Solidarité au CHU pour l'Ukraine

14 COMITE DE PATIENT | LA CHRONIQUE Soigner la douleur ou apaiser la souffrance ? Le paradoxe de l’expérience de la douleur est qu’elle pourra nous faire souffrir mais non nécessairement nous détruire. Le paradoxe de l’expérience de la souffrance est qu’elle pourra nous détruire même sans douleur. Par cette controverse, nous approchons le ressenti qui veut que la douleur soit vécue au physique ou au moral mais toujours spécifique à chaque individu. Très différemment mais souvent pire est la souffrance générée par ce vécu individuel de la douleur qui nous coupe des autres et du monde. En écrivant : «Mourir, la belle affaire … Mais vieillir ! », Jacques BREL transcrivait déjà la différence entre la douleur attachée à la maladie et la souffrance vécue dans la représentation de nous-même. C’est à ce niveau que se transforme la douleur ressentie en une souffrance morale. Se sentir souffrir est-il plus dur à vivre que de s’attendre à ne plus se sentir vivre? LA DOULEUR. En toute circonstance, la douleur sera un désagrément tant physique qu’affectif associé à une destruction de notre intégrité corporelle. À ce stade, le patient est prioritairement concerné par sa prise en charge dans la mesure où il reste seul capable d’évaluer l’intensité de la douleur et l’efficacité des traitements pour en transmettre l’information aux soignants. Les échelles d’auto ou d’hétéro évaluation permettent à ces derniers d’apprécier le niveau ressenti de la douleur exprimé tant de façon verbale que gestuelle. Du côté des professionnels de santé, l’expression du vécu de la douleur est étroitement liée au constat du fait douloureux qu’il soit d’origine pathologique ou lié aux procédures de soins elles-mêmes. Confrontés à la plainte du patient et premiers acteurs de l’évaluation et de la prise en charge de la douleur, les soignants pourront programmer la solution thérapeutique la plus performante. Celle-ci résultera donc d’une coopération active soignant – patient au niveau de la prise en charge. L’algologie fait l’objet d’une spécialisation médicale attachée à la gestion de la douleur. C’est ainsi que se sont développées l’ensemble des thérapies médicamenteuses ou non visant à soulager le patient de cet élément extrêmement pénible que constitue la douleur. À l’extrême, tous ces gestes apaisants peuvent inclure ceux qui nous posent parfois problème sur le plan moral à savoir les thérapies palliatives. LA SOUFFRANCE. Tout comme la douleur, la souffrance constituera un sentiment de désagrément et d’aversion lié à un dommage ou à une menace de dommage chez l’individu. Le concept de souffrance constitue ainsi l’essence des aspects affectifs négatifs attachés à la douleur. La souffrance sera exprimée moralement par le patient peu importe que l’origine du mal soit physique ou mentale. Si les diverses douleurs qui viennent d’être évoquées sont autant d’exemples d’un quelconque mal-être physique, ce seront l’anxiété, le deuil, la haine, l’ennui qui témoigneront, non extenso, d’une source de souffrance psychique. Sans relation avec l’évaluation de la douleur physique telle qu’évoquée plus haut, l’intensité de la souffrance ressentie peut présenter tous les degrés, depuis l’anodin négligeable jusqu’à l’atroce insupportable et parfois suicidaire. L’attitude des individus envers la souffrance varie énormément en fonction de la personnalité de chacun. Ainsi le milieu psycho-médico-social a-t-il tenté, sur base du modèle des échelles de la douleur, de mettre également au point des échelles de santé mentale. Néanmoins, contrairement aux échelles de la douleur évoquées plus haut, le patient lui-même éprouvera énormément de difficultés pour formaliser aumoyen de sesmots à lui une dysphorie légère ou sévère, évitable ou inévitable, utile ou inutile, méritée ou imméritée, choisie ou rejetée, acceptable ou inacceptable, etc. …Ainsi la souffrance sera-t-elle un sentiment qui combine de nombreux ingrédients liés à la douleur et à ses effets sur le patient en particulier, sur l’être vivant en général. Il pourra s’agir de la durée de l’invasion douloureuse, à l’équilibre psychologique fragilisé, au statut social bousculé, à l’intégrité physique menacée, etc. … Cette spécificité sera traitée ultérieurement au sein d’un article relatif au développement de l’Éducation Thérapeutique du Patient. NOS OBJECTIFS ? Si nous pouvons admettre que la gestion de la douleur relève de la co-construction thérapeutique entre le patient et le soignant, en va-t-il très différemment de la gestion de la souffrance ? En milieu institutionnel, l’apaisement moral du patient pourrait s’avérer moins prioritaire que la guérison physique. Nous pensons, par contre, devoir affirmer que ces deux objectifs thérapeutiques s’installent à des niveaux de préoccupation identiques. La souffrance n’a que faire des théories. Très succinctement dit, l’art médical se doit de tenter de concilier tant l’équilibre du corps que la sérénité de l’esprit. Depuis l’Antiquité, nombreux sont les philosophes qui dissertent de ces états de l’âme. En ce qui nous concerne, nos sociétés ont, depuis la fin du 18ème siècle révolutionnaire, vaincu la notion d’absolutisme du pouvoir. À notre niveau, les patients que nous sommes pouvons ressentir comme un droit naturel et citoyen celui de « défendre l’idéal du plus grand bonheur pour le plus grand nombre ». Pour paraphraser Jean-Paul Sartre : Faut-il encore parler d’attente quand on n’attend rien, si ce n’est peut-être le pire ? La réponse est non. C’est ainsi que nous cesserons de nous attendre au pire ! Jacques GLAUDE Il faut distinguer soigneusement deux sens du verbe « attendre » à savoir que « s’attendre à …» n’est pas seulement « attendre »…

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