Les TOC, ces "petites manies" irrépressibles

Chaque année, des enfants atteints d’une maladie génétique meurent aux soins intensifs faute de diagnostic. En cause : des délais de plus de 6mois pour obtenir une analyse du génome. Récemment, des chercheurs du CHU et de l’ULiège sont parvenus à écraser ce délai à seulement 40 heures, et ont déjà sauvé plusieurs petits ! Dans les soins intensifs (SI) pédiatriques et de néonatologie, près d’un décès sur cinq est dû à unemaladie génétique. Parce qu’avec des délais de 6 à 12 mois pour analyser le génome, le diagnostic arrive souvent trop tard, ou laisse des enfants avec des séquelles irréversibles. Grâce à un projet pilote wallon de séquençage rapide du génome lancé il y a un peu plus d’un an dans le giron de l’ULiège et du CHU de Liège, ce délai a été compressé à seulement quelques dizaines d’heures pour les enfants en SI chez lesquels on suspecte une maladie génétique. Un tour de force technique et logistique qui a déjà permis de sauver plusieurs vies, en collaboration avec le CHR Citadelle et le CHC MontLégia. À l’origine du projet, le Laboratoire de Génétique Humaine (GIGA) du Pr. Vincent Bours, avec à la manœuvre le Dr Aimé Lumaka Zola, pédiatre généticien. Le chercheur lève déjà le voile sur ses premiers résultats : « Sur dix enfants testés, nous avons pu identifier les mutations génétiques pour six d’entre eux ! ». Autrement dit, le test s’avère beaucoup plus performant que les tests classiques, qui résolvent autour de 40 % des cas. Le tout en un temps record, à peine 40 heures s’étant écoulées entre la prescription du test et l’arrivée du diagnostic. « L’enfant peut alors être pris en charge très rapidement avant que son état ne s’aggrave ou que le pire n’arrive ». Il faut dire que le Dr Lumaka Zola et son équipe technique menée par Mme Corinne Fasquelle ne ménagent pas leurs efforts, travaillant la nuit comme le week-end dans une course contre lamontre lorsqu’une demande leur parvient. TIMING RECORD : COMMENT ONT-ILS FAIT ? Sur le terrain, ils sont une petite équipe d’une dizaine de personnes, entièrement dédiée à ces analyses génétiques 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Mais la clé de leur record réside aussi dans l’adoption d’une nouvelle technique de séquençage massif du génome appelée Next Generation Sequencing, «qui permet d’étudier l’entièreté du matériel génétique de plusieurs individus à la fois à partir d’un simple échantillon sanguin. Cette technique est beaucoup plus rapide que les tests actuels, qui analysent l’un après l’autre tous les gènes suspects…Sachant qu’il existe 25.000 gènes et 8.000 maladies monogéniques connues ! », explique le Dr Lumaka Zola. Parallèlement, le Laboratoire liégeois amis en place une sorte de circuit court : «Toutes lesmanipulations et les recherches se font entièrement au GIGA, de façon à raccourcir au maximum les délais ». Le projet bénéficie, par ailleurs, d’une solide infrastructure préexistante : «En Wallonie, les hôpitaux sont déjà établis en réseau, avec un système de communication des informations et de transfert des échantillons qui fonctionne bien. Cela n’existe pas aux USA par exemple. ». COMMENT LE PETIT LUCIEN A ÉTÉ SAUVÉ IN EXTREMIS À 15 MOIS ! Le parcours de Lucien, un petit garçon de 2 ans aujourd’hui, illustre particulièrement bien l’intérêt du projet pilote liégeois. Il avait seulement 15mois lorsqu’il a été hospitalisé pour des crises de convulsions : «Il arrive au CHRCitadelle en état critique, avec une détresse neurologique et une faiblesse musculaire généralisée, et doit être alimenté artificiellement ». Les cliniciens suspectent une myasthénie congénitale, et programment une biopsie musculaire sous anesthésie générale pour la semaine suivante. Le pédiatre propose alors d’intégrer immédiatement l’enfant au programme d’étude. Fort heureusement, les chercheurs ont pu fournir un diagnostic génétique avant la réalisation de la biopsie. Le Dr Lumaka Zola raconte : «L’enfant était en réalité porteur d’une maladie génétique dont les symptômes ressemblent fort à une myasthénie. Si le diagnostic était tombé quelques jours plus tard, l’enfant aurait subi une anesthésie générale pour une biopsie musculaire. Or certains produits utilisés pour les anesthésies générales accentuent les symptômes de cette maladie ! Une biopsie aurait donc aggravé son cas, alors qu’à présent il y a un réel espoir pour l’enfant ». Lucien est aujourd’hui sorti de l’hôpital. Le diagnostic génétique a permis d’identifier une thérapie génique qui pourrait le sauver, mais ce traitement doit encore faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché belge, que les parents de Lucien attendent impatiemment… TESTER LE PROJET À L’ÉCHELLE DE LA BELGIQUE À présent, l’équipe du projet pilote est en quête de nouveaux hôpitaux partenaires pour élargir l’expérience à l’échelle du pays, auprès de 30 enfants et leur famille d’ici la fin de l’année. Le CHU étant le seul centre de génétique en Belgique à réaliser ce test, « l’objectif est de pouvoir assurer un diagnostic aussi rapide pour des petits patients d’Ostende, d’Eupen ou de Mons ! ». Dans un second temps, il s’agira « de conclure un partenariat avec une société privée pour développer la commercialisation du test en Belgique et à l’étranger, et surtout d’obtenir des conditions de remboursement auprès des autorités belges », conclut le Dr Lumaka Zola qui veut croire à « un grand espoir pour les petits patients en état critique aux soins intensifs ». Jen D. Un diagnostic génétique en 40 HEURES CHRONO pour les enfants aux soins intensifs ! AIMÉ LUMAKA ZOLA Pédiatre généticien Grâce à ce test, on peut sauver des enfants ! SOINS INTENSIFS PÉDIATRIQUES| LA COURSE CONTRE LA MONTRE 05

RkJQdWJsaXNoZXIy MjkwMTYw