Les TOC, ces "petites manies" irrépressibles

Votre santé nous tient à cœur Le magazine de votre hôpital universitaire I Mensuel N°63 I AVRIL 2022 SANTÉ MENTALE | D'OÙ VIENNENT LES TOC ? L’HIPPOTHÉRAPIE, LE BIEN ÊTRE SOINS | L'APAISEMENT PAR LE CONTACT P. 08 SOINS INTENSIFS | SAUVER DES VIES 40h chrono pour un diagnostic pédiatrique P. 05 PP. 2-3 EMPLOI | PROXIMITÉ ET DISPONIBILITÉ Fête des secrétaires : Merci à vous P. 12 LES TOC, CES «PETITESMANIES» IRRÉPRESSIBLES

02 Éditeur responsable I Sudinfo - Pierre Leerschool Rue de Coquelet, 134 - 5000 Namur Rédaction I Jenifer Devresse, Caroline Doppagne, Vincent Liévin, Jacques Glaude, Liliane Fanello, Arnaud Arseni, Lucas Druez, Frédérique Siccard Coordination I Delphine Gilman, Vincent Liévin, Rosaria Crapanzano Photographies I CHU de Liège, Michel Houet Mise en page I Creative Studio Impression I Rossel Printing EDITO I S’apaiser en douceur Que celui qui n’a pas déjà revérifié trois fois d’a lée s’il avait fermé sa voiture à clé, nous jette la première pierre! Ce 63e numéro de votre Journal se penche sur les TOC, ces « petites manies » bien encombrantes lorsqu’elles deviennent irrépressibles. Dans certains cas, la neurochirurgie o re l’espoir de retrouver une vie apaisée; nous faisons le point avec les spécialistes du Centre de référence TOC, puisque le CHU de Liège comprend l’un des cinq centres belges en charge de cette pathologie. Ce numéro met en lumière certains métiers. Le stomathérapeute d’abord: après une chirurgie, une maladie ou un accident, « vivre avec une poche » (stomie) ne va pas de soi; le stomathérapeute est ce professionnel qui accompagne le patient de manière holistique, en lui prodiguant les conseils utiles dans cette réalité nouvelle, vécue parfois di cilement au quotidien. Nous nous intéressons aussi au secrétaire médical, à l’occasion de la Fête des secrétaires: certes le métier est connu, mais connaissez-vous vraiment ses missions, son rôle, la diversité de ses activités? Le lien Humain-Animal est aussi mis à l’honneur, avec les bienfaits des chiens d’assistance auprès des patients hospitalisés, et les joies de l’hippothérapie pour les résidents du Home de Seny. Avec la nature qui reprend vie, nous nous penchons aussi sur la nécessité de verdir et bleuir les villes; la biodiversité a un impact sur notre bien-être mais aussi sur notre santé en général… nous aurions tort de nous en priver! D’autres sujets santé complètent ce numéro … nous vous en souhaitons une excellente lecture! LA RÉDACTION LE MOT [WALLON ] « È meûs d-avri, ni t’dihoûve nin d’on fi» «En avril, ne te découvre pas d’un fil » SANTÉ MENTALE| D’OÙ VIENNENT LES TOC? Nous avons tous nos petites manies. Verrouiller sa voiture deux fois d’affilée, compter les marches des escaliers, revérifier que le gaz est bien coupé… Ino ensives, ces petites routines du quotidien peuvent prendre chez certains des proportions ingérables, jusqu’à dégrader leur vie sociale, familiale et professionnelle. On les appelle alors des TOC, troubles obsessionnels compulsifs. « Contrairement à ce que l’on croit, se défaire d’un TOC n’est pas une question de volonté: c’est une vraiemaladie, liée à une dysfonction de certains circuits cérébraux », entame le Pr. Gabrielle Scantamburlo, cheffe du Service de Psychiatrie au CHU de Liège. En Belgique, le TOC touche 3 % de la population à des degrés divers, ce qui en fait «la 4e maladie psychiatrique la plus fréquente ». Elle se déclare la plupart du temps entre 10 et 25 ans, parfois jusqu’à 35. Le TOC associe deux aspects: «des obsessions telles que des idées fixes, des pensées ou images intrusives persistantes qui génèrent une anxiété, ou des compulsions, c’est-à-dire des comportements compulsifs répétés qui visent généralement à réduire cette anxiété, sous forme de rituels ». Pour la psychiatre, «On l’expérimente tou(te)s sans que ce soit nécessairement pathologique. Cela devient pathologique lorsque la personne passe plus d’une heure par jour à effectuer ces rituels, sans parvenir à les contrôler, au point de causer un handicap et une souffrance considérable ». On l’appelle aussi la «maladie du doute», car la personne qui souffre de TOC «est envahie d’un doute persistant, d’un sentiment de danger dont elle se sent responsable, et que les rituels viennent en quelque sorte conjurer». Les symptômes sont très variables, mais s’articulent souvent autour de thématiques dont les plus fréquentes sont «la propreté et la peur d’être contaminé, qui génèrent des rituels de lavage; l’ordre et la symétrie, associés à des rituels de rangement ou de comptage; la peur de commettre une erreur, précipitant des besoins de vérifications répétées ; ou encore les pensées interdites, comme la peur de commettre des actes agressifs ou violents, parfois en lien avec des rituels mentaux ». Une thématique est souvent prédominante, mais on peut aussi en cumuler plusieurs. DES COMPULSIONS QUI GÂCHENT LA VIE Ceux qui ont suivi la série américaine Shameless auront sans doute été marqués par le personnage de Sheila Jackson, cette femme tellement terrorisée par la saleté qu’elle n’est plus parvenue à sortir de sa maison depuis des années. Sheila n’est malheureusement pas une caricature : «Des personnes gravement atteintes peuvent passer leurs journées entières à effectuer des rituels de lavage et de rangement. Ils vont par exemple nettoyer leur salle de bains avant de se laver, puis renettoyer ensuite tout ce qu’ils avaient touché avant de s’être lavés, y compris les murs, les escaliers, les objets… Ce qui les amènera à devoir reprendre une douche ensuite. C’est un engrenage! Certains finissent par ne même plus sortir de leur lit de peur de salir ou de toucher des objets ». Les TOC fonctionnent comme un cercle vicieux infernal dont la personne ne parvient pas à se sortir : «lorsqu’elle perçoit une menace, elle s’impose des actions ritualisées pour tenter de contrôler ou soulager l’anxiété. Mais paradoxalement, ces actions accentuent le doute, avec en retour la répétition de rituels, et la machine s’emballe ». Les TOC sévères rendent la vie impossible et engendrent une grande souffrance «non seulement pour la personne mais aussi pour l’entourage. Cela peut entraîner des divorces, des licenciements professionnels, mener à l’isolement et à la dépression, aux troubles addictifs (drogues, alcoolisme) voire aux idées suicidaires ». D’OÙ VIENNENT LES TOC ? COMMENT LES SOIGNER ? Si les causes exactes ne sont pas parfaitement élucidées, on sait que les TOC sont prédisposés génétiquement et qu’ils évoluent au cours de la vie, notamment en fonction des événements et des variations hormonales : « la maladie peut se déclarer ou s’aggraver suite à un traumatisme, un deuil, un stress chronique, une grossesse… ». Plus fondamentalement, les TOC résultent «d’une intrication de mécanismes environnementaux et biopsychosociauxmais aussi neurobiologiques : les noyaux cérébraux liés aux signaux d’alarme (ceux qui nous avertissent de la présence d’un danger) sont suractivés, générant une sensation de menace inappropriée », explique le Pr. Scantamburlo. Cette dysfonction des réseaux cérébraux est justement la cible des traitements du TOC, même si on n’en «guérit » jamais vraiment: «On associe en général des antidépresseurs à forte dose qui régulent la sérotonine avec une thérapie cognitivo-comportementale pour repérer les croyances et réduire les rituels ». Efficaces pour la majorité des patients, ces traitements peuvent parfois se montrer insuffisants dans certains cas graves, «pour lesquels on peut alors avoir recours à la chirurgie, par stimulation cérébrale profonde ». Jen D. GABRIELLE SCANTAMBURLO Cheffe du Service de Psychiatrie «Plus lamaladie se déclare jeune, plus elle est sévère et di cile à soigner» «La personne est consciente de l’irrationalité de ses obsessions, mais ne parvient pas à les contrôler» TOC:

Chirurgie anti-TOC : la stimulation cérébrale profonde 2 à 3 % des patients atteints de TOC sévères ne répondent à aucun des traitements habituels. Pour ceux-là, la neurochirurgie offre un espoir de retrouver une vie normale, grâce à une technique de neuromodulation qui permet de moduler certaines activités du cerveau. Explications. La technique n’est pas neuve: on utilise la stimulation cérébrale profonde depuis plusieurs dizaines d’années pour traiter des pathologies tellesque lamaladiedeParkinson, des tremblements, les dystonies ou encore l’épilepsie.Depuis lafindesannéesnonante, on sait que cette chirurgie permet aussi de soigner les TOC! Comment? «En envoyant un courant à haute fréquence dans les zones du cerveau liées à l’alarme, pour freiner leur suractivation et ainsi diminuer l’anxiété », explique le Pr. Scantamburlo. Concrètement, «on implante deuxpetites électrodes au centre du cerveau, reliées à un boîtier placé dans l’abdomenouauniveaupectoral etmuni d’unepile (le neurostimulateur), qui fournit le courant ». Dans le cadre du TOC, cette intervention est réalisée sous anesthésie générale et les patients restent en moyenne hospitalisés une petite semaine. Naturellement, «cette interventionest réservée auxTOCtrès sévères, qu’on ne parvient pas à soulager avec les traitements classiques ». COMPARABLE À UN PACEMAKER, LE DISPOSITIF EST ENTIÈREMENT RÉVERSIBLE Si cela peut paraître impressionnant, «le dispositif fonctionne exactement comme un pacemaker », explique le Pr. Didier Martin, chef du Service de Neurochirurgie. «Tout le dispositif est placé sous la peau. Peu visible, il permet les activités de la vie quotidienne et même lapratique de sport. Par lamise enplace d’électrodes au sein de régions spécifiques du cerveau, cette chirurgie module l’activité de certains circuits neuronaux. On agit sur la fonction et non en enlevant une lésion ». Avec cet immense avantage que «l’intervention est entièrement réversible », précise le Dr Anne-Laure Salado qui, avec le Dr Bruno Kaschten, sont les deux neurochirurgiens qui réalisent ces interventions au CHU de Liège. Quant aux risques de complications, «ils sont très rares, les deux risques principaux étant les infections et les hématomes ». POUR QUELS RÉSULTATS ? La stimulation cérébrale profonde permet d’atténuer les symptômes duTOC, «plus ou moins selon les patients. Beaucoup se sentent enfin revivre, mais on ne guérit jamais tout à fait », prévient lePr. Scantamburlo. Il rappele que «les TOCvarient au cours des événements et des périodes de vie, qui influent sur l’anxiété ». D’où l’intérêt d’undispositifmodulable: «Onpeut adapter les paramètres ducourant de façon personnalisée, en fonction du patient et de l’évolution de ses symptômes, tout au long de sa vie ». Jen D. LE CENTRE DE RÉFÉRENCE TOC AU SART TILMAN En Belgique, seuls cinq Centres de référence sont habilités à pratiquer des chirurgies de stimulation cérébrale profonde pour le traitement des TOC : l’UZ Genk, l’UCLouvain, la KULeuven, le CHU de Charleroi et… le CHU de Liège, qui a développé depuis quelques années un Centre de référence TOC associant les Services de Psychiatrie et de Neurochirurgie pour proposer aux patients une consultation mixte. ANNE-LAURE SALADO Neurochirurgienne DIDIER MARTIN Chef du Service de Neurochirurgie quand le doute devient UNE MALADIE 03

04 Le stomathérapeute, un allié précieux avant, pendant et après une stomie MÉTIER| POUR UNE MEILLEURE QUALITÉ DE VIE Vivre avec une poche ou des plaies chroniques est souvent traumatisant. Le quotidien est bousculé, l’intimité est touchée… Les stomathérapeutes sont des infirmiers et infirmières formés pour accompagner les patients tout au long de cette épreuve, et les aider à retrouver la qualité de vie qui leur convient. Nathalie Coco est coordinatrice de l’équipe de Stomathérapie au CHU de Liège, et aussi Présidente de l’Association francophone des Infirmiers et Infirmières en Stomathérapie, Cicatrication et Plaies (Afiscep.be). Avec son équipe, elle accompagne les patients stomisés porteurs de sondes d’alimentation, de plaies chroniques, carcinologiques, d’escarres, de fistules, ou souffrant d’incontinence urinaire ou fécale suite à des accidents divers ou à des maladies chroniques sévères de type sclérose en plaque. « Ces patients ont besoin d’une prise en charge spécifique pour tendre vers une qualité de vie et une autonomie qui leur conviennent », explique-t-elle. APPROCHE HOLISTIQUE De quel genre d’aide au juste ont-ils besoin ? L’approche de la stomathérapie se veut globale, dans un rôle à la fois éducatif, de soignant et de soutien. « Cela commence souvent par une prise en charge préopératoire. Les chirurgiens nous confient les patients pour que nous puissions les évaluer sur l’intervention à venir, leur réexpliquer les schémas d’intervention avec des mots peut-être moins scientifiques. Nous les préparons à la stomie et aussi à tout le matériel qui s’y rattache. Souvent, les patients se sentent désarmés par rapport à ce qui leur arrive. Notre rôle consiste principalement à les informer et les rassurer sur ce qui va leur arriver, et surtout sur le fait que nous serons là, quel que soit le parcours qui les attend », poursuit Nathalie Coco. Pendant la durée de l’hospitalisation, les stomathérapeutes interviennent en deuxième ligne. «Nous pouvons, par exemple, apporter des soins de plaies adaptés, conseiller l’appareillage quand un patient devient incontinent. Cela permet ainsi de faciliter le travail de l’équipe infirmière. » JUSQU’À DOMICILE Après l’opération, l’accompagnement se poursuit: «Nous faisons en sorte de sécuriser le patient à domicile. Nous sommes donc amenés à discuter avec la structure de soins à domicile, la maison de repos ou d’autres institutions. Nous aidons aussi les patients dans leur choix de matériel, en fonction de leurs besoins et contraintes. Nous sommes à leur écoute et veillons à les associer au maximum à leur prise en charge, afin de créer un véritable partenariat. » Les stomathérapeutes tiennent donc compte de la situation personnelle de chaque patient et cherchent avant tout à trouver des solutions. «Nous remarquons, par exemple, que de plus en plus de patients se précarisent. C’est interpellant parce que certaines situations ne sont pas ou peu remboursées. Pour des patients en difficulté, nous essayons de mettre en place un itinéraire qui puisse les sécuriser, car il ne sert à rien de mettre, par exemple, une sonde d’alimentation si derrière, le patient ne pourra pas payer son alimentation. » ETABLIR LES LIENS Les stomathérapeutes ne travaillent pas seuls dans leur coin. « On dit de nous que nous sommes des nexialistes, donc des gens qui font des liens. Nous faisons en effet le lien avec nos collègues d’autres disciplines, et même vers l’extérieur de l’institution », termine Nathalie Coco. R.S. NATHALIE COCO Coordinatrice de l’équipe de Stomathérapie VOUS AVEZ DIT STOMIE ? Une stomie d’élimination est un abouchement de la peau, avec une déviation chirurgicale au niveau de la paroi abdominale, d’une partie de l’intestin ou de l’urètre. L’objectif est de permettre d’évacuer les selles, les gaz et les urines. Une stomie peut être définitive (suite à une ablation, par exemple), ou temporaire (en attentant la cicatrisation et le rétablissement du circuit digestif ou urinaire). Les stomies d’alimentation sont les sondes d’alimentation que l’on place chez le patient, afin de pallier des troubles alimentaires, voire une interdiction de l’oralité.

Chaque année, des enfants atteints d’une maladie génétique meurent aux soins intensifs faute de diagnostic. En cause : des délais de plus de 6mois pour obtenir une analyse du génome. Récemment, des chercheurs du CHU et de l’ULiège sont parvenus à écraser ce délai à seulement 40 heures, et ont déjà sauvé plusieurs petits ! Dans les soins intensifs (SI) pédiatriques et de néonatologie, près d’un décès sur cinq est dû à unemaladie génétique. Parce qu’avec des délais de 6 à 12 mois pour analyser le génome, le diagnostic arrive souvent trop tard, ou laisse des enfants avec des séquelles irréversibles. Grâce à un projet pilote wallon de séquençage rapide du génome lancé il y a un peu plus d’un an dans le giron de l’ULiège et du CHU de Liège, ce délai a été compressé à seulement quelques dizaines d’heures pour les enfants en SI chez lesquels on suspecte une maladie génétique. Un tour de force technique et logistique qui a déjà permis de sauver plusieurs vies, en collaboration avec le CHR Citadelle et le CHC MontLégia. À l’origine du projet, le Laboratoire de Génétique Humaine (GIGA) du Pr. Vincent Bours, avec à la manœuvre le Dr Aimé Lumaka Zola, pédiatre généticien. Le chercheur lève déjà le voile sur ses premiers résultats : « Sur dix enfants testés, nous avons pu identifier les mutations génétiques pour six d’entre eux ! ». Autrement dit, le test s’avère beaucoup plus performant que les tests classiques, qui résolvent autour de 40 % des cas. Le tout en un temps record, à peine 40 heures s’étant écoulées entre la prescription du test et l’arrivée du diagnostic. « L’enfant peut alors être pris en charge très rapidement avant que son état ne s’aggrave ou que le pire n’arrive ». Il faut dire que le Dr Lumaka Zola et son équipe technique menée par Mme Corinne Fasquelle ne ménagent pas leurs efforts, travaillant la nuit comme le week-end dans une course contre lamontre lorsqu’une demande leur parvient. TIMING RECORD : COMMENT ONT-ILS FAIT ? Sur le terrain, ils sont une petite équipe d’une dizaine de personnes, entièrement dédiée à ces analyses génétiques 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Mais la clé de leur record réside aussi dans l’adoption d’une nouvelle technique de séquençage massif du génome appelée Next Generation Sequencing, «qui permet d’étudier l’entièreté du matériel génétique de plusieurs individus à la fois à partir d’un simple échantillon sanguin. Cette technique est beaucoup plus rapide que les tests actuels, qui analysent l’un après l’autre tous les gènes suspects…Sachant qu’il existe 25.000 gènes et 8.000 maladies monogéniques connues ! », explique le Dr Lumaka Zola. Parallèlement, le Laboratoire liégeois amis en place une sorte de circuit court : «Toutes lesmanipulations et les recherches se font entièrement au GIGA, de façon à raccourcir au maximum les délais ». Le projet bénéficie, par ailleurs, d’une solide infrastructure préexistante : «En Wallonie, les hôpitaux sont déjà établis en réseau, avec un système de communication des informations et de transfert des échantillons qui fonctionne bien. Cela n’existe pas aux USA par exemple. ». COMMENT LE PETIT LUCIEN A ÉTÉ SAUVÉ IN EXTREMIS À 15 MOIS ! Le parcours de Lucien, un petit garçon de 2 ans aujourd’hui, illustre particulièrement bien l’intérêt du projet pilote liégeois. Il avait seulement 15mois lorsqu’il a été hospitalisé pour des crises de convulsions : «Il arrive au CHRCitadelle en état critique, avec une détresse neurologique et une faiblesse musculaire généralisée, et doit être alimenté artificiellement ». Les cliniciens suspectent une myasthénie congénitale, et programment une biopsie musculaire sous anesthésie générale pour la semaine suivante. Le pédiatre propose alors d’intégrer immédiatement l’enfant au programme d’étude. Fort heureusement, les chercheurs ont pu fournir un diagnostic génétique avant la réalisation de la biopsie. Le Dr Lumaka Zola raconte : «L’enfant était en réalité porteur d’une maladie génétique dont les symptômes ressemblent fort à une myasthénie. Si le diagnostic était tombé quelques jours plus tard, l’enfant aurait subi une anesthésie générale pour une biopsie musculaire. Or certains produits utilisés pour les anesthésies générales accentuent les symptômes de cette maladie ! Une biopsie aurait donc aggravé son cas, alors qu’à présent il y a un réel espoir pour l’enfant ». Lucien est aujourd’hui sorti de l’hôpital. Le diagnostic génétique a permis d’identifier une thérapie génique qui pourrait le sauver, mais ce traitement doit encore faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché belge, que les parents de Lucien attendent impatiemment… TESTER LE PROJET À L’ÉCHELLE DE LA BELGIQUE À présent, l’équipe du projet pilote est en quête de nouveaux hôpitaux partenaires pour élargir l’expérience à l’échelle du pays, auprès de 30 enfants et leur famille d’ici la fin de l’année. Le CHU étant le seul centre de génétique en Belgique à réaliser ce test, « l’objectif est de pouvoir assurer un diagnostic aussi rapide pour des petits patients d’Ostende, d’Eupen ou de Mons ! ». Dans un second temps, il s’agira « de conclure un partenariat avec une société privée pour développer la commercialisation du test en Belgique et à l’étranger, et surtout d’obtenir des conditions de remboursement auprès des autorités belges », conclut le Dr Lumaka Zola qui veut croire à « un grand espoir pour les petits patients en état critique aux soins intensifs ». Jen D. Un diagnostic génétique en 40 HEURES CHRONO pour les enfants aux soins intensifs ! AIMÉ LUMAKA ZOLA Pédiatre généticien Grâce à ce test, on peut sauver des enfants ! SOINS INTENSIFS PÉDIATRIQUES| LA COURSE CONTRE LA MONTRE 05

06 Entre 150 et 200 chiens d’assistance pour personnes en situation de handicap apportent leur compétence en Wallonie et à Bruxelles. Entre 100 et 150 sont actuellement en formation. Ils ont, désormais, accès à tous les lieux publics. Y compris aux di érentes implantations du CHU de Liège. « Il y a eu ce patient impatient, justement, de retrouver son chien d’assistance », se souvient Saadia Lasri, adjointe à la direction médicale. «Nous avons autorisé la visite du chien 2 heures par jour, et toute l’équipe a vu la différence. Happy, la bien nommée, n’était pas seulement capable d’ouvrir la porte ou d’attraper une bouteille d’eau dans le frigo : elle était, réellement, une source d’apaisement et de bien-être pour notre patient. » Un pas en entraînant un autre, le CHU de Liège est désormais accessible à tous les chiens d’assistance lors des consultations et des hospitalisations de leur maître, conformément au décret wallon Kama du 15 juillet 2021 relatif à l’accessibilité des chiens d’assistance aux lieux publics. « Il s’agit cependant de respecter quelques règles, du côté du patient comme du personnel soignant », indique encore Saadia Lasri. « Le patient hospitalisé doit ainsi remplir un formulaire, préalablement à son entrée. Il doit occuper une chambre individuelle (un voisin de lit n’apprécierait pas forcément la compagnie d’un chien), et désigner la personne relais qui prendra soin de l’animal s’il ne peut s’en charger lui-même : le sortir, le nourrir, laver sa gamelle… . Côté CHU, le personnel s’efforcera de fournir la chambre la plus proche de la sortie… et de ne pas caresser le chien ! » ET TOUT IRA BIEN ! Le nouveau règlement établit également des règles précises quant à l’accès aux différents services et unités de soins. Il a été approuvé par le Comité d’Hygiène Hospitalière le 24 mars dernier. «Nous avons le sentiment que tout va bien se passer : dans le service qui a, le premier, accueilli un chien d’assistance, on trouve une photo encadrée de l’équipe et du chien ! » « Aujourd’hui, la loi est très claire : les chiens d’assistance ont accès aux hôpitaux, il n’est plus question d’hésiter. Nous n’avons jamais voulu les « pousser » à n’importe quel prix, mais les institutions hospitalières et les établissements scolaires qui ont, d’emblée, fait preuve d’écoute et admis les chiens d’assistance, se sont rapidement rendu compte que finalement, « ce n’était que ça ». Parce qu’un chien d’assistance n’est pas un animal de compagnie. Il est éduqué, ne saute pas, n’aboie pas, ne détruit pas. Il est le prolongement de son bénéficiaire, tout simplement», résume VanessaWay, directrice de l’association Os’mose. A ce niveau, l’histoire d’Edwin, un jeune garçon dont les parents devaient ruser pour l’emmener à l’hôpital, est un témoignage instructif : «Ce qui marchait le mieux, mais pas toujours, c’était de le déguiser : alors seulement il acceptait d’aller passer de nouveaux examens. Le jour où June, son chien d’assistance, est entré dans sa vie, tout a changé : si June l’accompagnait, Edwin allait partout sans rechigner. Et on sait aujourd’hui qu’un patient qui va bien moralement guérit plus vite, tout simplement… » «Os‘mose et leCHU, ouOs’mose etmon service, ont tissé des liens solides en mettant Le CHU ouvre PLUS GRAND ses portes WELCOME| CHIENS D’ASSISTANCE SAADIA LASRI Adjointe à la direction médicale

Intéressé ? www.os-mose.be 0471 45 43 23 info@os-mose.be Chiens d’assistance cherchent familles d’accueil Depuis 12 ans, l’association esneutoise Os’mose forme trois type de chiens d’assistance à destination de personnes en situation de handicap : à mobilité réduite, épileptiques ou autistes. En 2020, elle a aussi, pour la première fois, formé un chien à la détection des crises d’hypoglycémie deMattéo, un enfant atteint de diabète de type 1. Ce premier succès a attiré d’autres demandes : «Aujourd’hui, un chien sur quatre que nous formons est destiné à la détection, de diabète ou d’épilepsie », explique Vanessa Wey. «Nous avons cependant avancé avec l’idée que tous les chiens ont un « nez », peu importe leur race… Nous avons donc choisi de ne pas imposer davantage de chiens Springer aux familles d’accueil : ce sont des animaux de tempérament, beaucoup plus nerveux que les Golden, par exemple. Nous entamons un travail de réflexion avec les éducatrices. Le prochain sur les rangs est un Labrador blond. » Pour leur formation, les chiens sont placés en famille d’accueil durant environ deux ans. « Les demandes augmentent, donc le nombre de chiens à éduquer aussi. Pour la première fois depuis notre création, nous sommes à la recherche de familles prêtes à s’investir pendant 2 ans », souligne encore Vanessa Wey. en place le protocole de collaboration qui a permis d’éduquer ID, un chien qui parvient à prévenir les crises d’hypoglycémie d’un jeune patient atteint de diabète de type 1 », relate Régis Radermecker, Chef de clinique au service de Diabétologie, Nutrition et Maladies métaboliques du CHU. «Je n’ai pas fait partie des différents débats visant à inclure les chiens d’assistance au sein de l’hôpital mais, à partir du moment où les règles d’hygiène et de sécurité sont respectées, leur présence va de soi. Elle apporte beaucoup à la personne qui enbénéficie, sur le planmédical comme sur le plan humain, je l’ai constaté. » FRÉDÉRIQUE SICCARD Leur présence apporte beaucoup à la personne qui en bénéficie, sur le plan médical comme sur le plan humain 07

08 HIPPOTHÉRAPIE| LE CONTACT AU CŒUR DU SOIN Des poneys dans un home, avezvous déjà vu ça ? Eh bien oui, le Home de Seny a pris ce pari assez original. Gloria Buelens, directrice de l’établissement, nous livre les dessous de ce projet humain-animal mené en collaboration avec l’asbl Hippopassion. D’où vient cette idée de permettre aux résidents d’entrer en contact avec les poneys ? Précédemment, nous avions déjà collaboré avec un manège (qui a déménagé entre-temps), à la grande satisfaction des résidents. C’est donc tout naturellement que nous avons souhaité réitérer l’aventure, cette fois avec l’asbl Hippopassion. Dès l’arrivée des poneys, les résidents sont invités à aller à leur rencontre. Certains les observent par curiosité alors que d’autres désirent rapidement les toucher, les caresser, les brosser, leur donner à manger ou effectuer des soins avec l’aide des éducateurs. La venue de ces animaux attire autant les résidents autonomes que ceux qui souffrent de troubles cognitifs. Chez ces derniers, la présence des animaux les métamorphose : ils communiquent et développent un regain d’intérêt. Même les résidents plus réservés, qui ont l’habitude de s’isoler, s’empressent de venir les accoster. Les animaux ont toujours eu une place importante chez nous, c’est une manière de permettre aux résidents de se sentir chez eux. Nous avons déjà adopté un chat, des poissons et un canari. Nous sommes convaincus des bienfaits de la zoothérapie. En pleine nature, on peut dire que le cadre est idéal pour ce type d’expérience ? Effectivement. Le Home de Seny se trouve dans un milieu rural et nous sommes entourés de plusieurs fermes. De nombreux résidents ont eux-mêmes travaillé dans l’agriculture ou à la ferme. Chez eux, la présence des poneys éveille certains souvenirs agréables. Concrètement, où ces poneys sont-ils installés ? Nous avons de nombreux espaces verts dont la cour intérieure qui donne sur certaines chambres. Les résidents peuvent donc en profiter depuis leur chambre ou en sortant. L’intégration des poneys dans l’enceinte du home n’est pas prévue pour le moment. La zoothérapie, c’est comme une évidence ? Effectivement, la zoothérapie s’impose de plus en plus au sein des maisons de repos. En mettant les besoins des résidents au centre de notre projet institutionnel et/ ou lors de la réalisation de leur projet de vie individualisé, nous remarquons que les animaux ont toujours eu une place dans la vie de nos résidents. Il est donc primordial de pouvoir assurer cette continuité au sein de leur nouveau lieu de vie afin d’améliorer leur bien-être. Notez que la présence des animaux a également un effet positif sur l’ensemble des équipes. Notre chat vient régulièrement faire sa sieste dans mon bureau (dans une valise que nous utilisons pour l’envoi du courrier interne et qui se trouve à l’entrée de la pièce) et reçoit des caresses de toutes les personnes qui viennent me rendre visite. Je surprends régulièrement des membres du personnel le caresser et lui parler avant de me faire part de la raison pour laquelle ils désiraient me voir. Combien de temps resteront-ils au Home ? Ils sont restés le temps d’une activité de deux heures mais nous avons le projet de pérenniser ce partenariat en mettant une partie du parc arrière du Home de Seny à disposition des chevaux et des poneys de l’ASBL Hippopassion. LUCAS D. STAGIAIRE , ARNAUD A. Des poneys au Home de Seny Même les résidents plus réservés, s’empressent de venir les accoster

09 LE CAS DE LA MÉDIATRICE| CAS CONCRETS A la fin du 19e siècle, l’imagerie médicale s’est imposée comme un outil incontournable de notre médecine moderne. Déployée en une multitude de technologies novatrices et complexes, elle est devenue un outil indispensable dans une part importante de situations cliniques. Son utilisation est devenue courante. Grâce à cette haute technologie, l’image «montre »,… ou « ne montre pas », ce qui se passe à l’intérieur du corps malade... cette réalité intérieure que vit le patient. Nous sommes ici dans une médecine technique et scientifique, de laquelle les aspects relationnels ne peuvent être négligés. DOLÉANCES À L’ÉGARD D’UN PRESTATAIRE DE SOINS EXTRAIT : Chère Madame, Ce 15 février, j’ai passé un examen en Imagerie médicale, dans un contexte d’urgence, et ce à la demande de mon médecin traitant qui demandait un examen radio suivi d’un scanner (suite à une chute). A cette occasion, le médecin m’a signalé que l’examen au scanner ne s’impose pas car la radiographie ne définit pas de traces qui le justifieraient. Rencontre orageuse car ce monsieur se met tout de suite en colère devant la prescription que je lui soumets. Je me permets d’insister car je n’imagine pas que la radiographie et le scanner puissent couvrir le même domaine de compétences. Refus catégorique. Je m’incline. Le 20 février, mon médecin persiste et m’envoie alors sur un autre site pour le même examen. Fort heureusement, j’y ai rencontré une jeune doctoresse très aimable qui m’a rassuré entièrement par rapport à l’efficacité de vos services. On a alors diagnostiqué une fracture type A1.2 subaigüe de L2 ce qui implique le port d’un corset du type Jewett et le suivi qui s’impose ... Oserai-je ajouter que le risque de paralysie est une des suites possibles de cette affection qui n’avait pas été détectée initialement, et que le refus pour le moins grossier de la précédente personne rencontrée risquait de me faire courir des risques pour le moins importants (…). J’ai mis un certain temps avant de vous faire parvenir ce document : je ne demande pas la mort du pécheur. Mais je ne comprends pas et trouve le comportement de ce monsieur pour le moins déplacé, peu digne de la qualité et de l’efficacité reconnue à votre établissement. Peut-être cette personne vit elle des moments difficiles comme chacun d’entre nous en rencontrons. Mais je fus face à une personne excédée qui ne voulait rien entendre ». Cet extrait de courrier de mécontentement exprime bien le ressenti du patient qui accorde de l’importance tant à la technicité de l’examen, qu’à l’aspect relationnel qu’il entretient avec le prestataire de soins qui reçoit la prescription dudit examen. Il importe ensuite de recueillir l’avis du soignant concerné, car l’expérience de mon métier apprend aussi que les perceptions, les vécus, diffèrent également beaucoup : RÉPONSE DU MÉDECIN CONCERNÉ, APERÇU : (…) Pour rappel, les services d’Urgences ont comme principale mission de «détecter tout phénomène mettant la vie ou une fonction importante en péril immédiat (en heures) et alors d’y remédier au mieux et au plus vite». Il ne s’agit pas de services de diagnostic rapide «toutes pathologies». Le scanner, qui a été réalisé ultérieurement, avait d’ailleurs confirmé cette «non-urgence». En effet, la fin de la conclusion diagnostique « une minime déformation par impaction du plafond de L1, de caractère ancien, plus marquée au plafond de L2, de caractère plutôt récent, sans déformation du mur vertébral postérieur », ce qui veut dire sans risque neurologique. Un corset est néanmoins effectivement indiqué afin de diminuer la douleur éventuelle mais surtout de permettre une consolidation plus rapide (mesurée en semaines) de la fracture. Quant au manque éventuel de diplomatie, le Docteur X précise « que l’attitude extrêmement désobligeante que vous lui attribuez ne correspond pas à sa personnalité ». Cette situation permet également de rappeler que l’article 5 de la loi relative aux droits du patient, qui met en avant « à des prestations de qualité répondant à ses besoins » couvrent autant les besoins de technicité que ceux qui touchent aux aspects relationnels. L’imagerie médicale est un domaine qui allie les deux. Le Chef du service et la cellule qualité qui en dépend y sont forts attentifs lors de chaque dossier de médiation qui leur sont transmis. Ils y accordent une attention minutieuse et, si nécessaire, le Chef du service contacte le patient afin de répondre à chacune de ses questions et le rassurer de vive voix sur le suivi de sa plainte. Contact : mediation.hospitaliere@chuliege.be UN PATIENT CAROLINE DOPPAGNE Médiatrice L’Imagerie médicale, les aspects relationnels, et la perception d’une situation

10 La végétalisation des villes n’est pas qu’une lubie d’écolo ! Les études s’accumulent, démontrant que la santé humaine est intimement liée à celle de la biodiversité, souvent déficiente en zones urbaines. C’est pourquoi les habitants des « villes vertes » vivent mieux et plus longtemps que les citadins cernés par le béton…Mais la question n’est pas simple. Explications. Le Dr Nicolas Antoine-Moussiaux est Dr en sciences vétérinaires et enseigne les approches intégrées de la santé dans le Master en Sciences de la santé publique à l’ULiège Il y a tout juste deux ans paraissait la plus grande étude jamais réalisée sur le lien entre nature et santé en milieu urbain, financée par l’OMS. Durant plusieurs années, des chercheurs ont suivi par images satellite l’évolution de la couverture végétale de nombreuses grandes villes dans le monde, et l’ont comparée aux courbes de durée de vie de leurs habitants, soit 8 millions de personnes issues de 7 nations différentes. Les résultats sont sans ambiguïté. Sur une échelle allant de -1 (aucun accès à la végétation) à +1 (espace vert à proximité directe), à mesure que la note augmente d’un dixième, la mortalité est réduite de 4%. « ONE HEALTH » : PAS DE SANTÉ SANS BIODIVERSITÉ « La biodiversité est tout simplement la condition première de notre existence », rappelle le Dr Nicolas Antoine-Moussiaux. « Tout ce que l’on boit, mange ou respire, nos vêtements, nos médicaments, tout provient de la biodiversité. Même le pétrole… et même les maladies infectieuses ! ». L’humain n’existe pas indépendamment des écosystèmes dans lesquels il prend place : «Toutes les formes de vie sont liées. Toucher à un seul élément d’un écosystème aura un impact sur l’ensemble des autres éléments, et in fine sur notre santé. La santé humaine est ainsi étroitement liée à la santé animale, végétale et plus largement environnementale ». C’est ce qu’exprime le concept de «One Health » (« une seule santé ») ou « Eco-Health », suggérant notamment que pour prendre soin de notre santé, il s’agit d’abord de prendre soin de notre environnement. CONTRE LE « VERDISSEMENT BÉAT » De plus en plus de projets d’aménagements urbains intègrent des végétaux et des points d’eau pour « verdir et bleuir les villes ». «Mais il ne suffit pas de planter des arbres un peu partout », prévient le Dr Antoine-Moussiaux, « car ce n’est pas seulement une question quantitative, mais aussi qualitative », en fonction des variétés de végétaux, des espèces animales qu’elles abritent et de leur équilibre, mais aussi des spécificités naturelles, culturelles et socio-économiques de chaque zone. « Les liens entre nature et santé sont extrêmement complexes, et loin d’être complètement élucidés ». D’autant que la nature en ville peut aussi comporter quelques risques « comme l’augmentation des allergies liées au pollen ou de certaines maladies infectieuses transmises par les animaux (moustiques, tiques, Verdir et bleuir les villes : 20% des décès dans le monde sont dus à des facteurs environnementaux, soit environ 12 millions de morts par an selon l’OMS ENVIRONNEMENT| UNE MEILLEURE SANTÉ DANS LES VILLES «Verdir et bleuir» les villes peut améliorer la santé globale des habitants. C’est du moins la conclusion du rapport publié par le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) en novembre dernier : la végétation urbaine et les points d’eau auraient demultiplese etssur notrebien-être physique, mental et même social. «Si l’on ne parvient pas toujours à expliquer clairement pourquoi, de nombreuses études montrent que le contact avec la nature procure énormément de bénéfices pour la santé, sur un plan physique aussi bien que psychique ou social. Les trois sont d’ailleurs intimement liés », entame leDr Antoine-Moussiaux. Pour que les espaces verts puissent produire un effet bénéfique en ville, il faut «qu’ils soient de qualité, bien entretenus et sécurisés, et surtout accessibles à tous ». Il s’agit surtout d’éviter l’ «éco-gentrification»: «L’inégalité d’accès à la nature recoupe en fait les inégalités socio-économiques. Il ne faudrait donc pas que les espaces verts soient concentrés dans les quartiers les plus aisés, laissant le béton aux zones plus denses et moins favorisées ». Ceci d’autant plus que les bénéfices du verdissement urbain sont beaucoup plus grands chez les populations défavorisées, observe le CSS. Notamment parce que les familles aisées disposent plus souvent d’une voiture, leur permettant facilement de s’évader à la campagne. Pour l’OMS, un espace vert devrait toujours être accessible à moins de 300 mètres du domicile. MOINSDEMALADIES CARDIOVASCULAIRES ET RESPIRATOIRES, ETUNE MEILLEURE IMMUNITÉ! L’exposition à la végétation est corrélée avec une moindre incidence de maladies cardiovasculaires, d’obésité et d’hypertension. Les espaces verts encouragent la mobilité active (vélo, marche…) et stimulent l’activité physique en plein air, la promenade chez les personnes âgées ou encore le jeu chez les enfants. Ils contribueraient globalement à un mode de vie plus sain, et même à une meilleure alimentation grâce aux potagers urbains. Selon le CSS, les espaces verts encouragent à sortir davantage. Enfin, l’exposition à la lumière naturelle procurerait un meilleur taux de vitamine D et aiderait à réguler les fameux cycles circadiens, garants d’un meilleur sommeil. À condition d’éviter les pesticides et herbicides, la végétation agit aussi comme un purificateur d’air et aide à lutter efficacement contre la pollution urbaine (encadré ci-contre), dont on connaît les dégâts sur la santé respiratoire. Par ailleurs, le contact avec la diversité microbienne en zones vertes et bleues améliorerait le fonctionnement immunitaire, en particulier chez les enfants. renards…), telles que la maladie de Lyme par exemple ». Le verdissement urbain doit donc être pensé «de façon à promouvoir les interactions bénéfiques entre la nature et la santé humaine tout en atténuant les interactions néfastes », estime le Conseil Supérieur de la Santé dans son avis de novembre dernier. Ce rapport d’une cinquantaine de pages formule une série de recommandations pratiques et dresse l’état des connaissances scientifiques belges et internationales sur le sujet. Nature en ville : quels bénéfices pour la santé ?

il y a urgence ! NICOLAS ANTOINE-MOUSSIAUX Dr en sciences vétérinaires UNREMPARTCONTRE LESCANICULES ET LES INONDATIONS Chaque année, les vagues de chaleur provoquent de nombreux décès, en particulier parmi les personnes plus fragiles. Les villes sont plus durement touchées que les campagnes, avec une température plus élevée (liée aux activités humaines et aux sols artificiels) de 5 à 10 degrés supplémentaires. La végétation et les points d’eau permettent d’atténuer cet effet d’ «îlot de chaleur»: ils créent des zones d’ombre, des «oasis urbains», et rafraîchissent globalement l’air. Jusqu’ici relativement épargnée, la Belgique a aussi brutalement pris conscience cet été des drames engendrés par les fortes pluies. D’après le rapport du CSS, sortir du «tout au béton » en ménageant des bassins et des zones végétales contribuerait à limiter les inondations en réduisant le ruissellement de surface et en favorisant l’absorption des eaux de pluie par les sols naturels. SANTÉMENTALE: SERIONS-NOUSNATURELLEMENTVÉGÉPHILES? De nombreuses études s’accordent pour constater que le contact avec la nature réduit les troubles psychiques tels que la dépression, le stress et l’anxiété, et génère du bien-être. Il favorise aussi la récupération de la fatigue mentale et la concentration. «Mais les explications sont encore peu claires. On avance souvent l’hypothèse de la «végéphilie», selon laquelle les humains seraient génétiquement liés à la nature, qui aurait des effets apaisants sur le corps et l’esprit », explique Éric Adam, chef du Service de Psychologie clinique et action sociale du CHU de Liège et… garde-champêtre. On observe d’autre part que les citadins développent davantage de troubles psychiques et cognitifs tels que les troubles de l’attention ou de la mémoire. Le psychologue estime que ces troubles sont probablement liés à des «stress environnementaux » typiquement urbains, «tels que la pollution sonore, atmosphérique, lumineuse et visuelle, la circulation automobile, la surpopulation... La ville nous expose en permanence à des stimuli nocifs, nous imposant un niveau de vigilance élevé qui entraîne des réactions de stress, avec un haut niveau de cortisol ». «À l’inverse, un environnement naturel produit de nombreux stimuli agréables : beauté, lumière, espace et ciel dégagé, chant des oiseaux… ». Avec sa casquette de garde-champêtre, Éric Adam estime que «la nature, de par sa complexité et son esthétisme, est propice à l’émerveillement, l’une des clés du bienêtre. Dans la nature, rien n’est inerte… ». Ce bien-être serait aussi lié «au calme que l’on y trouve, à l’éloignement des préoccupations quotidiennes, et au type d’activités qu’elle inspire, comme la dépense physique, la marche silencieuse, la contemplation... ». DESOASISDE VERDURE AUSECOURSDE LASANTÉ MENTALE Intégrer davantage d’espaces verts accessibles en milieu urbain contribuerait à améliorer la santé mentale des habitants: «Dès 15 minutes de marche dans la nature, on observe une réduction des symptômes de stress et de rumination mentale, ce qui n’est pas le cas avec la marche en rue ». Les effets de la nature sur la dépression ont d’ailleurs inspiré de nouvelles pratiques de soins telles que de la «walking therapy », qui propose des consultations de psychothérapie en forêt! Pour leDr Antoine-Moussiaux, il ne faut pas non plus oublier qu’en ville «les espaces verts tels que les parcs, les bois ou encore les potagers partagés sont aussi des lieux de rencontre et de partage. Ils aident à lutter contre l’isolement et favorisent le bien-être social, indispensable au bien-être tout court ». BESOINDENATURE ENTEMPSDE PANDÉMIE Au fil de la crise sanitaire, la question du verdissement des villes s’est faite de plus en plus pressante. «Depuis deux ans, les gens se ruent sur les espaces verts à la recherche de détente, de reconnexion avec la nature ou d’activité physique en plein air », note Éric Adam. Revers de lamédaille: «Lemanque d’espaces naturels a poussé les gens à s’agglutiner en masse dans de petits espaces. Les citadins se sont largement rués vers les campagnes, augmentant considérablement la pression notamment sur les forêts wallonnes, véritablement envahies ». Avec un effet «catastrophique » sur l’équilibre de ces coins de nature, «où il est de plus en plus difficile de trouver le calme et de se relaxer…D’autant que beaucoup ne respectent même pas le code forestier, brisant les règles de quiétude ou dévalant les sentiers à vélo », déplore le garde-champêtre. Un constat qui plaide urgemment en faveur d’unemultiplication des espaces verts en zones urbaines et péri-urbaines, pour soutenir le bien-être des habitants et préserver les joyaux que nous offre la nature wallonne. JEND. LA VERDURE REND-ELLE INTELLIGENT ? Chez l’enfant, l’exposition à la nature est associée à un meilleur fonctionnement cognitif, un meilleur développement comportemental et intellectuel, et même un QI plus élevé! La fréquentation des espaces verts réduit aussi les troubles de l’attention et l’hyperactivité. PLAN CANOPÉE 24.000 arbres dans la ville avant 2030: avec ou sans jardin, tous les Liégeois peuvent participer! L’objectif: planter 24.000 arbres supplémentaires d’ici 2030 pour participer à la transition écologique de la Cité ardente. Lancé en 2020, le Plan Canopée vise en priorité les zones résidentielles du bord de Meuse, où la végétation fait le plus cruellement défaut. Actuellement, les arbres couvrent à peu près 30 % de la surface de la ville, dont une petitemoitié sur des terrains privés. C’est pourquoi le projet doit pouvoir compter sur l’implication des propriétaires fonciers, qu’ils soient des citoyens, des associations, des institutions et même des entreprises. La ville a prévu des outils à disposition des habitants, dont des ateliers pratiques et un «guide de l’arbre urbain» (téléchargeable sur le site), qui permet de choisir son arbre parmi 188 essences selon le type de terrain dont on dispose. Une application permettra également de signaler toute plantation d’arbre, pour évaluer l’évolution du Plan Canopée. Quant à ceux qui n’ont pas de jardin, ils peuvent proposer leur aide aux services de la ville pour aménager l’espace public ou participer aux opérations de plantation. Toutes les informations sur le site canopee.liege.be LA VÉGÉTATION ABSORBE 50 TONNES DE POLLUANTS CHAQUE ANNÉE ! Les arbres et la végétation émettent de l’oxygène, captent le CO2 et « nettoient l’air » : en zone bâtie, ils éliminent jusqu’à 50 tonnes de polluants atmosphériques chaque année. Localement, la végétation peut même éliminer jusqu’à 40 % du dioxyde d’azote et 60 % des particules. 11 ERIC ADAM Chef du Service de Psychologie clinique et action sociale

12 EMPLOI | INDISPENSABLE SECRÉTAIRE LIONEL MARTIN Secrétaire médical au Service Néphrologie Si l’on vous dit « une fête importée des Etats-Unis », vous pensez sûrement à Halloween…Mais il y a aussi la Fête des secrétaires. Créée il y a près de 70 ans, l’idée de celle-ci était de promouvoir ce métier afin de susciter des vocations. Cette année, la Fête des secrétaires tombe le 22 avril, chez nous. Alors bonne fête à ces collègues ô combien indispensables ! On a tellement l’habitude de lire ou d’entendre parler de secrétaire médical au féminin qu’on en oublie presque que ce métier n’est pas réservé qu’aux femmes. Lionel Martin, secrétaire médical au Service Néphrologie du CHU de Liège, en est la preuve. Il travaille au service de dialyse depuis le 6 octobre 2020. Une date qu’il n’est pas près d’oublier puisqu’elle marque pour lui le début d’une nouvelle aventure professionnelle passionnante… « Je suis sur un lieu de travail où je me sens bien, où je retrouve des gens et une ambiance sympa. Je ne viens jamais avec les pieds de plomb ! » Secrétaire dans une entreprise privée, cela n’aurait pas été pareil pour lui. « Au CHU de Liège, nous sommes là pour améliorer la vie des gens et leur rendre service. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup ! » Le ou la secrétaire médical.e occupe une fonction dont on parle peu souvent, mais essentielle au bon fonctionnement de notre institution. Certains disent que c’est en quelque sorte la « plaque tournante » d’un service médical. Il ou elle s’occupe bien entendu de toutes sortes de tâches administratives : prendre des rendez-vous, tenir les dossiers des patients à jour, rédiger les courriers pour les patients et les médecins, répondre au téléphone, classer, faire le relais avec les services internes ou externes… « Je prends beaucoup de rendez-vous pour les patients dialysés en fonction de leur horaire de dialyse, de leur mobilité ou de leur desiderata », explique Lionel Martin. CONCENTRATION ! «Une de mes tâches importantes est aussi d’encoder tous les paramètres de chaque patient dans son dossier de dialyse et ce, en fonction de ce que les néphrologues ont indiqué : poids individuel calculé, anticoagulant… », poursuit-il. « Je note aussi des informations spécifiques en fonction de la situation des patients ou de leur état. » Cet encodage est extrêmement précieux puisqu’il permet au personnel infirmier de savoir de quoi il aura besoin pour préparer la prochaine dialyse. « Ce travail demande beaucoup de concentration. Il ne faut rien manquer ! », confie Lionel Martin. Pour le docteur Rodrigue Hazoume, médecin assistant néphrologue, le secrétaire médical est un peu son « joker » : « Nous, les médecins, sommes des cliniciens. Nous gérons tout ce qui est médical. Mais sans un bon secrétariat, j’avoue que rien ne marcherait ! » 3.000 MOTS ET PLUS… Le secrétariat médical est aussi un métier où l’on apprend tous les jours. « Il faut dire que je suis quelqu’un qui pose sans cesse des questions ! », raconte Lionel Martin. « J’ai terminé ma formation avec un glossaire de 3.000 mots. Mais depuis que je suis au CHU de Liège, j’en apprends quasi tous les jours de nouveaux ! » PAS QUE DE LA PAPERASSE En plus de la fonction administrative, il est souvent en première ligne pour accueillir les patients. « J’avoue que lorsqu’on m’a présenté le métier, avant ma formation, on m’avait dit que le plus gros de mon travail serait de retaper des protocoles médicaux. Mais ici, c’est tout sauf ça ! J’ai beaucoup de contacts avec les patients. Je les accueille, je leur dis «bonjour». Je fais le relais avec le personnel médical. » Ce rôle d’accueil lui tient particulièrement à cœur. «Nous sommes souvent confrontés à des patients inquiets ou qui se sentent mal. Même si je ne peux pas comprendre exactement ce qu’ils vivent, je sais ce que c’est d’avoir des hauts et des bas. Alors j’essaye d’être patient, de prendre le temps de les écouter… J’ai envie de croire que cela contribue à mettre un peu d’huile dans les rouages ! » Et puis quand il apprend qu’une patiente transplantée n’a plus besoin de venir en dialyse, c’est la cerise sur le gâteau… LILIANE FANELLO Le CHU de Liège recrute de nombreux profils, notamment administratifs : www.chuliege.be/JE-POSTULE Les secrétaires médicaux, piliers discrets mais essentiels

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