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14 COMITE DE PATIENT | LA CHRONIQUE Donner son corps à la science … et le deuil des proches ? La chronique de ce mois interpelle intimement nos conceptions morales ou éthiques touchant à la formation médicale. À l’origine, la philanthropie (étymologiquement définie comme étant la bienveillance envers la nature humaine) concernait de façon très élitiste la générosité des puissants adressée au soutien des classes pauvres. En faveur de ces dernières, le modèle de l’État-Providence s’est élevé depuis la Révolution française au rang de pourvoyeur de l’assistance publique. Il est, à ce jour, devenu la norme dans nos sociétés européennes et a relégué à l’arrière-plan la charité privée sans néanmoins pouvoir intégralement la remplacer. À l’heure actuelle, la décision du don de son corps à la science a naturellement rejoint le contrat social scellant l’équité de chacun en regard de la vie et de la mort. La philanthropie englobe ainsi toutes les actions volontaires privées ayant un but d’utilité publique. Dans le cas présent, la base de notre réflexion est évidemment liée à la pratique de la médecine hospitalière dédicacée à long terme aumieux-être des patients que nous sommes. Qu’en est-il du don de notre corps à la science? L’histoire de la médecine fait grand cas des conflits d’ordre moral et religieux engendrés par les travaux d’André Vésale dans le courant de la première moitié du 16ème siècle. Celui-ci est encore considéré comme le plus grand anatomiste de la Renaissance, sinon de l’histoire de la médecine. En prônant la pratique de la dissection et de l’expérimentation, il inscrit l’anatomie au rang des bases de la formation médicale. Dans son ouvrage «De humani corporis fabrica », il publie avec courage, sinon risques pour son existence, les premières représentations graphiques de corps disséqués. Rapidement, les polémiques que suscitent les atteintes à l’existence de « l’âme», à l’époque où domine en Europe la philosophie scolastique, traduisent l’interférence du fait religieux et de la recherche médicale. Au cours du 18ème siècle, les philosophes des Lumières viennent à l’appui de la médecine expérimentale pour encourager la liberté de penser et de diffuser lesmodèles des principaux systèmes vitaux que sont les systèmes cardiovasculaire, respiratoire, digestif, sensori-moteur et nerveux. Qu’en est-il néanmoins du deuil inexorablement attaché à la perte d’un être cher ? Le paradigme essentiel de notre morale de la philanthropie et celle du deuil nous conduit à opposer l’altruisme du premier à l’intériorité du deuxième. Nous nous présenterions donc de façonmanichéenne soit sous la bannière des valeurs du don de soi, soit sur celle du désaveu de la non reconnaissance de notre appartenance sociétale en général, familiale en particulier. La pénibilité liée, tant à la perte qu’au deuil, s’inscrit donc inexorablement dans le cadre d’un vécu affectif conflictuel. La traduction de ce processus en termes de travail de deuil est liée aux réflexions de Sigmund Freud dans l’article «Deuil etmélancolie» en 1917. Ce processus psychique incontournable est inhérent à la perte d’un objet d’attachement, d’un être cher. Dans ce cadre, le deuil impose la création de liens compensant l’être perdu en le remplaçant par une abstraction idéale, une imagementale re créatrice. De ce fait, l’impossibilité dans laquelle nous nous trouverions de pallier la perte par cette compensation nous empêche parfois d’en assumer les conséquences, développant des comportements inadaptés variant entre les expressions dépressives possiblement suicidaires ou diverses pathologies tant somatiques que comportementales. Il conviendrait en tout état de cause de se réinvestir, se reconstruire, accepter que la vie continue en l’absence de la personne qui nous est chère. Nous appelons cela remplacer la perte de l’être en vie par le vécu d’une présence intérieure. Quid d’un double deuil ? À la suite du don de son enveloppe corporelle à la science, il nous faut pourtant appréhender l’éventualité que le deuil constitue une épreuve d’autant plus traumatisante pour notre affectivité que le corps du défunt pourrait ne pas faire l’objet d’une inhumation ou d’une incinération inscrite l’une et l’autre dans nos pratiques sociétales traditionnelles. Or, toutes deux sont symboliquement associées au processus de renaissance de l’identité du défunt. Cette contrainte éprouvante est malheureusement indissociable de la contrainte biologique qui impose que les organes corporels fassent l’objet du processus de dissection dans un délai extrêmement restreint. Le processus de décomposition des tissus débute en moyenne 48 heures après l’arrêt de leur oxygénation. Comment dès lors affronter cette double rencontre avec la mort que constituera le départ du corps vers une institution universitaire suivie quelques temps après de la restitution des organes à la famille. Les impératifs de notre Raison devraient néanmoins nous conduire vers l’unique évidence de la mort au titre d’étape ultime de la condition humaine. - Le choc «critique» lié au décès survient lors de la perte de l’être cher. Ce sera l’étape des émotions intimes et de la distanciation sociale. Ce sera aussi le rôle de l’environnement social de prendre l’initiative demaintenir au sein de leur communauté celles et ceux qui sont endeuillés. - Le choc «crucial » interviendra à la suite du constat irréversible de la rupture des liens affectifs. Ce sera l’étape du soutien psychologique qui aidera chacun à affronter la perspective angoissante de sa propre disparition. - L’étape «re créatrice» pourra être attendue dans un délai variant d’un individu à l’autre. L’évolution idéale voudrait que la personne endeuillée intègre la perte, reprenne vie et, surtout, intériorise l’image du défunt. Bien qu’avec difficulté mais aussi avec objectivité, nous pourrons reconnaître que le deuil constitue un tout indivisible entendant par-là que chaque étape de ce processus qui sera franchie restera acquise quel que soit le moment choisi pour entamer un cérémonial funèbre. Nous devons admettre qu’il ressort essentiellement du choix des proches de lier intimement leur deuil à la présence effective de la dépouille mortelle lors de l’inhumation ou la crémation. Il nous est un devoir tout aussi respectueux de reconnaitre la volonté du défunt qui a décidé de poser un dernier acte philanthropique quant à la destinée de sa propre dépouille. À l’issue du processus de deuil, le MOI redeviendrait libre comme avant, pourrait conclure Freud. Peut-être pourrions-nous également conclure sur lesmêmes bases en acceptant que le double choc affectif lié au décès luimême, suivi ensuite du souvenir ranimé par la récupération de la dépouillemortelle, soit compris comme l’intégration en une seule et même reconstruction de l’image du défunt, voire une opportunité supplémentaire d’honorer son souvenir. Jacques GLAUDE Parler de ses peines, c’est déjà se consoler. Albert Camus La mort de l’autre nous renvoie à l’idée de notre propre mort et à l’angoisse qu’elle provoque.

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