Les TOC, ces "petites manies" irrépressibles

02 Éditeur responsable I Sudinfo - Pierre Leerschool Rue de Coquelet, 134 - 5000 Namur Rédaction I Jenifer Devresse, Caroline Doppagne, Vincent Liévin, Jacques Glaude, Liliane Fanello, Arnaud Arseni, Lucas Druez, Frédérique Siccard Coordination I Delphine Gilman, Vincent Liévin, Rosaria Crapanzano Photographies I CHU de Liège, Michel Houet Mise en page I Creative Studio Impression I Rossel Printing EDITO I S’apaiser en douceur Que celui qui n’a pas déjà revérifié trois fois d’a lée s’il avait fermé sa voiture à clé, nous jette la première pierre! Ce 63e numéro de votre Journal se penche sur les TOC, ces « petites manies » bien encombrantes lorsqu’elles deviennent irrépressibles. Dans certains cas, la neurochirurgie o re l’espoir de retrouver une vie apaisée; nous faisons le point avec les spécialistes du Centre de référence TOC, puisque le CHU de Liège comprend l’un des cinq centres belges en charge de cette pathologie. Ce numéro met en lumière certains métiers. Le stomathérapeute d’abord: après une chirurgie, une maladie ou un accident, « vivre avec une poche » (stomie) ne va pas de soi; le stomathérapeute est ce professionnel qui accompagne le patient de manière holistique, en lui prodiguant les conseils utiles dans cette réalité nouvelle, vécue parfois di cilement au quotidien. Nous nous intéressons aussi au secrétaire médical, à l’occasion de la Fête des secrétaires: certes le métier est connu, mais connaissez-vous vraiment ses missions, son rôle, la diversité de ses activités? Le lien Humain-Animal est aussi mis à l’honneur, avec les bienfaits des chiens d’assistance auprès des patients hospitalisés, et les joies de l’hippothérapie pour les résidents du Home de Seny. Avec la nature qui reprend vie, nous nous penchons aussi sur la nécessité de verdir et bleuir les villes; la biodiversité a un impact sur notre bien-être mais aussi sur notre santé en général… nous aurions tort de nous en priver! D’autres sujets santé complètent ce numéro … nous vous en souhaitons une excellente lecture! LA RÉDACTION LE MOT [WALLON ] « È meûs d-avri, ni t’dihoûve nin d’on fi» «En avril, ne te découvre pas d’un fil » SANTÉ MENTALE| D’OÙ VIENNENT LES TOC? Nous avons tous nos petites manies. Verrouiller sa voiture deux fois d’affilée, compter les marches des escaliers, revérifier que le gaz est bien coupé… Ino ensives, ces petites routines du quotidien peuvent prendre chez certains des proportions ingérables, jusqu’à dégrader leur vie sociale, familiale et professionnelle. On les appelle alors des TOC, troubles obsessionnels compulsifs. « Contrairement à ce que l’on croit, se défaire d’un TOC n’est pas une question de volonté: c’est une vraiemaladie, liée à une dysfonction de certains circuits cérébraux », entame le Pr. Gabrielle Scantamburlo, cheffe du Service de Psychiatrie au CHU de Liège. En Belgique, le TOC touche 3 % de la population à des degrés divers, ce qui en fait «la 4e maladie psychiatrique la plus fréquente ». Elle se déclare la plupart du temps entre 10 et 25 ans, parfois jusqu’à 35. Le TOC associe deux aspects: «des obsessions telles que des idées fixes, des pensées ou images intrusives persistantes qui génèrent une anxiété, ou des compulsions, c’est-à-dire des comportements compulsifs répétés qui visent généralement à réduire cette anxiété, sous forme de rituels ». Pour la psychiatre, «On l’expérimente tou(te)s sans que ce soit nécessairement pathologique. Cela devient pathologique lorsque la personne passe plus d’une heure par jour à effectuer ces rituels, sans parvenir à les contrôler, au point de causer un handicap et une souffrance considérable ». On l’appelle aussi la «maladie du doute», car la personne qui souffre de TOC «est envahie d’un doute persistant, d’un sentiment de danger dont elle se sent responsable, et que les rituels viennent en quelque sorte conjurer». Les symptômes sont très variables, mais s’articulent souvent autour de thématiques dont les plus fréquentes sont «la propreté et la peur d’être contaminé, qui génèrent des rituels de lavage; l’ordre et la symétrie, associés à des rituels de rangement ou de comptage; la peur de commettre une erreur, précipitant des besoins de vérifications répétées ; ou encore les pensées interdites, comme la peur de commettre des actes agressifs ou violents, parfois en lien avec des rituels mentaux ». Une thématique est souvent prédominante, mais on peut aussi en cumuler plusieurs. DES COMPULSIONS QUI GÂCHENT LA VIE Ceux qui ont suivi la série américaine Shameless auront sans doute été marqués par le personnage de Sheila Jackson, cette femme tellement terrorisée par la saleté qu’elle n’est plus parvenue à sortir de sa maison depuis des années. Sheila n’est malheureusement pas une caricature : «Des personnes gravement atteintes peuvent passer leurs journées entières à effectuer des rituels de lavage et de rangement. Ils vont par exemple nettoyer leur salle de bains avant de se laver, puis renettoyer ensuite tout ce qu’ils avaient touché avant de s’être lavés, y compris les murs, les escaliers, les objets… Ce qui les amènera à devoir reprendre une douche ensuite. C’est un engrenage! Certains finissent par ne même plus sortir de leur lit de peur de salir ou de toucher des objets ». Les TOC fonctionnent comme un cercle vicieux infernal dont la personne ne parvient pas à se sortir : «lorsqu’elle perçoit une menace, elle s’impose des actions ritualisées pour tenter de contrôler ou soulager l’anxiété. Mais paradoxalement, ces actions accentuent le doute, avec en retour la répétition de rituels, et la machine s’emballe ». Les TOC sévères rendent la vie impossible et engendrent une grande souffrance «non seulement pour la personne mais aussi pour l’entourage. Cela peut entraîner des divorces, des licenciements professionnels, mener à l’isolement et à la dépression, aux troubles addictifs (drogues, alcoolisme) voire aux idées suicidaires ». D’OÙ VIENNENT LES TOC ? COMMENT LES SOIGNER ? Si les causes exactes ne sont pas parfaitement élucidées, on sait que les TOC sont prédisposés génétiquement et qu’ils évoluent au cours de la vie, notamment en fonction des événements et des variations hormonales : « la maladie peut se déclarer ou s’aggraver suite à un traumatisme, un deuil, un stress chronique, une grossesse… ». Plus fondamentalement, les TOC résultent «d’une intrication de mécanismes environnementaux et biopsychosociauxmais aussi neurobiologiques : les noyaux cérébraux liés aux signaux d’alarme (ceux qui nous avertissent de la présence d’un danger) sont suractivés, générant une sensation de menace inappropriée », explique le Pr. Scantamburlo. Cette dysfonction des réseaux cérébraux est justement la cible des traitements du TOC, même si on n’en «guérit » jamais vraiment: «On associe en général des antidépresseurs à forte dose qui régulent la sérotonine avec une thérapie cognitivo-comportementale pour repérer les croyances et réduire les rituels ». Efficaces pour la majorité des patients, ces traitements peuvent parfois se montrer insuffisants dans certains cas graves, «pour lesquels on peut alors avoir recours à la chirurgie, par stimulation cérébrale profonde ». Jen D. GABRIELLE SCANTAMBURLO Cheffe du Service de Psychiatrie «Plus lamaladie se déclare jeune, plus elle est sévère et di cile à soigner» «La personne est consciente de l’irrationalité de ses obsessions, mais ne parvient pas à les contrôler» TOC:

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