Après les inondations, la parole aux psy

2 Gestion du stress a Éditeur responsable I Sudpresse - Pierre Leerschool Rue de Coquelet, 134 - 5000 Namur Rédaction I Frédérique Siccard, Jenifer Devresse, Caroline Doppagne, Charles Neuforge, Coordination I Louis Maraite, Rosaria Crapanzano Photographies I Pamela Iglésias Mise en page I Sudpresse Creative Impression I Rossel Printing EDITO I Qui ne veut pas entendre le personnel infirmier ? Le débat fait rage sur l’obligation vacci- nale ou la nécessaire présentation du «Covid-Pass» à l’heure où les chi res reprennent unecourbeascendante. Les rentrées scolaires et académiques vont bientôt impacter encore davantage les chi res tandis que, dans les hôpitaux, c’est le personnel qui se fait de plus en plus pénurique. Ses revendications de revalorisation salariales sont légitimes et la période de crise sanitaire, pendant laquelle il aaccompagnédespatients en détresse, a mis en exergue, chez près d’un infirmier.e sur trois (enquête sur 352 infis), l’apparition d’un «trauma- tismevicariant»: lesprofessionnelsde la santéressentent lesmêmesexpériences émotionnelles que leurs patients. Qui est venu s’ajouter aux problèmes spé- cifiques de la charge de travail et des réductions de personnel. (1)Mais qui ne veut pas l’entendre? Ce phénomène peut sans doute aussi être constaté auprès des personnes qui aident, dans une admirable solidarité, les sinistrés des inondations de juillet dans notre Province. Les psys du CHU de Liège sont inquiets à l’analyse du choc post-traumatologique: «Attention au syndrôme de résignation»!» Le Patient se penche encore sur l’acces- sibilitédeshôpitauxauxpersonnessouf- frant de handicap. Et aussi au retour du personnel au bureau après une longue périodede télétravail. «C’est lemanage- ment qui doit évoluer» dit le Pr Isabelle Hansez, professeur de psychologie du travail (ULiège). Desbonnesnouvellespour conclure: les médailles de bronze de Roger Habsch aux Paralympiques de Tokyo, le succès du Jogging d’Esneux où, pour lui, tout avait commencé. Et d’autres opérations de solidarité réussies: le CHU Walking Tour et les 24 Jours du Télévie LA RÉDACTION (1) Mémoire, septembre 2021, Héloïse Oosterbosch (U Liège) LE MOT WALLON « I faut todi grater les djins ousk’ ils ont scau » « Il faut toujours gratter les gens où ça les chatouille » Proverbe nivellois APRES LES INONDATIONS | LA PAROLE AUX PSY P erchés sur un promontoire im- provisé, ils ont vu l’eau envahir le salon, pour ne s’arrêter qu’à 20 centimètres du plafond, leur lais- sant tout juste de quoi respirer. Elle a hurlé quand les flots déchaînés ont emporté la voiture que son mari voulait mettre à l’abri. La mort, ce jour-là, n’est pas passée loin. Elle les a laissés à leur e roi, à leurs peurs les plus profondes, en état de stress aigu. Encadrés très rapidement par le service de Psychologie clinique et d’Action sociale du CHU de Liège, ils reprennent pied dans « la vie d’après». Voici comment. « Immédiatement après les inondations, l’urgence a été de repérer, et d’accompa- gner, les personnes en état de stress aigu. Celui-ci répond à des critères très stricts, le premier étant d’avoir été confronté à la mort. En cas de catastrophe naturelle, d’ac- cident, d’attentat, de violences sexuelles, par exemple. C’est di érent d’une situa- tion où l’on a ronte la perte totale de ses biens, même si cette sou rance-là est bien réelle aussi », insiste Éric Adam, chef de service. Les symptômes sont évidents : le pa- tient est victime d’une hyperactivité neurovégétative, qui se traduit par des troubles du sommeil, de l’appétit, des états de tension important, mais aussi d’une reviviscence continue de l’événe- ment traumatisant, d’une di culté à se concentrer, d’une incapacité à vivre des émotions positives, d’une notion d’évitement – retourner sur les lieux du drame ravive l’angoisse. « L’état de stress aigu, en raison de la profonde détresse qu’il engendre, vient perturber la vie sociale et/ ou professionnelle du patient. S’il n’est pas traité endéans un mois, il devient syndrome de stress post-traumatique, avec son cor- tège de douleurs psychiques et de di cultés sociales », souligne Éric Adam. REDEVENIR ACTEUR DE SA VIE «Pris en charge demanière précoce, le patient restera marqué à vie, mais retrouvera rapi- dement sa fonctionnalité », indique encore le psychologue. «Il s’agit, dans un premier temps, de l’aider à reconstruire le scénario, pour éviter la logique fantasmatique. On s’at- tache ensuite à lui permettre d’identifier ses émotions, de les nommer, puis on cherche, avec lui, ce qui lui permettrait d’aller mieux. On n’élude aucune question. La dernière étape consiste à l’aider à se repositionner, à recréer du lien: quand on est un survivant, il arrive qu’on n’ait plus l’impression d’apparte- nir aumonde des vivants, qui ne peuvent pas comprendre. Recréer du lien avec la société, recréer un réseau, c’est redevenir acteur de sa vie, retrouver des pensées positives. » Chez les adultes comme chez les enfants, chaque étape compte, chaque petit pas est une victoire. Dans la gestion d’un stress post-traumatique aussi. «Certaines personnes ne se rendent pas compte que leur état nécessite des soins, de l’attention. Deux mois plus tard, elles sou rent gé- néralement d’un stress post-traumatique auquel il faut se montrer attentif. Les symptômes relatifs à l’état de stress aigu, une grande tristesse, une majoration de la consommation d’alcool ou d’autres subs- tances sont autant de signaux de détresse : il faut consulter le médecin traitant, ou le spécialiste référent, qui travaille avec un psychologue de première ligne. On peut aussi consulter pour quelqu’un d’autre, pour pouvoir aider. Et, toujours, se montrer bien- veillant, soutenir la démarche d’aide, être à l’écoute, déstigmatiser : dans notre société, un enjeu socio- sanitaire majeur ÉRIC ADAM Chef du Service de Psychologie clinique et d’Action sociale

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