Journée mondiale du braille

■Professeur, certains parents ont parfois un avis di érent sur la vaccination de leurs enfants. Que conseillez-vous aux parents dans ce cas ? L’avis différent entre les parents est un problème plus large que la vaccination. Ce problème d’attitude est assez fréquent chez les parents qu’ils soient ensemble ou séparés. Je crois que c’est vraiment important d’essayer de replacer la question de la vaccination et de la santé de l’enfant dans un contexte de bienveillance des parents à l’égard de leur enfant. Il ne faut pas effectivement instrumentaliser l’enfant dans ce type de conflit quand les parents sont séparés ou pas d’accord. Nous sommes conscients que la vaccination est une question clivante dans notre société et cela touche évidemment les couples aussi. Dans les familles, ces questions sont parfois difficiles à arbitrer. L’enfant ne doit pas être impliqué dans ce débat. Nous devons avoir une position pédagogique la plus ouverte possible. Nous devons privilégier le dialogue entre les parties avec bienveillance pour faire comprendre l’intérêt que la vaccination peut représenter pour l’enfant. ■On sait que les cours de récré sont parfois des lieux di ciles où les enfants se comparent ou se jugent entre eux. Les enfants vaccinés, ceux qui ne le sont pas. Quels conseils donner aux équipes pédagogiques qui seraient confrontées à cela? La question de cette comparaison dans les cours de récré ou autre lieu scolaire, c’est quelque chose qui est beaucoup plus large que la question de la vaccination. Les enfants se comparent d’une façon absolument générale. Cela fait partie de la vie et de la maturation de l’enfant : il fait partie d’un groupe et dans ce groupe, il y a une dimension systémique où chaque enfant, effectivement, va se comparer aux autres. C’est donc un principe général, ça doit se passer comme ça. Ce n’est pas un défaut que ça se passe, c’est inévitable et c’est même bien. Il ne faut évidemment pas que ça devienne quelque chose qui ressemblerait à « des bons et des mauvais », à « des responsables et des irresponsables ». L’équipe pédagogique doit vraiment restaurer le dialogue. C’est une question de tolérance. La tolérance, c’est vraiment ce qui fait le vivre ensemble. ■La crise sanitaire n’a pas épargné les plus jeunes. Quel constat posez-vous sur ces enfants, ces jeunes qui grandissent maintenant depuis deux ans avec la Covid? La question de ce que représente la Covid est une question qui est sans doute difficile à gérer pour les enfants, parce que les enfants ne sont jamais qu’une partie d’un tout. L’enfant en tant que membre de cette société au sens large, est un peu une éponge par rapport à tout ce qu’il entend. La difficulté pour l’enfant est d’avoir une maîtrise, je dirais cognitive, au sens de compréhension du processus, qu’il n’a pas nécessairement les moyens d’avoir réellement. Là, c’est vraiment important de resituer l’enfant dans une perspective générationnelle. C’est-à-dire : qu’est-ce que les parents peuvent dire aux enfants ? Qu’estce que les enfants peuvent se dire entre eux? Qu’est-ce que les enseignants peuvent dire aux enfants pour qu’ils comprennent ce qui se passe ? On avait lancé à l’époque une petite ligne d’écoute et il y a une petite fille qui avait dit quelque chose à mes collègues, qui m’avait vraiment paru extrêmement significatif. Elle avait dit «Non, non, je ne me tracasse pas parce que je sais que maman va se protéger » ; je trouvais ça vraiment extrêmement intéressant, on voit que c’est le lien de confiance entre un parent et un enfant qui va permettre d’avoir ce sentiment de protection par rapport à ce danger qui nous guette. Et inversement, cet exemple-là dit l’inverse aussi : c’est-à-dire que les enfants sont des éponges, mais des éponges de l’angoisse des parents. Quand, inversement, j’entends une maman qui disait à l’époque : « je ne vais pas mettre mon enfant à l’école parce que je ne l’envoie pas à l’abattoir », c’est évidemment totalement destructeur de l’enfant, en réalité, bien plus que le virus. Il faut que nous, en tant qu’adulte, en tant que parents, nous puissions aider l’enfant à comprendre ce qui arrive sans censure. Il n’y a pas de plus mauvaises habitudes que la censure pour protéger : on ne protège jamais en censurant ou en privant, ; on protège en expliquant. Les enfants ont des compétences qui leur permettent tout à fait de comprendre. Ils sont beaucoup plus capables de comprendre que ce que nous pouvons penser. ■On entend beaucoup parler de résilience dans cette crise sanitaire. Les enfants ont-ils développé de nouvelles compétences ? Je pense que, effectivement, par rapport à ce qu’on pourrait appeler une forme de maturité, les enfants sont précisément capables, c’est parfois étonnant, de bien comprendre avec plus de rationalité que leurs parents un certain nombre de choses qui concernent effectivement la santé. Ils peuvent vraiment poser de bonnes questions et avoir de bonnes inquiétudes ou des inquiétudes parfois forcées si jamais ils sont dans un milieu évidemment trop anxiogène. En tout cas, ce serait surtout à ce niveau-là que je situerais la « nouvelle compétence des enfants ». C’est une sorte de maturité un peu forcée par les circonstances, mais où beaucoup d’enfants peuvent révéler finalement leur vraie capacité de compréhension du monde qui les entoure. Beaucoup plus que ce qu’on croit. ALAIN MALCHAIR pédopsychiatre 12 COVID ISAISON 2 ÉPISODE 2 C’est à nous d’avoir une position pédagogique, aussi ouverte que possible

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