Journée mondiale du braille

08 Les chi res donnent le tournis. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 2,2 milliards de personnes ont une déficience visuelle touchant la vision de près ou la vision de loin. C’est plus d’un habitant de la planète sur 4. Pour près de la moitié de ces personnes, la déficience visuelle aurait pu être évitée ou n’a pas encore été prise en charge. Face à ce constat, des titres dans la presse interpellent : «La cécité n’est plus une fatalité » affirment certains. Chef du service d’ophtalmologie au CHU de Liège, le professeur Jean-Marie Rakic, est beaucoup plus nuancé. «Plus une fatalité? Cela dépend pour qui. Des enfants naissent aveugles. Cela reste un fléau à l’heure actuelle, c’est pour cette raison que des campagnes pour la combattre sont menées au niveau international par l’Organisation Mondiale de la Santé notamment ». Avancées? Progrès? Révolution? Il nous guide dans un secteur, celui de l’ophtalmologie, en pleine maturation. LA MYOPIE DE PLUS EN PLUS PRÉSENTE Le port des lunettes est de plus en plus rependu dans la population. Il est en augmentation constante. Pour le professeur Rakic, hormis le facteur génétique, deux facteurs principaux interviennent. «L’utilisation des écrans conjuguée au fait de moins exposer les jeunes à la lumière extérieure semble être un facteur de myopie. Elle se corrige avec des lunettes mais elle présente aussi dans les formes les plus graves, des atteintes pathologiques, qui ne se corrigent pas avec des lunettes et exigent une intervention médicale ». Le niveau atteint est tel que, dans certains pays d’Asie, des règlements obligent les écoles à faire sortir les élèves des classes aumoins une heure par jour pour leur donner davantage accès à la lumière extérieure et essayer de freiner cette progression. «Les techniques de correction définitive se sont fortement améliorées, qu’il s’agisse des technologies laser pour les myopies faibles ou de la mise en place d’implants intraoculaires pour la myopie forte. Mais tous ces traitements ont un coût. Plus il y a demyopes, plus cela coûte cher à la société ». DES ÉVOLUTIONS À VUE D’ŒIL Là où certains évoquent « des progrès spectaculaires qui permettent de redonner la vue », le professeur Rakic restent à nouveau très modéré : «Certaines technologies dans certains cas permettent de redonner un peu de vue ». C’est notamment le cas des essais effectués dans le domaine de la thérapie génique, au stade expérimental pour certaines pathologies. «Cela peut fonctionner dans certains cas, chez l’animal de laboratoire. Pour la cécité, cela semble donner certains résultats. Mais, une fois encore, la réalité actuelle n’est pas à affirmer que la cécité n’est plus un fléau. Je ne veux pas donner cette illusion ». Ces 20 dernières années, de nombreuses avancées ont toutefois été enregistrées. C’est le cas pour la greffe de cellules cornéennes avec différentes variantes. Elle est aujourd’hui la greffe la plus répandue au monde et permet à de nombreuses personnes malvoyantes ou aveugles de retrouver une vision normale. «Des améliorations chirurgicales ont été apportées. On ne remplace plus la cornée dans toute son épaisseur, mais juste la couche malade, soit la couche de surface soit la couche profonde. C’est une véritable avancée ». Les médicaments pour la rétine ont aussi évolué. «De nouvelles techniques sont également expérimentées : plutôt que de mettre les gouttes plusieurs fois par jour, on imagine des implants qui vont libérer ces médicaments de manière prolongée, durant de plusieurs années ». Autre progrès : les implants multifocaux : « Ils sont utilisés, notamment quand il s’agit d’opérer des patients de la cataracte. De plus en plus perfectionnés, certains parviennent à recréer une perception correcte, sans lunettes, de loin et de près ». Lorsqu’il évoque le secteur de l’imagerie, le professeur Rakic n’hésite pas à parler de véritable révolution. «Nous analysons l’œil de façon de plus en plus précise et détaillée. Les RMN se font au millimètre, nous, c’est en micron que nous analysons. Cela nous permet de mieux comprendre les pathologies, de mieux traiter parfois, de mieux percevoir aussi ». Des évolutions considérables sont par ailleurs également apparues dans le domaine chirurgical (les microscopes) couplé à la miniaturisation des instruments (dont le diamètre peut être inférieur à 0,5mm). Ce qui permet d’opérer avec une précision et une sécurité accrue des cas inopérables il y a 20 ans. L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE Comme tous les autres services de l’hôpital, l’ophtalmologie est impactée par la crise sanitaire. «Il y a unmois, il nous a été dit que nous ne pouvions plus faire que les urgences. Toutes les opérations de la cataracte, des paupières, même des opérations sur la rétine ont été reportées. Une situation qui pose des problèmes d’indépendance à beaucoup de personnes : certains voient mal et ne savent plus conduire, d’autres ont été opérés d’un oeil mais pas de l’autre, ... C’est épouvantable ». Au-delà de la crise sanitaire, le professeur Rakic insiste pour pointer un autre élément qui, à ses yeux, est venu perturber la vie du service et des patients: «Nous sommes actuellement à 25% de ce que nous faisons habituellement. C’est à cause du covid mais aussi de problèmes liés au personnel. L’hôpital n’est pas rempli de covid, mais de lit et de salles vides par manque de personnel. Cela pose un problème plus général d’organisation et de gestion du personnel plus que de gestion du covid ». C.N JEAN-MARIE RAKIC Chef du service d’ophtalmologie 22 JANVIER | JOURNÉE MONDIALE DU BRAILLE Ophtalmologie : des soins en pleine évolution

RkJQdWJsaXNoZXIy MjkwMTYw