évoqué les écrits de l’anthropologue Edouard T. HALL, et ce qu’il exprime dans son ouvrage Au-delà de la culture (S1979), à savoir que « ce que l’homme choisit de percevoir, consciemment ou inconsciemment, est ce qui donne signification et structure à son univers ». Dans une pareille situation, nous étions face à des univers de cultures di‡érentes, la famille de ce patient habitant dans plusieurs pays, dont un sur un autre continent. Edouard T. HALL souligne dans son livre que « chaque culture n’est pas seulement un ensemble intégré, mais possède ses propres règles d’apprentissage. Celles-ci sont renforcées par des modèles diérents d’organisation globale. Comprendre une culture diérente consiste en grande partie à connaître son mode d’organisation, et à savoir comment s’y prendre pour en acquérir la connaissance dans cette culture-là ». Face à ce constat, un service de Médiation interculturelle est d’une grande aide. En e‡et, le service de Médiation hospitalière a pour objectif d’ouvrir le dialogue en vue de trouver une solution la plus satisfaisante pour chacune des parties. Dans les situations où se confondent de nombreux « représentants du patients », issus de cultures di‡érentes, ne parlant pas non plus le français, pratiquer une co-médiation selon les périmètres de chacun des services sera d’un grand soutien, tant pour les patients et leurs proches que pour les prestataires de soins. A l’époque de ce dossier, le service concerné et moi-même avions donc fait appel à des interprètes internes, car tel était le fonctionnement à ce moment-là. Il s’agissait de membres du personnel attachés au CHU. Ces personnes dégageaient du temps afin d’accompagner la demande, sans avoir spécifiquement une formation en interprétariat, accomplissant cela sur base volontaire. Les interventions étaient toutefois limitées dans le temps dans le respect de l’éthique. Par ailleurs, il était également possible de faire appel au SETIS Wallon, un service d’interprètes formés en la matière, mais aussi à l’ASBL Le monde des possibles, qui propose des interprètes afin de lutter contre l’exclusion et travailler à une participation active dans la vie sociale, culturelle, politique et professionnelle. Soucieux du respect des coutumes, cultures, mœurs, et conscient que les barrières culturelles et linguistiques rendent les soins plus dišciles, le CHU de Liège dispose désormais d’un service de Médiation interculturelle à part entière. « Le but de ce service est de limiter le plus possible les barrières linguistiques, les barrières socio-culturelles et les tensions interethniques dans le contexte de l’assistance médicale » (*). Dans le cas exposé ci-dessus, nous avions mis en place plusieurs rencontres en médiation, avec le soutien d’interprètes. A l’issue des échanges, l’objectif fut d’autonomiser le patient, être attentif à son « bien-être » et lui permettre un retour chez lui, au-delà de notre culture. (*) https://www.health.belgium.be/fr/sante/organisation-des-soins-de-sante/qualite-des-soins/mediation-interculturelle-dans-les-soins-de#Introduction REQUÊTE ADRESSÉE AU SERVICE DE MÉDIATION EXTRAITS : (…) Nous n’observons donc aucune évolution favorable de ce patient et ce après des mois d’hospitalisation (dans son pays d’origine, ensuite en Allemagne puis au CHU). Monsieur est dépendant du respirateur, le sevrage s’avère toujours impossible. Dans ces conditions, nous n’avons aucune option d’institution pouvant le prendre en charge par la suite, ni de solution au long terme. (…) Après multiples discussions avec la famille, dont une en présence d’Imam et traducteurs, nous n’aboutissons à aucune entente commune et aucune issue. La famille refusant tout échange maintient le souhait d’un acharnement thérapeutique. Le patient n’est pas capable de s’exprimer. Nous sommes dans une impasse quant à la suite de la prise en charge. Nous sollicitons dès lors votre aide et votre soutien face à cette situation.

L’asthme est souvent diagnostiqué à tort, parce que ses symptômes sont volontiers trompeurs. Pour remédier à cela, le CHU et l’ULiège ont mené une task force européenne sur l’asthme durant quatre ans, en collaboration avec une dizaine d’autres universités. Leur mission est à présent accomplie : des guidelines internationales ont vu le jour, et devraient améliorer le diagnostic de la maladie dans toute l’Europe. Avec 5 à 10 % de la population touchée, tout le monde connaît au moins un asthmatique. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître pour une maladie si familière, en matière de diagnostic chaque médecin et chaque institution de soins fait un peu à sa mode. Pourquoi ? Parce que jusqu’ici « il n’existait aucune recommandation nationale ou internationale sur la « bonne manière » d’identifier lamaladie », explique le Pr. Renaud Louis, chef du Service de Pneumologie du CHU de Liège. « De plus, les médecins non spécialistes ne connaissent pas toujours les tests les plus e cients ou ne sont pas équipés pour les réaliser, si bien que la plupart proposent des traitements aux patients sur base de leurs symptômes : essou ement, toux, si ement respiratoire, sécrétions… ». Le problème est que ces symptômes peuvent avoir une autre cause : « Une bronchite récalcitrante ou une autre infection respiratoire, un reflux gastrique ou même certaines maladies ORL ressemblent parfois à s’y méprendre à de l’asthme », précise le pneumologue. Résultat : environ 30 % de patients sont étiquetés « asthmatiques » à tort et prennent un traitement quotidien (type inuvair/symbicort ou ventolin) à long terme alors que ce n’est pas utile ! Comment savoir si l’on est réellement asthmatique ? Alors, asthmatique ou pas ? Pour le savoir, il n’est pas forcément nécessaire de courir à l’hôpital en pneumologie. C’est tout l’intérêt du travail réalisé par la task force européenne : « On dispose à présent de lignes de conduite pour diagnostiquer l’asthme de manière assez précise à l’aide de tests rapides, très peu contraignants et réalisables en médecine générale », se réjouit le Pr. Louis. Il précise : « Le test diagnostic par excellence est la spirométrie, qui mesure le débit d’air expiré. Chez un asthmatique, ce débit est fluctuant en plus du déclin de la fonction respiratoire. Ce test permet donc de distinguer l’asthme d’autres a‡ections respiratoires ! ». Pour le patient, il s’agit simplement d’inspirer puis d’expirer profondément dans un tuyau, et le résultat apparaît en quelques secondes. Si la spirométrie n’est pas concluante, « on peut alors réaliser un deuxième test tout aussi simple, où le patient sou e pendant quelques secondes dans un appareil qui mesure le taux de monoxyde d’azote (NO) dans l’haleine, un peu comme pour un alcootest ». Et c’est dans les quelques cas où ces tests ne sušsent pas à poser un diagnostic qu’on peut envoyer le patient en pneumologie pour subir un test dit « de provocation » : « un peu plus contraignant, il permet de détecter une éventuelle hyperréactivité des bronches après l’inhalation d’un produit bronchoconstricteur ». Ce que les patients conseillent à leur doc’ Chose assez rare, la task force européenne a sollicité la contribution de patients pour mettre au point le schéma de diagnostic : « L’idée était de tenir compte de leurs préférences et de leurs avis concernant les tests », sur le mode « ce que les patients conseillent à leur médecin » ! Publié le mois dernier dans la revue européenne de pneumologie (European Respiratory Journal), ce schéma de tests est voué à s’imposer comme un standard international de pratique pour les médecins. Même si à l’heure actuelle quelquesmaisonsmédicales et cabinets de médecine générale sont déjà équipés et prêts, le Pr. Louis espère que « ces nouvelles recommandations inciteront davantage de médecins généralistes à proposer ces tests à leurs patients ». Si leur publication produit bien l’ežet escompté, les patients devraient pouvoir compter à l’avenir sur un bon diagnostic chez leur généraliste, sans passer par la case hôpital. JEN D. RENAUD LOUIS Chef du Service de Pneumologie du CHU de Liège POURQUOI Y A T IL PLUS D’ASTHMATIQUES QU’AVANT ? Même si l’asthme est parfois sur-diagnostiqué, la maladie a clairement explosé entre les années 50 et les années 2000. Les trois grands responsables sont : ■ la pollution de l’air (en particulier les particules fines dégagées par les carburants diesel) ■ des modes de vie plus sédentaires favorisant le surpoids (souvent lié à l’asthme) et une plus grande exposition à certains allergènes : acariens des tapis et moquettes, poils des animaux domestiques… ■ l’hyper-hygiène : avec les antibiotiques, les vaccins et l’excès de propreté en général, l’organisme est de moins en moins confronté à des agents infectieux durant la petite enfance, ce qui favorise le développement d’allergies (60 % des asthmes sont allergiques). Une personne sur trois traitée pour l’asthme n’est pas asthmatique ! PNEUMOLOGIE | TRAITEMENT 14

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